Touba — Des dizaines de milliers de fidèles convergent depuis lundi tôt le matin vers la grande mosquée de Touba pour prier et se recueillir à l'occasion de la célébration la 129e édition du grand Magal, en souvenir du départ en exil au Gabon de Cheikh Ahmadou Bamba (1853-1927), le fondateur du mouridisme, l'une des principales confréries musulmanes du Sénégal.
L'évènement religieux se tient cette année en plein hivernage, ce qui a rendu difficile les déplacements dans la ville sainte en proie à des inondations en dépit de l'important dispositif de pompage des eaux déployé par les autorités.
Sur le plan sécuritaire, la Police nationale a engagé un effectif de 4106 fonctionnaires ainsi que des moyens logistiques conséquents pour assurer la sécurité des personnes et des biens.
"Relativement au dispositif du grand Magal, un effectif de 4106 fonctionnaires de police et des moyens logistiques conséquents sont engagés pour couvrir les communes de Touba, Mbacké, Diourbel et Bambey, soit une montée en puissance de 352 agents de plus, comparé à l'année dernière", a déclaré, samedi, le Directeur de la sécurité publique, le commissaire divisionnaire Ibrahima Diop.
Il a précisé que cet important dispositif est composé des personnels de la sécurité publique des différents commissariats de la région de Diourbel, de la direction de l'Office central de répression du trafic illicite des stupéfiants, de la direction de la surveillance du territoire, des unités spéciales et de la brigade prévôtale.
A ce dispositif physique, s'ajoute un dispositif technique avec des drones, de la vidéosurveillance entre Touba et Mbacké, selon le Directeur de la sécurité publique.
La gendarmerie a annoncé avoir déployé 3707 hommes , 150 véhicules, 80 motocyclistes, 03 ambulances médicalisées.
Conformément à la tradition républicaine, le président de la République, Macky Sall, était à Touba jeudi pour sa visite de courtoisie au Khalife général des mourides. Le chef de l'État s'est entretenu avec le guide religieux Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, à Darou Miname, un quartier de la ville de Touba.
Devant le Khalife, le président de la République, Macky Sall, a réitéré sa décision de ne pas se présenter à l'élection présidentielle du 25 février 2024.
"Je voudrais réitérer devant vous mon engagement de ne pas me présenter à l'élection présidentielle du 25 février prochain. C'est un engagement que j'avais pris depuis ma campagne de la dernière élection présidentielle", a déclaré le chef de l'État.
"L'année prochaine, à pareil moment, un autre président de la République sera là pour effectuer le ziarr (visite de courtoisie) et délivrer le message de la nation", a-t-il ajouté.
Le ballet des hommes politiques de la majorité comme ceux de l'opposition s'est poursuivi dans la ville sainte dans ce contexte pré-électoral.
Le Grand Magal de Touba, organisé sous sa forma actuelle depuis 1928, est un évènement religieux annuel commémorant le départ en exil au Gabon (1895-1902) de Cheikh Ahmadou Bamba, le fondateur du mouridisme, l'une des principales confréries musulmanes du Sénégal.
Né vers 1854, Cheikh Ahmadou Bamba s'est attribué le titre de Khadimou Rassoul, « serviteur du prophète ».
Il est le fils de Mouhamad Ibn Abiballah, plus connu sous le nom de Mor Anta Saly, un serviteur de l'aristocratie princière, juriste-conseiller, un imam très respecté des musulmans et des rois. Sa mère, Mame Diarra Bousso, surnommée « Diarratoullahi », proche d'Allah, était reconnue pour sa piété.
Ahmadou Bamba qui préféra rester loin des palais dira: « si mon défaut est la renonciation aux vanités des princes, c'est là un précieux vice qui ne me déshonore point ».
Il assimila le Coran et certaines sciences religieuses telles que la théologie, la prière et le droit musulman etc. Jusqu'en 1882, Ahmadou Bamba s'occupa de l'enseignement de son père tout en écrivant des Ouvrages dans le domaine de la jurisprudence, de la théologie et le perfectionnement.
Après la mort de son père, Ahmadou Bamba devient un guide et fonda la voie mouride dans un contexte de domination coloniale française. Ce qui était d'ailleurs vu d'un très mauvais oeil par l'administration coloniale.
Le colon français, craignant que les enseignements de Cheikh Ahmadou Bamba, résistant anticolonial, suscitent un soulèvement populaire, décide de l'exiler au Gabon entre 1895 et 1902.
"Le motif de mon départ en exil est la volonté que Dieu a eue d'élever mon rang jusqu'auprès de Lui, de faire de moi l'intercesseur des miens et le serviteur du Prophète Mohamed (PSL)", avait, selon la tradition, indiqué Cheikh Ahmadou Bamba.
Khadimou Rassoul (serviteur du prophète Mohamed) est resté sept ans au Gabon, sur l'île inhospitalière de Mayombé, bravant toute sorte de dangers, rapporte le magazine de l'APS consacré à la célébration de la 129e du Magal.
Il y a supporté toutes sortes de brimades de la part du colonisateur français engagé plus dans une croisade contre l'islam, au Sénégal. Des années de surveillance, de privation, de solitude et de persécutions, lit-on dans la publication.
Ahmadou Bamba est mort en 1927 à Diourbel. Mais son héritage est perpétué depuis lors par ses fils : Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké (1927-1945), El Hadj Falilou Mbacké (1945-1968), Serigne Abdoul Lahat Mbacké (1968-1989), Serigne Abdou Khadr Mbacké (1989-1990), Serigne Saliou Mbacké (1990-2007).
La disparition en 2007 de Serigne Saliou Mbacké a ouvert l'accession des petits-fils au Khalifat : Serigne Mouhamadou Bara Mbacké (2007-2010), Serigne Sidy Moctar Mbacké (2010-2018).
Serigne Mountakha Bassirou Mbacké est le Khalife général des mourides depuis 2018.
Le Magal, terme wolof voulant dire rendre hommage, célébrer, magnifier, est commémoré en souvenir de cet exil qui marque le début d'une somme d'épreuves supportées en conscience par le cheikh, suivant un pacte contracté avec son créateur.
Chaque année, des dizaines de milliers de pèlerins prennent d'assaut la ville de Touba pour se recueillir et prier à l'occasion du Magal, qui est également un moment de convivialité et d'hospitalité à travers les "berndé", ces copieux repas servis aux pèlerins.
Concernant les retombées économiques de l'évènement, Serigne Abdou Lahat Gaïndé Fatma, président de la commission culture et communication du Magal de Touba, a signalé que "les dernières évaluations datent de 5-6 ans, et faisaient ressortir un chiffre d'affaires de 250 milliards injectés dans l'économie nationale".
"Cela concerne l'ensemble des secteurs d'activités. Vous pouvez faire le calcul et voir ce que l'Etat en tire en termes de taxes et autres. Le Magal est un événement qui booste l'économie nationale comme le hajj et la oumra boostent l'économie saoudienne. Nous disons toujours que l'Etat doit en faire un levier de développement, pas seulement le Magal, mais aussi l'ensemble des événements religieux", a-t-il confié au Magazine "Vitrine".
"Vous allez à La Mecque, c'est 9 millions de visiteurs chaque année pour le hajj et la oumra. Les Saoudiens en tirent près de 20 milliards de dollars [plus de 12 000 milliards de francs CFA]. Rien qu'à Touba, nous recevons 10 millions de personnes par an : le Magal en attire 5 millions. Vous prenez les autres Magal et ziars, les week-ends, c'est minimum 5 millions", a-t-il ajouté.
Selon lui, "en termes de rentrée de devises, c'est entre 475 voire 500 millions de dollars [plus de 300 milliards de francs CFA]. Donc nous avons du travail à faire à ce niveau-là. C'est pourquoi, nous pensons que l'Etat doit faire des évènements religieux un levier de développement économique, de concert avec les familles religieuses pour que le Sénégal puisse en tirer le plus grand profit".