Alors que les supputations allaient bon train sur le choix de son dauphin à la présidentielle du 25 février 2024, le chef de l'Etat sénégalais, Macky Sall, a définitivement clos les débats, le week-end écoulé. Il a jeté son dévolu sur un de ses fidèles lieutenants, le Premier ministre, Amadou Ba, qui prend le dessus sur d'autres ténors de la coalition au pouvoir, Benno Bokk Yakaar (BBY).
Aux commandes du gouvernement sénégalais depuis septembre 2022, ce spécialiste des Impôts et Domaines confirme son statut de dauphin naturel de Macky Sall, qui lui voue une confiance totale. Amadou Ba est loin d'être un novice de la chose publique. Il roule sa bosse dans l'administration depuis plus de 30 ans. Le candidat de BBY à la future présidentielle a d'abord assumé les responsabilités de chef de service, de directeur et de directeur général, pour ensuite atterrir dans l'exécutif. Il a par la suite occupé, tour à tour, les fonctions de ministre de l'Economie, des Finances et des Affaires étrangères, pour ensuite poser ses valises à la Primature.
C'est un homme averti des questions de gouvernance, qui part à la conquête du fauteuil présidentiel avec tout de même des appréhensions dans son propre camp. S'il est élu, Amadou Ba est appelé à poursuivre les grands chantiers de développement entamés par son mentor, mais il devra batailler ferme pour se hisser au sommet de l'Etat. Les vents ne lui sont pas forcément favorables. En plus des rivalités internes qui l'opposent à d'autres cadres de la majorité présidentielle, tel Abdoulaye Diouf Sarr, Amadou Ba n'est pas réputé être un militant de la première heure. Certains partis membres, qui ne voient pas d'un bon oeil la désignation du chef du gouvernement pour défendre les couleurs de BBY, broieraient du noir. Ils envisageraient même, selon certaines indiscrétions, de présenter leur propre candidat au scrutin présidentiel. Le dauphin de Macky Sall doit absolument rassembler dans sa famille politique, pour prétendre mener une campagne tranquille.
Il a besoin de fédérer toutes les énergies et les intelligences pour mettre toutes les chances du côté de la majorité présidentielle. Amadou Ba dispose de très peu de temps, pour mettre un terme aux frustrations et aligner tout le monde derrière sa personne. Le premier défi qu'il doit incontestablement relever, c'est de cultiver la cohésion au sein du BBY, pour espérer faire efficacement face à l'opposition. Plusieurs prétendants de l'opposition devraient être en lice, à l'image de l'ancien maire de Dakar, Khalifa Sall ou du fils de l'ex-Président, Karim Wade, qui ont retrouvé leur éligibilité, suite à une récente révision du Code électoral.
Dans le lot des opposants, le challenger le plus sérieux à Amadou Ba reste sans doute Ousmane Sonko, dont les ambitions présidentielles butent contre des ennuis judiciaires. La route menant au palais présidentiel est parsemée de grosses embuches pour le patron du parti, les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité (PASTEF).
Depuis le 31 juillet dernier, il a été placé en détention pour « appels à l'insurrection » et « promotion de la violence » et son parti a été également suspendu. Populaire auprès de la jeunesse sénégalaise, Sonko paye ainsi les troubles liées à ses différents dossiers judiciaires, le régime de Macky Sall lui reprochant d'être à l'origine de nombreux morts entre mars 2021 et juin 2023 et d'actes de saccage et de pillage de biens publics et privés.
On se demande alors si la candidature de Sonko, victime d'une traque qui ne dit pas son nom depuis deux ans est toujours d'actualité. L'opposant n'étant plus libre de ses mouvements, il n'est pas évident qu'il le sera de sitôt vu les accusations pesant sur lui-, on se perd en conjecture à propos de sa candidature. Mais la situation pourrait évoluer en sa faveur avant l'élection présidentielle, sait-on jamais. A
vec ou sans Sonko, Amadou Ba, qui ne marche pas sur un boulevard, doit retrousser ses manches, s'il veut gagner la confiance de ses compatriotes dans les urnes. La gouvernance de son parrain n'a pas toujours été à la hauteur des attentes des Sénégalais, qui pourraient tenter une autre expérience. Ce d'autant plus, que l'alternance démocratique est une réalité au « pays de la Teranga ».