Mali: Les tensions font craindre la reprise des hostilités

Fleuve Niger

La crainte d'un embrasement va croissant entre la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA) et la junte au pouvoir. Malgré cela, les autorités maliennes appellent les groupes armés signataires de l'accord de 2015 à reprendre le dialogue. De même, plusieurs pays ont appelé à une reprise des discussions, mais la CMA récuse, accusant l'armée régulière de continuer de bombarder ses positions dans le Nord.

Alliance de groupes indépendantistes et autonomistes à dominante touareg, la CMA est entrée en rébellion contre l'Etat malien dans le nord en 2012 en même temps que des islamistes radicaux. Ces derniers temps, les groupes armés qui la forment s'opposent à ce que les camps de l'ONU - une dizaine de bases reparties sur le territoire - soient transférés à l'armée malienne.

La tension entre les deux parties est montée d'un cran depuis le début du retrait de la mission des Nations unies dans le pays, dont la remise du camp onusien de la ville de Goundam, dans la région de Tombouctou et celui de Ber à l'Etat mi-août, provoquant des accrochages entre l'armée et la CMA. L'on redoute que la situation s'aggrave dans les tout prochains jours puisque la mission de l'ONU doit quitter d'autres camps d'ici au 31 décembre.

En attendant, l'armée ne cesse de mener des frappes aériennes sur les positions de la CMA, provoquant la colère de ses dirigeants. Si l'armée assure avoir « visé des regroupements de groupes armés terroristes » et avoir « neutralisé » plusieurs combattants, la CMA considère, quant à elle, que la junte « a définitivement et délibérément opté pour une escalade vers des hostilités ouvertes aux conséquences obligatoirement désastreuses ».

Dans un rapport daté d'août, des experts mandatés par le Conseil de sécurité des Nations unies expriment leur préoccupation devant des frappes aériennes répétées, et disent disposer d'informations persistantes sur un « réarmement intensif » de la part des ex-rebelles. Le texte note que l'application de l'accord de 2015, qui prévoit plus d'autonomie locale et l'intégration des combattants dans une armée dite « reconstituée », est dans une « impasse ». Cela fragilise les signataires auprès des populations locales.

« Nombre de groupes armés ont vu leurs combattants changer de camp pour rejoindre des groupes armés terroristes ou des réseaux de trafic », rapportent les auteurs du rapport, ajoutant que cette nouvelle donne offre « aux groupes terroristes l'occasion de reproduire le scénario » de 2012, avec la prise éventuelle des grandes villes du nord.

L'avenir de l'accord d'Alger menacé

Pour le secrétaire général de l'ONU, le retrait engagé des Casques bleus du Mali pose des risques importants pour la sécurité des civils, la protection des droits humains et l'aide humanitaire dans le pays. « Si les tensions actuelles n'étaient pas résolues, elles pourraient non seulement compliquer le retrait de la Minusma mais également saper encore plus l'accord de cessez-le-feu, avec des implications graves sur la totalité du processus de paix », prévient Antonio Guterres.

Cette situation fait craindre pour l'avenir de l'accord de 2015 jugé primordial pour une stabilisation du pays sahélien pris dans la tourmente depuis le déclenchement d'insurrections indépendantiste et salafiste dans le nord en 2012. L'accord dit d'Alger a été signé par la CMA, par des groupes armés progouvernementaux et par le gouvernement. Les djihadistes continuent, quant à eux, de combattre l'Etat sous la bannière d'Al-Qaïda ou de l'organisation Etat islamique.

Le Conseil de sécurité exprime abondamment ses inquiétudes pour l'avenir de l'accord d'Alger. Quant au chef de la mission des Nations unies au Mali, El Ghassim Wane, il a dit constater la « paralysie des structures de suivi » de l'accord. Joignant sa voix à celles qui déplorent le climat prévalant dans le nord Mali, l'ambassadrice américaine Linda Thomas-Greenfield s'est dite « alarmée » par la « reprise des hostilités » et les affrontements qui ont déjà eu lieu dans cette partie, dont à Ber et Anéfis. « Si la guerre éclatait, elle ferait déferler sur les Maliens une dévastation indicible, impensable », a-t-elle mis en garde.

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