Au Burkina Faso, la violence armée provoque depuis des années des déplacements de population à l'intérieur du pays et vers les pays voisins. Toutes les régions sont désormais concernées. Notre rôle est de remettre en contact les personnes séparées par ces événements. Korotimi et Bouba ont retrouvé leur famille.
« Si je meurs maintenant, je m'en irai heureux. » Massa Ouattara vient de croiser le regard de sa fille Korotimi, disparue il y a plus de dix ans. Aujourd'hui, ce sont les retrouvailles à la délégation du CICR à Ouagadougou, après un long périple de dix ans qui mena Koritimi d'abord en Côte d'Ivoire à la recherche de ses enfants et du père de ces derniers. Ne les ayant pas retrouvés, elle poursuivit son chemin au Niger, où elle finit par s'établir. Le temps passant, sa santé se dégradant, un retour au Burkina semblait de plus en plus difficile : « L'espoir de revoir les miens s'était éteint », avoue-t-elle.
Dix ans d'absence, de silence, de souffrance
Blessée par balle lors d'un affrontement armé, elle est traitée dans un hôpital soutenu par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Korotimi découvre qu'elle peut retrouver les siens en ouvrant une demande de recherche auprès de la Croix-Rouge.
Croix-Rouge du Niger, Croix-Rouge burkinabè et CICR unissent leurs efforts et finissent par localiser sa famille dans la région des Cascades au Burkina Faso.
Son père Massa évoque péniblement cette longue absence : « Parfois je passais des nuits blanches et il m'arrivait de me dire que si je me donnais la mort, toute cette souffrance s'effacerait. » Avant de reprendre le sourire aux lèvres : « J'ai rêvé de ce moment où je vois ma fille assise à côté de moi avec mes petits-enfants. C'est fou mais je me disais souvent qu'elle reviendrait même si je ne savais pas par quel miracle. »
Pour Soumaila, le frère de Koritimi, l'absente était toujours présente « au cours des conversations, des fêtes de famille, des rencontres. Tout menait à elle. » Pour lui, faire le deuil, sans avoir de réponse sur le sort de sa soeur, était impossible. « Quand vous pouvez faire un enterrement, vous pouvez avancer malgré le chagrin. Quand vous ne savez rien, il ne vous reste que le traumatisme et l'angoisse. »
Jour de retrouvailles à Kougoussi
Dans la ville de Kougoussi, d'autres retrouvailles ont eu lieu, entre Bouba Maiga, onze ans, et sa grand-mère. Les larmes aux yeux, cette dernière se confie : « Je ne pensais pas qu'il ne serait de retour de mon vivant. Merci à vous de me l'avoir ramené, je suis soulagée. »
Confié à un maître coranique à l'âge de six ans, Bouba a dû se déplacer à plusieurs reprises avec les autres élèves en raison de la situation sécuritaire . De déplacement en déplacement, Bouba a fini par se retrouver seul et isolé. Sans nouvelles de ses parents, il contacte alors le CICR, qui lance des recherches. Qui ont abouti à cet événement heureux.
En regardant son neveu en ce jour spécial, Tahibou Maiga affirme que « ces années sans nouvelles de Bouba ont été stressantes et traumatisantes ». Car derrière chaque personne disparue, d'innombrables autres personnes souffrent de l'angoisse et de l'incertitude de ne pas savoir le sort et le lieu où se trouvent leurs proches.
Violence armée, migration ou catastrophe naturelle, peu importe la cause de la disparition, la douleur des familles reste la même et le temps ne semble pas avoir d'effet. Pour ces familles, le besoin de savoir est vital.