(Par le Prof. Patience Kabamba)
*Après avoir vécu au Cameron, au Tchad, au Burkina Faso, au Kenya, en Afrique du Sud, en France et en Belgique, j'ai fini par passé vingt ans de vie aux USA dont la moitié comme étudiant en anthropologie et l'autre moitié comme professeur à New York, Atlanta, Notre Dame, et Orem, Utah. Quelques déboires d'ordre familial aidant, j'ai pris la résolution de retourner au Congo. J'enseignais déjà depuis 2016 à l'Université du Kwango lorsque j'ai reçu la décision d'engagement de l'UPN en 2017 comme anthropologue. Il n'y en avait pas beaucoup. Depuis, 2018, je me suis établie définitivement dans la capitale Kinshasa. Je n'avais plus vécu au pays depuis l'âge de 21 ans, une année après mes études de mathématiques à l'ISP/Kikwit.
Dès ma première année, j'étais intrigué par l'apathie de la population devant une vie clairement anxiogène. Prendre le transport à Kinshasa relève d'un parcours de combattant et exige une patience hors normes. Les propriétaires des voitures privées peuvent rester des heures et des heures dans un embouteillage sans broncher. De fils interminables des humains peuvent être aperçus entrain de rentrer à Tshangu à pieds et parfois sous la pluie.
La manière de conduire à Kinshasa vous qualifierait déjà comme capable de conduire partout dans le monde. Aucune règle n'est respectée exceptée celle de ne pas cogner la voiture qui vous précède. Les motocyclistes se partagent les mêmes chaussées que les chauffeurs des voitures, les taxis, les taxi-bus, les camions remorques et parfois les piétons. Conduire à Kinshasa sur certaines artères demande une dextérité exceptionnelle.
Au niveau de la vie sociale, des badauds et des sans-abris sillonnent les chaussées à la recherche des personnes célèbres et nanties. En effet, dans ce chaos de Kinshasa et à cause de ce chaos, il y a des gens qui sont devenus des millionnaires et qui n'hésitent pas à jeter des billets des dollars dans les airs non seulement pour se débarrasser de l'attroupement des Shegués (sans-abris ou enfants de la rue), mais aussi pour conserver leur réputation de riches auprès des Congolais.
Une autre grande surprise pour moi est au sujet de grands écarts des salaires qui existent dans le pays. Les enseignants du primaire et secondaire gagnent mensuellement entre $100 et $300. Les enseignements du tertiaire touchent un salaire qui varie entre $200 pour les assistants et 1500$ pour les professeurs ordinaires. Pour que ces chiffres aient un sens, il serait important de les comparer avec le salaire des mandataires publics dont un bulletin de paie est repris, ci-après :
Alors que l'enseignant du primaire comme l'assistant de l'Université gagnent $200, le mois, celui du secondaire 300$, et le professeur d'université, $1500, le directeur de l'Institut National de Préparation Professionnelle s'en tire avec $25.980 par mois.
Dans ce MDW, je vais expliquer pourquoi, alors que tout au Congo est mur pour une révolution populaire, celle-ci n'aura pas lieu. La raison de cette prédiction est plus profonde que les intimidations ou la peur provoquée par les tueries de Goma ou le discours incendiaire des droits humains prononcé par le président à Kananga mettant en garde tous ceux qui perturberaient l'ordre public pendant son mandat. La cause de l'apathie des Congolais est physiologique. Et c'est cela que je vais expliquer.
Tous les soucis sociaux que j'ai décrits, ci-haut - le transport, les magouilles, la débrouillardise, la tricherie, les écarts des salaires, etc...- mettent les Congolais dans un état de stress et d'anxiété maximal.
Le stress est à la base des dégâts de santé que nous connaissons aujourd'hui. Le cancer, le diabète, les AVCs et les maladies cardio-vasculaires sont les résultats du stress. Ce stress est déclenché par les peurs de la vie quotidienne. L'hypertension induite par l'adrénaline est à l'origine des AVCs. Le cortisol produit trop de sucre à cause du stress et l'insuline est bloquée. Les glandes surrénales qui sont situées au-dessus des reins produisent le cortisol qui emmagasine le sucre autour de la ceinture abdominale. Beaucoup de congolais ont des petits gros ventres bedonnants qui sont le produit du stress.
Mais, le plus dramatique est que l'adrénaline que nous trainons pendant des années dans notre corps a pour rôle de fermer notre cerveau cortical. La partie du cerveau qui nous permet de réfléchir, de penser, de prendre des décisions logiques, et de préparer de manière organisée l'avenir du pays. Cette partie du cerveau est simplement bloquée parce qu'il faut lutter contre le stress de la vie quotidienne. S'il ne meurt pas des maladies provoquées par le stress, le Congolais vie sans usage de ses capacités intellectuelles.
A cause du stress au quotidien, nous recourons immédiatement au cerveau limbique. La partie du cerveau qui nous permet survivre, de fouir le danger et de nous débrouiller. C'est cette partie du cerveau qui nous pousse à nous battre pour monter dans un taxis-bus, à rester tranquillement derrière une moto conduite par un drogué, à attendre patiemment pendant quatre heures dans un embouteillage. Cette partie du cerveau est mobilisée pour s'accommoder d'un patron qui retient votre argent pendant deux paiement d'affilée et qui sème la peur parmi ses collaborateurs.
Les Congolais vivent dans la peur du lendemain, les salaires qui sont payés à la grande majorité des Congolais ne leur permettent pas de survivre, et cela produit du stress et une peur au quotidien. Cette peur a des effets physiologiques qui rendent la vie des Congolais invivables et pathologiques.
Les règles et les jeux de pouvoir mortels que vous avons fabriqués, nous-mêmes, nous rendent malades. Les autorités rendent la vie dure à leurs subordonnés. Ces derniers sont déprimés et pour survivre, ils produisent des hormones des stress, et cela pendant longtemps ; ce qui provoque l'obésité, l'hypotension, le manque de sommeil chez les subordonnés. J'expérimente à L'UPN par exemple un style de management anxiogène qui inhibe toute créativité professionnelle.
En conclusion, ce qui se passe est que la grande majorité des congolais n'utilise pas son cerveau cortical, cette partie du cerveau qui nous permet de réfléchir. Les congolais dans leur grande majorité utilisent le cerveau limbique qui leur permet de s'adapter à tous les états d'anxiété que sa société fabrique sans cesse. Et dans les rues de Kinshasa, on sent de l'adrénaline à fleur de peau. Le langage est violent et la lutte pour la survie est palpable partout.
Il n'y aura jamais de révolution car les congolais avancent tous les jours comme des zombies inintelligents utilisant uniquement leurs cerveaux limbiques et vivant en mode catabolique qui les détruit continuellement. Les raisons pour lesquelles les Congolais ne feront jamais une révolution sont physiologiques, biologiques et cliniques. Tous ceux qui ont une parcelle de pouvoir peuvent dormir tranquillement en République Démocratique du Congo, rien ne va leur arriver !