Pour ce deuxième volet de notre série sur la finance islamique, nous nous intéressons à la différence entre l'intérêt pratiqué par les banques classiques et la marge utilisée par la banque islamique. Toujours avec les éclairages de l'expert Abdou Diaw, Dr en Finance islamique de l'International center for education in islamic finance (Inceif) en Malaisie et Directeur du cabinet Acoffis (Al-Itqan conseil et formation en finance islamique).
Le développement de la finance islamique reste timide au Sénégal comparé à un pays comme la Malaisie. Avec un pourcentage de musulmans plus faible (60 % contre 95 % au Sénégal), ce pays asiatique, où la finance islamique a fait ses débuts dans les années 1980, joue, aujourd'hui, un rôle de leader dans le monde dans ce domaine. Selon Dr Abdou Diaw, titulaire d'un Doctorat en Finance islamique obtenu à l'International center for education in islamic finance (Inceif), en Malaisie, deux raisons principales expliquent la faible percée de la finance islamique au Sénégal. La première est liée à la communication. « Les efforts faits en matière de communication pour promouvoir la finance islamique sont insuffisants », estime M. Diaw, également Directeur du cabinet Acoffis (Al-Itqan conseil et formation en finance islamique).
La deuxième raison est liée à la « faiblesse de l'action étatique ». « En Malaisie, le Gouvernement avait mis en place un Master plan pour le développement de la finance islamique de manière générale et qui était régulièrement évalué. Donc, l'État avait pris en charge le développement de ce mode de financement », dit-il. Certes, au Sénégal, reconnaît Abdou Diaw, il y a des actions qui ont été menées par l'État, mais il pense qu'elles ne sont pas coordonnées au niveau national, ne couvrant pas tous les aspects de la finance islamique, à savoir la banque, l'assurance, les marchés financiers, le Waqf, la zakat, etc.
Une troisième raison est éventuellement liée à la faiblesse de l'offre en produits de finance islamique. En effet, souligne Dr Diaw, la plupart des institutions de finance islamique présentes au Sénégal se limitent à un produit : le « murabaha ». Il y a aussi le « tawarukhfu » qui ressemble beaucoup au prêt avec intérêt pratiqué par les banques classiques. Ce produit « rend beaucoup de gens confus parce qu'ils se demandent finalement quelle est la différence avec le prêt avec intérêt », relève l'expert. Ce qui est constant, souligne-t-il, c'est que la prohibition de l'usure (intérêt) est un principe fondamental de la finance islamique.
Comment les banques islamiques gagnent-elles de l'argent ?
Dès lors, comment les banques islamiques parviennent-elles à gagner de l'argent ? En effet, beaucoup de gens pensent que les prêts doivent être gratuits ; ce qui n'est pas le cas. « Il faut avoir à l'esprit que les institutions de finance islamique sont des acteurs du secteur privé. Et en tant que telles, elles cherchent à réaliser des bénéfices, du profit », rappelle Dr Diaw. En réalité, les institutions de finance islamique ont un modèle qui diffère de celui des banques classiques. Ces dernières empruntent de l'argent (les dépôts des clients) qu'elles prêtent, avec leurs fonds propres, aux clients à des taux plus élevés (donc avec un intérêt). « Avec la banque islamique, comme l'intérêt est prohibé, elle agit comme un commerçant ou investisseur. L'argent, n'étant pas utile de manière intrinsèque, est juste un moyen pour acheter des biens et services.
Donc, la banque islamique se positionne comme un intermédiaire entre le marché des biens et des services et le client. Celui-ci a besoin d'un bien, la banque l'achète et le lui revend (ou loue) avec une marge (bénéfice). Ou bien il a un projet, la banque islamique met les fonds nécessaires avec à la base un partage des risques et des bénéfices. Ainsi, à partir du moment où on voit la différence de modèle d'intermédiation entre la banque islamique et la banque classique, on comprend très vite la différence entre intérêt et marge », conclut Abdou Diaw. Comment est calculée cette marge ? Sans rentrer dans les détails techniques, il explique qu'elle est calculée de sorte qu'elle couvre les charges et permet de dégager un bénéfice pour rémunérer les actionnaires.