La 3ème édition de la Conférence internationale du réseau Afrique des comptes nationaux de transferts (Nta-Afrique) s'est ouverte, mercredi, à la Somone, dans le département de Mbour.
Placée sous le thème de l'Économie générationnelle et du développement durable en Afrique, cette rencontre étalée sur 3 jours (6 au 8 septembre) va servir de plateforme aux acteurs pour discuter de la problématique de la capture du dividende démographique en Afrique, notamment dans la zone Cedeao.
« Dividende démographique, Économie générationnelle et développement durable en Afrique : faire le bilan 5 ans après la feuille de route de l'Ua sur le dividende démographique ». Tel est le thème de la troisième édition de la conférence Nta-Africa. Ce rendez-vous international soutenu par le Bureau ouest africain de la Commission des nations-unies pour l'Afrique (Cea), en collaboration avec des structures comme le Consortium régional pour la recherche en économie générationnelle (Creg) et le Fonds des nations-unies pour la population (Unfpa) est un cadre d'échanges sur les questions de populations et de développement durable.
Il s'agit, pour les chercheurs venus du monde entier, de débattre avec les décideurs politiques sur des défis liés notamment à la capture du dividende démographique en Afrique, a indiqué le Pr Latif Dramani, Coordonnateur du Creg, à l'ouverture des travaux. Avec les multiples crises qui secouent le continent, cette troisième conférence ambitionne d'intégrer la dynamique de la population dans la planification du développement, en s'appuyant sur le dividende démographique, élément essentiel dans la réalisation de l'agenda 2030 de l'Union Africaine, a-t-il souligné.
Pour le Pr Mamadou Babacar Ndiaye, Recteur de l'Université Iba Der Thiam de Thiès (Uidt), par ailleurs Président du symposium, une bonne capture du dividende démographique peut propulser le développement. Et pour une exploitation optimale de ce dividende, le Professeur Ndiaye estime qu'il est important de disposer d'une jeunesse bien formée. « Une des missions principales de notre Université, c'est de tout faire pour avoir une bonne adéquation entre la formation et l'emploi, avoir un meilleur taux d'insertion de nos diplômés », a indiqué le Recteur de l'Uidt.
Abondant dans le même sens, la Directrice du Bureau régional de la Cea en Afrique de l'Ouest et du centre, Mme Ngoné Diop, a saisi l'occasion pour plaider en faveur de l'accélération de la capture du dividende démographique. « Accélérer la capture du dividende démographique permettra d'accélérer aussi la réalisation des Objectifs de développement durable en Afrique », a indiqué notre compatriote.
Elle en a profité pour déplorer le faible progrès noté sur la réalisation des Odd. Mme Diop est aussi revenue sur les efforts fournis par la Cea pour accompagner les États dans la capture du dividende démographique. « Nous avons pu mettre en oeuvre, de manière effective, une feuille de route et, par ricochet, avoir des résultats probants en termes de renforcement de capacités, de collecte de données et de mise en oeuvre d'une budgétisation sensible au dividende démographique », a fait savoir Ngoné Diop.
Cette conférence revêt un enjeu particulier pour le Sénégal, a souligné Mouhamed Ndiaye, le Directeur de cabinet du Ministre de la Femme, de la Famille et de la Petite enfance. Il a rappelé que le Sénégal veut s'inscrire dans l'agenda international à travers la maîtrise de sa démographie dans une perspective de booster l'économie. «
Nous avons des économies légèrement caractérisées par un indice de pauvreté parfois alarmant, mais des efforts consistants ont été mis en oeuvre par les pouvoirs publics pour réduire cette pauvreté et faire de sorte que le boom démographique se traduise en dividende démographique », a informé Mouhamed Ndiaye. « Le Sénégal a bouclé des négociations avec la Banque Mondiale pour entrer dans le projet Swedd, (Autonomisation des femmes et dividende démographique), pour un coût global de presque 100 millions de dollars », a-t-il révélé.
La mise en oeuvre de la feuille de route de l'Union africaine sur le dividende démographique requiert beaucoup de ressources financières, a déclaré Nafissatou Diop, la Directrice du Swedd. À ce sujet, dit-elle, la collaboration entre l'Unfpa et le Creg a contribué à la mise en oeuvre de programmes dont l'objectif est de réduire, de manière sensible, la mortalité, les décès maternels et les violences basées sur le genre, entre autres. « Depuis 2015, plus de 600 experts nationaux multisectoriels, issus de 23 pays de la région ouest africaine et du centre, ont vu leurs capacités renforcées dans l'analyse du dividende démographique avec l'approche Nta », a affirmé Mme Diop.
Un bilan diversement apprécié en fonction des États
La collecte des données et leur prise en charge dans les politiques publiques restent une équation pour la plupart des États de l'Afrique de l'Ouest, a indiqué Ngoné Diop, la Directrice du Bureau Ouest africain de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique (Cea). Elle estime que cet aspect est une nécessité pour la capture du dividende démographique. En effet, cinq ans après l'adoption de la feuille de route de l'Union africaine sur le dividende démographique, les résultats sont encore mitigés en Afrique de l'Ouest, notamment dans la zone Cedeao. Par exemple, en matière d'éducation et de santé, tout comme en ce qui concerne l'emploi des jeunes, les résultats sont diversement appréciés, en fonction des États.
Des statistiques rendues publiques à l'occasion de la 3ème édition de la Conférence Nta-Afrique attestent que, s'agissant du taux d'enrôlement dans la zone Cedeao, de 2014 à 2019, un pays comme le Sénégal a effectué un bond de 46,2 points et le Nigéria 55 points. Pour le taux d'achèvement dans le primaire, il est de 61,2% au Sénégal, 73,3% pour le Nigéria, 64,4% pour le Bénin. Le Ghana et le Cap-Vert ont réussi les meilleures performances avec respectivement 93,8% et 87,3%. Mme Diop a saisi l'occasion pour plaider en faveur d'une budgétisation sensible au dividende démographique, pour mieux soutenir cette dynamique croissante des données dans le secteur de l'éducation.
Elle estime qu'il y a encore des efforts à faire pour atteindre, à ce sujet, les objectifs de développement durable. Il a été rappelé que, dans la zone Cedeao, seul 18 % du total des budgets des pays membres reviennent à l'éducation. Pour la santé, celui-ci n'est que de 6 %. D'où la nécessité de renforcer la coopération Sud-Sud, a souligné le Pr Latif Dramani, Coordonnateur du Creg (Consortium régional pour la recherche en économie générationnelle).
Les efforts du Sénégal salués
Le développement du capital humain, comme l'a souligné le Dr Assane Ndiaye, Directeur du développement du capital humain à la Direction générale de la planification et des politiques économiques (Dgppe) au Ministère de l'Économie, du Plan et de la Coopération, reste un pilier important pour la capture du dividende démographique. Notre pays, outre la mise en place de l'Observatoire national de suivi du dividende démographique (Ondd) et le renforcement de capacités des acteurs, a entrepris plusieurs initiatives pour y parvenir.
Le Dr Ndiaye de citer, entre autres, l'élaboration des rapports nationaux de suivi du dividende démographique entre 2019 et 2023. Ces rapports, dit-il, ont permis de mesurer l'évolution de l'indice synthétique de suivi du dividende démographique (I2s2d). Celui-ci, selon les chiffres, est passé de 41,5% en 2011 à environ 50% sur la période 2019-2021. Un gain qui s'explique, selon Assane Ndiaye, par la mise en oeuvre, à partir de 2014, du Plan Sénégal émergent (Pse). La Directrice régionale du bureau de la Cea, Ngoné Diop, n'a pas manqué de se féliciter des efforts notés au Sénégal, notamment en ce qui concerne la budgétisation sensible au dividende démographique à travers la modélisation macro-budgétaire.
BUDGÉTISATION SENSIBLE AU DIVIDENDE DÉMOGRAPHIQUE
Le Sénégal veut booster les acquis de 2 points d'ici à 2026
En cours d'expérimentation au niveau de trois ministères (Éducation nationale, Santé et Économie), la budgétisation sensible au dividende démographique (Bsdd) pourrait connaître un bond en termes de ressources d'ici à 2026. Il est prévu de booster les acquis enregistrés de 2 points, a déclaré, hier, à la Somone, Lanfia Diané, Chef de la division planification sociale au ministère de l'Économie, du Plan et de la Coopération.
La budgétisation sensible au dividende démographique (Bsdd) a fait, hier, jeudi 7 septembre, l'objet d'un échange de la part des acteurs de développement. Ces derniers prenaient part à la 3e Conférence Nta-Afrique organisée sous l'égide du bureau de l'Afrique de l'Ouest et du Centre de la Commission économique pour l'Afrique (Cea), en partenariat avec le Creg (Centre régional de recherche en économie) et l'Unfpa (Fonds des nations unies pour la population). Ils ont fait le point sur la mise en oeuvre de cette politique dans certains pays, mais aussi lancé un appel à promouvoir davantage en termes d'allocations budgétaires.
Au Sénégal, selon les indications du Chef de la division planification sociale au ministère de l'Économie, du Plan et de la Coopération, la budgétisation sensible au dividende démographique (Bsdd) est déjà expérimentée dans trois départements ministériels à savoir l'Éducation, la Santé et l'Économie. Il s'agit, selon Lanfia Diané, d'explorer une nouvelle approche en matière d'orientation des allocations budgétaires. L'État compte, à ce sujet, booster les acquis de 2 points de pourcentage d'ici à 2026, a indiqué M. Diané.
Selon les statistiques, entre 2019 et 2021, la part allouée à l'Économie est estimée à 27% dans le budget de l'État. Elle est de 15% pour l'Éducation et de 7% s'agissant de la Santé. « La capture du dividende démographique permettra de booster davantage ces chiffres », a affirmé Lanfia Diané. Il a plaidé pour l'érection de la budgétisation sensible au dividende démographique en outil privilégié de planification du développement.
Car, comme le soutient Cheikh Ndiaye, spécialiste de la question au niveau de l'Uemoa, « si les tendances démographiques se maintiennent, la fenêtre d'opportunité du dividende démographique (Dd) va s'ouvrir pour la majorité des pays de cette zone monétaire d'ici à 2030. Tirer profit du Dd nécessitera, toutefois, de prendre, dès à présent, les mesures appropriées en matière d'éducation, de formation, d'insertion sociale et économique pour faciliter le développement du capital humain », a conclu M. Ndiaye.