Dans la foulée de sa nomination, le 7 septembre dernier et de la formation de son gouvernement deux jours plus tard, le Premier ministre de la transition gabonaise, Raymond Ndong Sima, s'est prononcé en faveur d'une transition de deux ans, pour le retour à l'ordre constitutionnel.
C'était le 10 septembre dernier, au cours d'un entretien médiatique où il a évoqué d'autres sujets en lien avec la conduite de la transition. La question qui se pose est de savoir si la voix du PM est celle de son maître. Autrement dit, cette vision du Premier ministre est-elle partagée par le président de la Transition, le Général Brice Oligui Nguema ?
La question est d'autant plus fondée que l'on se rappelle qu'à sa prise du pouvoir, le 30 août dernier, l'homme fort de Libreville avait aussitôt promis de rendre le pouvoir aux civils à l'issue d'élections sans pour autant avancer de date. C'est pourquoi l'on peut se demander si le Premier ministre et les militaires sont sur la même longueur d'onde par rapport au délai annoncé que le tout-nouveau locataire de la Primature a estimé être un « objectif raisonnable ».
Il appartient au peuple gabonais de se montrer vigilant
Tout, a priori, peut porter à le croire. Mais on peut aussi s'interroger sur la personnalité du Premier ministre qui n'en est pas à sa première expérience à ce niveau de responsabilités et qui était devenu un farouche opposant d'Ali Bongo, après avoir conduit le gouvernement du président déchu, de 2012 à 2014. Acceptera-t-il d'être un simple faire-valoir entre les mains des bidasses ou bien se fera-t-il le devoir de se donner les moyens d'avoir les mains libres dans son action à la tête de l'Exécutif ? C'est tout l'enjeu de cette transition et on attend de voir.
Tout comme on attend de savoir si le délai de deux ans annoncé pour la durée de la transition, est simplement ou pas, le pronostic d'un politique civil qui a tout intérêt à un retour rapide à l'ordre constitutionnel. Et ce, au regard des chantiers de la refondation qui passent, entre autres, par le toilettage des textes fondamentaux que sont par exemple la Constitution et le Code électoral, pour les expurger de leurs scories. C'est dire si la transition qui s'ouvre, est une véritable opportunité pour le Gabon, de repartir du bon pied. C'est pourquoi il appartient au peuple gabonais de se montrer vigilant.
D'abord, sur la durée de la transition qui devrait prendre en compte les réformes envisagées, ensuite sur l'éligibilité des membres de la transition aux élections devant signer le retour du pays à l'ordre constitutionnel. Cela est d'autant plus un impératif que la vocation première des militaires n'est pas de gérer le pouvoir d'Etat. Et si le Général Brice Oligui Nguema, propulsé à la tête de la transition et ses compagnons d'armes veulent vraiment jouer les arbitres, ils ne sauraient être à la fois juge et partie en restant éligibles aux scrutins de fin de transition. Déjà, on peut saluer l'engagement affiché de la junte militaire au pouvoir à Libreville, à aller vite en besogne.
C'est au pied du mur de la conduite de la transition que l'on saura si le Général Brice Oligui Nguema est un bon maçon
Elle qui n'a pas mis de temps pour imprimer le pas de la transition, à travers la désignation d'un civil à la tête de l'Exécutif, suivie de la formation du gouvernement, une semaine seulement après le coup d'Etat. Et cela dans une démarche qui se voulait inclusive et qui a vu le chef de l'Exécutif s'efforcer, dans la composition de son équipe, à un savant dosage des différentes familles politiques où se retrouvent indistinctement des cadres de l'ex-opposition aux côtés de membres de l'ex-majorité.
Tout le mal qu'on souhaite aux Gabonais, c'est de réussir cette transition pour en faire un exemple sur le continent noir où la tendance à balayer les palais présidentiels pour mieux s'y installer, semble devenue la marque de fabrique d'une soldatesque de plus en plus boulimique du pouvoir et rarement en manque d'arguments pour justifier la prise du pouvoir par les armes.
Le tout sur fond de promesses de rétablissement de l'ordre constitutionnel dans les meilleurs délais. La suite est malheureusement souvent faite de désillusions quand les mêmes militaires rechignent plus tard à tenir leurs engagements ou se retrouvent à user d'artifices pour se maintenir indument au pouvoir au grand dam des démocrates du continent. Le Général Brice Oligui Nguema fera-t-il l'exception ? L'histoire le dira.
Mais en attendant, le flou entretenu autour de son éligibilité à la prochaine présidentielle au moment où la Charte de la transition mise en place par les militaires interdit formellement aux membres du gouvernement de se présenter aux élections de fin de transition, n'est pas pour rassurer de nombreux observateurs qui ne sont pas loin de jouer les Saint Thomas. Autant dire qu'on attend de voir pour croire. En tout état de cause, c'est au pied du mur de la conduite de la transition que l'on saura si le Général Brice Oligui Nguema est un bon maçon. Et surtout que l'on jugera de la noblesse de ses intentions en renversant Ali Bongo et en s'emparant du pouvoir dans les conditions que l'on sait.