Madagascar: Histoire - Adolf Eichmann, le monsieur « Plan Madagascar » d'Hitler

Madagascar a bel et bien été dans les perspectives du troisième Reich pour accueillir des déplacés d'Europe à la veille de la Grande Guerre. Adolf Eichmann a pondu un grand projet intitulé « Plan Madagascar » en 1938. Grande Île aurait peut-être pu sauver des millions de juifs de la solution finale...

Adolf Eichmann avait le profil type du « bon gars ». Famille calviniste aimante malgré une mère décédée trop tôt, une enfance heureuse d'après ses diverses autobiographies, une jeunesse active dans le sport et les associations chrétiennes.

Des années plus tard, il est devenu officier du Schutzstaffel etl'un des artisans de l'holocauste dont le point d'ancrage a été son projet dénommé « Plan Madagascar ». Le plan est simple, déporter plus de 4 millions de juifs vers la Grande Île sur quatre ans. En faire un « ghetto », un mouroir plutôt.

Parce qu'il fallait y créer des conditions de vie insoutenables qui tueraient par légion toute cette masse. Madagascar allait donc devenir un vaste tombeau pour juifs, sous l'approbation d'un Hitler enthousiaste. Un jour de mars 1906, à Solingen dans l'est de l'Allemagne, naquit Adolf Eichmann. Fils d'un comptable et d'une femme au foyer, entouré de ses quatre frères et soeurs, il grandit dans une famille qui ne manquait presque de rien.

Elle se déplace à Linz, pour des raisons professionnelles du père, en 1913 où en 1916, sa mère Maria Eichmann meurt. Son paternel épouse une Autrichienne de Vienne. Il va en classe de primaire, dans la même école fréquentée par Adolf Hitler des années auparavant. Un incident allait pourtant le marquer à vie. Des écoliers sont venus le tabasser à cause de sa « tête de juif ». Troublé, l'enfant qui avait pourtant un ami juif a commencé à haïr cette race, qui selon lui était la cause de son passage à tabac.

Si la déviance psychologique est difficile à expliquer, son engagement dans la cause aryenne pouvait se définir par sa socialisation et son éducation familiale. Peu enclin à la violence, celle-ci mettait en avant l'équilibre et le soutien mutuel. La famille était particulièrement réputée à Linz, avait un statut de bourgeois modèle.

Le père, souvent absent, a tout fait pour l'épanouissement de ses progénitures. Jusqu'à en faire un Adolf Eichmann idéaliste et homme de principes. Patriotisme, travail et persévérance, ce cocktail lui inculque un « nazisme » en proie à la haine de l'autre, motivé par des discours nationalistes et enflammés d'idéologie raciale. En 1932, il s'inscrit chez les Nazis. En 1938, à l'aube de la Grande Guerre, naquit « Plan Madagascar ». Derrière le beau tableau familial planait pourtant les prémices de la haine vers la fin du XIXe siècle.

L'Eglise protestante calviniste avait des relations solides avec des leaders d'opinion allemands qui prônaient l'antisémitisme. Parfois à la maison, il surprenait son père s'adonner à des lectures et à l'écoute de ces gourous de la pensée antijuive.

Dans les années '20 et '30, la crise traversée par l'Autriche et l'Allemagne, débouchant à un chômage presque généralisé, a fini par exacerber la rengaine. La jeunesse autrichienne et allemande est vite persuadée par le discours des médias de l'époque comme Linzer Volksstimme ou Völkischer Beobachter. Adolf Eichmann s'y soumet, par patriotisme et pour servir une cause qu'il estime juste.

Pourtant, la haine ne débordait pas sur le personnage. Au contraire, il était d'une nature plutôt amicale et affable. En 1931, son amitié avec un juif dénommé Harry Selbar cessa. Dans les bureaux du parti, il trouvait souvent une occasion de démontrer à ses collègues nazistes son appartenance à la classe aisée de Linz. De hiérarchie en hiérarchie, Eichmann se trouve à organiser l'émigration des juifs d'Allemagne.

Un travail effectué avec des leaders emprisonnés mais consentants de cette communauté, une grande bâtisse des Rothschild servait de maison mère à ce « cabinet d'émigration ». Les victoires de l'armée allemande en Europe de l'Ouest confrontent les plans d'extermination. Sous occupation française, Madagascar se devait alors d'être conquis. Afin de servir ce plan bien huilé, une logistique prévue de « 120 navires » était nécessaire.

Tandis que la Grande Île tombe dans le giron « pétainiste » en 1940 sous la gouvernance Cayla. Comme dans tous les territoires occupés par l'Allemagne, la presse propagandiste joue un rôle essentiel. L'hebdomadaire « Radio Jeunesse » s'attelle à convertir les colons fidèles à la « France libre » encore réticents. La cause « vichyste » soumise au Reich, anti franc-maçon, anti-gaulliste et anti-communiste, gagne du terrain. Hitler en personne et son entourage politico-militaire ayant eu vent de la situation y trouvent une opportunité pour le « Plan Madagascar ».

Si la littérature post-deuxième guerre a cherché à intégrer ce plan dans l'élan de la « solution finale », des archives administratifs « SS » de l'époque viennent la contrecarrer. Le projet initial était alors d'installer, de parquer c'est selon, ces juifs dans l'île Rouge.

De les laisser s'organiser par eux-mêmes, jusqu'à leur proposer une ligne de chemin de fer et des crédits bancaires. Pour le cas des autochtones, aucune mention. Motivée par les dispositions du « code de l'indigénat », la férocité de Vichy envers les « indigènes » dépassait celle de l'autorité coloniale d'avant la France annexée par Hitler. Exécutions sommaires, lois privatives... tout a été fait pour annihiler la liberté des citoyens malgaches.

Une occasion pour les « bons colons français » d'aiguiser la fibre patriotique des natifs vers un soulèvement populaire. En 1942, l'Angleterre attaque Madagascar par le Nord à Diego Suarez. Une percée rapide et sans grande opposition oblige l'administration vichyste à abdiquer.

Le IIIe Reich est obligé de changer d'approche. La « solution finale » émerge sous la pression des victoires allemandes dans les tranchées. D'abord, faute d'un lieu d'accueil pour des millions de Juifs, ces derniers allaient passer à la trappe.

Déportation, camps de concentration et chambres à gaz. Ensuite, le conflit s'intensifie. Les Etats-Unis entrent en guerre. Hitler menace alors d'exterminer les Juifs. Si jamais, il sentait le vent tourner, histoire de faire du chantage à l'otage à ses adversaires, les alliés ne reculent pas. Les premiers camps de concentration appliquent la stratégie génocidaire.

Adolf Eichmann devient un maillon essentiel de la déportation et de l'extermination. Avec un talent particulier « à dépouiller » les familles déplacées. Lui et son équipe réussissent à amasser un immense pactole. Déjà souscrit sur le « Plan Madagascar », au-delà de l'émigration, il s'agissait aussi de s'accaparer des richesses juives.

Bien que l'arrivée en puissance des Américains annonçait la débâcle de l'armée allemande, il poursuivait son entreprise de spolier. Pour bon nombre de chercheurs, ses agissements étaient devenus personnels.

Voyant la fin arriver, il voulait peut-être s'assurer d'un bon matelas. Comme toutes les grandes figures du nazisme, Adolf Eichmann fuit en Amérique du Sud, en Argentine. Rattrapé par les services secrets israéliens et jugé le 31 mai 1962, il est pendu en Israël.

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