Au Mali, les ex-rebelles de la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA) affirment avoir abattu un avion de l'armée malienne le week-end du 9-10 septembre 2023, près de Gao. L'armée dément et évoque des « problèmes techniques ». Les groupes armés signataires de l'accord de paix annoncent adopter dorénavant des mesures de « légitimes défense ». Un nouveau signe d'une reprise de la guerre ?
Les ex-rebelles de la Coordination des mouvements de l'Azawad affirment avoir « abattu » le 9 septembre 2023 un avion de l'armée malienne et de ses supplétifs russes du groupe Wagner à Tinaouker, à quelques dizaines de kilomètres au nord de Gao, « suite à des bombardements sur ses positions ».
La veille, le Gatia, un autre groupe armés signataire de l'accord de paix de 2015, allié de la CMA, avait déjà dénoncé le bombardement de l'une de ses bases par un hélicoptère de l'armée malienne à Afawlawlaw, près de Gao.
Techniquement, ce n'est pas une déclaration de guerre
Dans la foulée, le Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD), qui rassemble la quasi-totalité des groupes armés du Nord signataires de l'accord de paix de 2015, a dénoncé le 10 septembre la « stratégie actuelle » des autorités maliennes de transition, en leur attribuant « de multiples ruptures du cessez-le-feu » au cours des dernières semaines.
Le CSP annonce prendre « toutes les mesures de légitimes défense contre les forces de la junte sur l'ensemble du territoire de l'Azawad », c'est-à-dire sur les régions du nord du Mali, et appelle même les populations civiles à s'éloigner au maximum des installations militaires maliennes.
Techniquement, ce n'est pas une déclaration de guerre, puisque la CMA invoque des mesures de légitime défense et non des dispositions offensives. Mais ces propos semblent pour le moins annonciateurs de nouvelles hostilités.
À noter que le MSA, groupe armé membre du CSP, s'est désolidarisé de cette déclaration et appelle à « privilégier le dialogue ».
L'armée reconnaît le crash d'un avion mais évoque plutôt des « problèmes techniques »
Les autorités maliennes de transition, elles, n'ont réagi qu'à une partie de ces déclarations. Le chef d'état-major de l'armée de l'air malienne s'est exprimé dimanche soir sur les ondes de l'ORTM, la télévision d'État. Le Général Alou Boi Diarra a reconnu que les forces maliennes avaient « perdu » un avion d'attaque Sukhoi SU 25 « qui était en mission de défense du territoire », sans préciser en quoi consistait cette mission et quels étaient ses objectifs.
Mais, selon le général malien, ce sont des « problèmes techniques » qui ont contraint l'équipage à s'éjecter de l'appareil, qui s'est ensuite écrasé. Sans établir de lien de causalité, le Général Alou Boi Diarra évoque un « orage violent » à Gao et précise que l'équipage a été récupéré « sain et sauf » par des soldats maliens déployés au sol.
De nombreuses photographies des débris de l'avion de l'armée malienne ont été diffusées sur les réseaux sociaux. Si elles permettent de confirmer qu'il s'agit bien d'un Sukhoi, elles ne permettent pas de déterminer avec certitude si des tirs ont pu endommager l'appareil au point de provoquer sa chute, comme l'affirme la CMA, ou si c'est une avarie qui est effectivement à l'origine du crash, comme l'assure l'armée malienne.
Lors de son intervention télévisée, le général Alou Boi Diarra n'a en revanche fait aucun commentaire sur la déclaration du CSP qui laisse craindre, une nouvelle fois, mais plus encore qu'auparavant, une reprise des combats entre les groupes armés du Nord et les Forces armées maliennes (Fama).
Sollicités par RFI, l'état-major des armées et le ministère malien de la Réconciliation nationale, en charge de l'accord de paix de 2015, n'ont pas souhaité commenter non plus.
Un couvre-feu de 30 jours instauré dans toute la région de Gao
Précisons qu'un couvre-feu a été instauré le 9 septembre dans toute la région de Gao entre 20 heures et 6 heures du matin, pour 30 jours, jusqu'au 9 octobre prochain, avec possible reconduction. Le gouverneur de la région de Gao a également interdit la circulation des pick-up Land Cruiser et des « véhicules teintés », « entre les villes, villages et hameaux et campements », « sur toute l'étendue de la région de Gao ». Une décision prise samedi, au lendemain de l'attaque jihadiste qui a visé le camp militaire et l'aéroport de Gao, mais qui pourrait également créer des frictions avec les groupes armés signataires.
Par ailleurs, les autorités maliennes de transition n'ont toujours pas communiqué de nouveau bilan après les attaques du 7 septembre dans les régions de Gao et Tombouctou. Un bateau transportant des civils et des militaires, puis un camp de l'armée malienne, avaient été ciblés. Le bilan provisoire faisait état jeudi de 64 morts, de nombreuses sources sécuritaires et civiles locales avancent un bilan dépassant la centaine de victimes.
Quant à l'attaque du camp militaire et de l'aéroport de Gao vendredi, ciblés par des véhicules kamikazes et par des tirs d'obus, elle n'a donné lieu à aucun bilan officiel. Toutes ces attaques avaient été revendiquées par le Jnim, le Groupe de soutien à l'Islam et aux musulmans, lié à al-Qaïda.