L'insécurité alimentaire passe désormais par les animaux vivants destinés à l'alimentation humaine
L'autosuffisance en matière de viandes rouges et blanches, souvent vantée par le gouvernement, fera-t-elle désormais partie du passé ? En fait, la facture des importations du Maroc en animaux vivants destinés à l'alimentation humaine a quintuplé depuis le début de l'année. Elle a bondi au cours des sept premiers mois de cette année à 1,58 milliard de DH, contre 311 millions de DH au cours de la même période de l'année dernière, soit une hausse d'environ 1,27 milliard de dirhams.
Des importations multipliées par sept
Selon des données récentes de l'Office des changes, au cours des sept premiers mois de l'année dernière, les importations marocaines ont été multipliées par sept en passant de 5.000 tonnes d'animaux vivants destinés à l'alimentation humaine à plus de 35.000 tonnes. Pour certains analystes, cet accroissement trouve son explication dans le recours intensif aux importations d'ovins et de bovins depuis le début de cette année dans le but de réduire les prix de la viande, qui ont atteint des niveaux record.
A rappeler, à ce propos, que le gouvernement a décidé d'adopter des mesures incitatives à l'importation de vaches et de moutons destinés à l'abattage afin de réduire les prix de la viande rouge suite à l'impact de la pandémie du Corona sur le cheptel marocain et celui de deux années de sécheresse sur l'état des pâturages, sans oublier les effets de l'inflation observée mondialement ayant provoqué une augmentation des prix des intrants agricoles, notamment fourragers.
A souligner, dans ce sens, que la plupart des céréales nécessaires à la production d'aliments pour les animaux sont importées, ce qui notre pays rend vulnérable à l'inflation et aux crises conjoncturelles. Selon certains médias, les céréales importées, principalement du soja et du maïs en provenance des Etats-Unis et d'Argentine, représentent environ 80% des aliments composés pour animaux. En 2021, plus de 60% des importations totales du Maroc en provenance des Etats-Unis étaient des ingrédients d'aliments pour animaux.
La plupart des céréales nécessaires à la production d'aliments pour les animaux sont importées, ce qui rend notre pays vulnérable à l'inflation et aux crises conjoncturelles.
De son côte, le ministre de l'Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural, des Eaux et Forêts, Mohammed Sadiki a indiqué, en mai dernier, qu'en décembre 2022, une hausse de 20% des prix de la viande rouge a été enregistrée par rapport à la même période de l'année précédente, en raison de facteurs liés à la sécheresse sévère qu'a connue le Royaume et du stresse hydrique qui en résulte.
Il a également évoqué, en ce sens, l'augmentation des prix des aliments du bétail due à l'inflation qui a touché les pays du monde entier, les fourrages et produits localement et importés atteignant 29% et 13% respectivement, outre la hausse des coûts de production de la viande rouge, ce qui a poussé certains éleveurs à abattre une partie des races femelles à viande, entraînant une réduction de l'offre actuelle d'animaux de boucherie, alors que la consommation de la viande rouge est de 17 kg annuellement par habitant.
Dépendance accrue au marché mondial
Une situation appelée à s'inscrire dans la durée, à en croire Mohamed Jabali, président de la Fédération marocaine des acteurs du secteur de l'élevage, qui a déclaré au SNRTnews que «le processus d'importation de vaches et de moutons se poursuit toujours avec les mêmes incitations et conditions que celles adoptées par le gouvernement avant l'Aïd al-Adha», sachant que les dépenses annuelles de consommation en viande par habitant au Maroc sont passées de 92,9 dollars en 2014 à plus de 110 dollars en 2023. Selon la FAO, la consommation moyenne de viandes rouges au Maroc a atteint 17,2kg/habitant/an en 2019, devant l'Algérie (14,4 kg) et la Tunisie (environ 6 kg).
Une mauvaise nouvelle puisqu'un faible taux d'autosuffisance alimentaire pour un pays, comme le nôtre, accroît sa dépendance au marché mondial et témoigne de sa très grande fragilité à s'approvisionner en denrées alimentaires.
La faute au PMV
Un état des lieux qui n'a rien d'une fatalité, d'après plusieurs experts qui ont tiré la sonnette d'alarme des années auparavant, concernant la situation alimentaire au Maroc. En effet, des projections relatives à la demande alimentaire établies par des chercheurs, tout en tenant compte des prévisions de la production exprimées dans le cadre du Plan Maroc Vert, à partir de 2008 (année de son élaboration), à travers ses différents contrats-programmes, avaient prévu, et ce dès 2020, une dépendance alimentaire du pays pour le sucre, le blé tendre, le blé dur et l'huile de table en dépit d'une amélioration du taux de couverture de ces produits passés de 39% à 48% pour le blé tendre, de 53% à 62% pour le blé dur, de 37% à 62% pour le sucre et de 2% à 20% pour l'huile de table.
Ainsi, la balance alimentaire reste déficitaire pour plusieurs produits et le taux d'autosuffisance alimentaire se situe pour les produits de base, en moyenne, à 80% pour les céréales, 60% pour le sucre et 85% pour le lait et dérivés. Une situation que le Plan Maroc Vert ne semble pas avoir prise en ligne de compte puisqu'il a renvoyé l'incontournable notion de sécurité alimentaire aux calendes grecques.