Madagascar: L'éducation est un ascenseur social

Avec son club Interact Fraternity, mon fils participe à l'initiative en faveur des classes ASAMA (Action Scolaire d'Appoint pour les Malgaches Adolescents/Asa Sekoly Avotra ho an'ny zaza Malagasy).

Il leur s'agit d'assurer la fourniture de riz et de «laoka» pour la cantine scolaire et d'assumer le salaire d'un(e) instituteur/institutrice et d'un administratif. Ce sont des enfants de 17 ans qui suppléent à la carence de l'État, en s'occupant d'autres enfants à peine plus jeunes qu'eux. La lecture, même en diagonale, de la fiche de chaque association humanitaire dresse l'inventaire d'une cour des miracles sauf que les enfants abandonnés, les gosses orphelins ou aux parents tellement démunis, qu'ils n'ont accès ni à l'alimentation, ni à l'hygiène, ni aux soins, ni à l'éducation, ni à aucune perspective, ne retrouvent pas une vie normale au «vestiaire» de quelque faux-semblant, une fois notre regard détourné de leurs meurtrissures.

L'État malgache n'a toujours pas les moyens de remédier à cette catastrophe humanitaire rampante, qui se doublera un jour d'une triple catastrophe sociale, démocratique, voire de simple santé publique (supposons, plusieurs générations devant survivre dans cet état, créant une masse critique de populations atteintes de dégénérescence physique et mentale).

Des particuliers, qui n'ont pas encore acquis l'immunité de l'indifférence, se mobilisent et s'organisent, à une échelle forcément réduite (un quartier, un arrondissement, un district, trois villes quand on voudrait s'occuper de mille) ce qui laisse beaucoup de place encore sur le «marché» de la générosité. Les éléments de langage, qu'on retrouve chez tous ces humanistes, conjuguent à tous les imparfaits le mode absolu d'un sous-développement tragique : «réinsertion scolaire ou professionnelle», «accès aux besoins fondamentaux», «alimentation-soins-hygiène-scolarisation-éducation civique».

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S'agissant d'enfants, les seuls pour lesquels subsiste encore un peu de compassion dans notre jungle urbaine, les mots de «famille» et «sécurité maternelle» dégagent une émotion désuète, sans doute parce qu'on la sait désormais introuvable et qu'aujourd'hui, même les mères jettent leur bébé dans des latrines.

À Madagascar, en 2023, c'est encore un petit évènement, avec force couverture médiatique, que l'inauguration très officielle de latrines ici, de pompe publique là, de bassins-lavoirs ailleurs, faisant de l'hygiène élémentaire un luxe. On apprend l'efficacité dissuasive d'un seul repas à la cantine scolaire contre le travail des enfants. Las, l'instruction obligatoire, inscrite dans chacune des constitutions malgaches depuis 1959, n'est, dans les faits, pas gratuite, même dans des écoles primaires publiques qui accueillent une petite centaine d'enfants par classe pour une seule institutrice.

Beaucoup d'enfants risquent d'être déscolarisés, leurs parents n'ayant plus les moyens de payer les frais de scolarité ni d'acheter les fournitures scolaires. Déperdition scolaire. Sortie du système. Marginalisation. Le Fanjakana, par ailleurs si dispendieux pour faire la fête, ne consacre rien à un bol de lait chaud, chaque matin, et à la cantine du midi, pour tous les écoliers, de chaque école publique de Madagascar. Et alors que la liste des fournitures s'allonge inutilement, l'attribution d'un kit scolaire décent devrait être une obligation constitutionnelle.

Des aliments, du nécessaire d'hygiène, des fournitures scolaires, pour donner une chance à ces enfants qui frappent à la porte de la société: les scolariser, les voir passer en classe supérieure, leur faire passer un premier examen officiel, les amener à poursuivre au collège, les regarder aller plus loin jusqu'à une citoyenneté consciente, critique et responsable.

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