Sénégal: Mamoudou Ibra Kane, candidat du mouvement « demain, c'est maintenant » a la présidentielle de 2024 - « Si les Sénégalais nous font confiance le 25 février »

13 Septembre 2023
interview

Candidat déclaré à la prochaine élection présidentielle du 25 février 2024, le journaliste Mamoudou Ibra Kane nous livre les motivations de son engagement sur le terrain insidieux de la politique sénégalaise. Dans cet entretien, le président du mouvement « Demain, C'est Maintenant » revient également sur les douze leviers de gouvernances qu'il compte engager pour opérer une véritable rupture dans le fonctionnement de l'Etat au Sénégal s'il est élu président de la République, au soir du 25 février.

Qu'est-ce qui différencie votre candidature à celle d'autres leaders ?

Je crois que la différence, ce sont les Sénégalais qui le diront le jour du vote. Mais en fait, je pense que mon parcours est connu. Je ne suis pas encarté, je crois que je suis un homme neuf par mon parcours et par le fait également que je n'ai jamais embrassé la politique au sens partisan du terme, même si j'ai mes convictions. Et même si, également en tant que citoyen, la politique ne m'est pas indifférente. Je crois d'ailleurs que si nous voulons la rupture comme le réclament beaucoup de Sénégalais, nous devons encourager justement d'autres profils comme le mien parce que je crois que les Sénégalais ont besoin aujourd'hui de changer de cap.

Un autre Sénégal est possible si nous donnons la chance effectivement à des profils comme celui que nous incarnons. En tant que professionnel du métier de journaliste, cela m'offre un privilège inédit en tout cas particulier d'être au contact de la population, de sentir le souffle du peuple au gré de mes rencontres, de mes déplacements sur le terrain mais aussi au gré des échanges que j'ai eus avec tous les décideurs de notre pays, qu'ils soient politiques, économiques, culturels. Qu'ils soient donc de la société politique comme de la société civile. Ajouté à cela mon propre vécu, je pense que cela me donne une connaissance intime du Sénégal, une profondeur sociale, parce que je crois que quand qu'on a l'ambition d'incarner les aspirations de son pays, et plus particulièrement des populations, on doit avoir une certaine profondeur sociale. Je crois que je l'ai, le reste, c'est que nous avons déclaré notre candidature. Il faudra travailler à remplir les critères pour en faire une candidature crédible.

Que répondez-vous aux Sénégalais qui s'interrogent sur votre base politique ?

Tout naturellement, ma base affective c'est le Fouta où je suis né, plus particulièrement le village de Bokidiawé, dans la région traditionnelle du Nguénar comme je le dis souvent, je suis natif de Bokidiawé de père mais je suis également de mère du côté d'Agnam Civol. Je réunis à la fois le Nguénar et le Bosséa. Sans aucune prétention, je peux dire que je peux incarner ce leadership qui a souvent fait défaut de tout Dimat, cette région historique qui s'étend jusqu'à Bakel. Je suis à l'aise dans n'importe quelle contrée du Fouta. Oui, base affective parce qu'ainsi va la vie, mais il ne faut pas seulement penser que cela s'arrête au Fouta, mais cela s'étend sur l'ensemble du pays qui s'appelle le Sénégal puisqu'au-delà du Fouta, je suis quand même Sénégalais. Et rien de ce qui est sénégalais ne m'est étranger. Je me veux candidat de la cohésion nationale. On peut être un candidat qui n'est pas dans les coteries mais un candidat qui parle à l'ensemble des Sénégalais : qu'ils soient du nord ou du Sud, de l'Est ou de l'Ouest comme du Centre. Je crois que quand on a une ambition nationale, nous devons travailler justement à être le plus rassembleur possible.

Avec le fait que le Fouta soit considéré par l'actuel chef de l'Etat comme son titre foncier, ne craignez-vous pas que cela soit un handicap pour vous face au camp du pouvoir ?

Le président de la République n'est pas candidat et c'est quelque chose d'inédit. C'est pour ça que je pense qu'on a une grande opportunité de permettre aux acteurs politiques, plus particulièrement celles et ceux qui ont l'ambition de diriger le pays, de donner la chance et l'opportunité aux Sénégalais de pouvoir décider en connaissance de cause, de faire de ce rendez-vous du 25 février 2024, un rendez-vous qui permettra aux Sénégalais d'être à l'écoute de ceux ou celles qui prétendent les diriger et de faire un choix conscient, le 25 février 2024 ou au mois de mars 2024, selon que nous ayons un candidat déclaré vainqueur dès le premier tour ou un candidat déclaré vainqueur à l'issue d'un 2nd tour qui me semble d'ailleurs inévitable, mais les Sénégalais en décideront le moment venu. Toujours est-il que ce que je veux dire, tout simplement, c'est qu'il me semble que les Sénégalais attendent une rupture. J'ai entendu dans les discours au cours de ces dernières heures qu'il faut une continuité, là où moi je pense que la forte attente des Sénégalais, c'est la rupture. D'où la différence entre nous autres en tant que candidat et les autres également, qui ont les mêmes ambitions que nous.

Le fait de devoir croiser le fer lors de cette présidentielle avec des candidats investis par des coalitions ne vous décourage pas ?

Il y a une coalition qui manque, c'est la coalition citoyenne. Nous pensons que pour rassembler et mobiliser les Sénégalais, il faut aller au-delà des appartenances partisanes. Si nous observons bien, au fond, nos partis politiques classiques, traditionnels, ils traversent tous des difficultés, j'allais dire même qu'ils sont tous en crise et je n'ai pas besoin de citer des exemples. Il suffit de de suivre mon regard pour vous en convaincre. Et, d'ailleurs ce qui est paradoxal, c'est que ces candidats dont vous parlez, nonobstant le fait qu'ils soient soutenus par des partis, des coalitions, ne manquent pas justement dans le discours, de dire qu'ils veulent incarner le rassemblement. Mais, je pense que pour incarner le rassemblement, il faut de mon point de vue, aller au-delà des partis politiques.

Et ce mouvement « Demain, C'est Maintenant » que nous avons créé, effectivement, après une analyse profonde de la société sénégalaise est arrivé à la conclusion que justement le Sénégal est un pays du centre, c'est un pays qui se gouverne au centre. Nous avons une pratique toujours modérée, une pratique un peu plus centriste et je crois que cette lecture que nous avons faite de la société sénégalaise est une lecture juste. Donc quand vous me dites oui, vous n'êtes pas dans une coalition de partis je ne le vois pas forcément comment un handicap. Je le vois comme un atout, un avantage parce que pour être un président qui rassemble, un président qui ressemble au Sénégalais, il faut être un candidat qui est capable justement de mobiliser au-delà des partis politiques.

Qu'elles seront vos priorités si vous êtes élu?

En parlant du bilan du régime en place notamment des réalisations du Plan Sénégal émergent (Pse), j'ai indiqué que ce plan n'a pas été à la hauteur des aspirations du peuple sénégalais. Je dirai même que nonobstant les infrastructures qui ont été réalisées notamment le Train express régional (Ter) dont la première phase Dakar-Diamniadio nous a coûté plus de 1000 milliards mais aussi l'Aéroport international Blaise Diagne et le projet du Brt, ce plan n'a pas permis au président de la République de tenir sa promesse de créer 500 000 emplois pour les jeunes qu'il s'était engagé à faire. Car, les chiffres officiels en termes de créations d'emplois font état de plus de 400 000 emplois au cours du premier mandat, au cours de 7 ans alors que le budget du Ter dépasse 1000 milliards de francs pour seulement 1000 emplois. Cela veut dire que pour créer un emploi, il a fallu dépenser un milliard de francs. Et la preuve la plus saisissante de l'échec du Pse qui n'a pas permis au Sénégal d'atteindre l'autosuffisance alimentaire, est de mon point de vue, cette exposition de la migration irrégulière.

Avec le candidat de « Demain, C'est Maintenant » au pouvoir le soir du 25 février prochain, les jeunes et les femmes seront au pouvoir sans marginaliser les séniors. Ils ne seront pas victimes de l'âgisme. « Demain, C'est Maintenant » prône la co-construction comme gage d'un développement partagé. La co-construction favorise le sentiment d'appropriation et d'appartenance vis-à-vis du bien public et de la nation, tandis que la destruction est l'expression d'un sentiment de désappropriation et de désappartenance du fait d'une absence d'esprit de co-construction. Construire, c'est bien mais co-construire, c'est mieux. Telle est la vision de notre mouvement que nous voulons partager avec les Sénégalais.

Si les Sénégalais nous font confiance le 25 février, s'attaquer à la pauvreté sera une sur-priorité de notre offre programmatique. Les Sénégalais ont droit à la richesse et à l'épanouissement économique et social. Nous mettrons en oeuvre une politique plus volontaire et volontariste de décentralisation économique au bénéfice des régions de l'intérieur pour un développement harmonieux du Sénégal. Dakar ne peut pas continuer à concentrer 80% des activités économiques alors que le reste, c'est le désert. La problématique de l'assainissement dans nos villes et campagnes ne sera pas en reste. L'état dans lequel se trouvent nos villes pendant l'hivernage est déplorable. Il traduit l'échec des programmes d'assainissement.

Avec « Demain, C'est Maintenant », la citoyenneté sera au début, au milieu et à la fin de notre Projet de société et de notre Offre programmatique qui repose sur douze axes qui sont : La Restauration des valeurs et la responsabilité citoyenne ; La Refondation des institutions ; Le Renforcement de la démocratie et de l'Etat de droit ; La Rectification des erreurs de nos gouvernants ; La Réduction du train de vie de l'Etat ; La Reprise en charge du devenir de la Nation en intégrant davantage les générations futures dans la définition des politiques publiques et l'exploitation des ressources nationales ; Le Respect de la chose publique, ce bien commun ; La Revalorisation du secteur privé ; La Réorganisation du secteur informel ; La Résolution de la problématique de l'emploi des jeunes ; Le Renforcement de l'industrialisation du Sénégal et la Réappropriation de nos produits locaux. Dans le cadre de la Refondation des Institutions, les pouvoirs du président de la République seront réduits pour une réelle séparation et un véritable équilibre des pouvoirs. Le président de la République ne pourra pas être chef de parti.

Quelle est votre position par rapport à la personnalité qui doit organiser cette présidentielle ?

Je pense que nous avons une jurisprudence qui est assez intéressante au Sénégal. En 2000, nous avions l'Observatoire national des élections (Onel), qui a qui a été créé, mais à côté de l'Onel, le président d'alors, Abdou Diouf avait nommé le général de Lamine Cissé au ministère de l'intérieur chargé de l'organisation des élections. Il était non partisan et il a organisé ces élections avec le résultat que nous savons. Il y a eu une alternance, la première alternance par la voie des urnes. En 2012, rebelote, même si le Président Abdoulaye Wade a maintenu son ministre de l'Intérieur, mais à côté, il a nommé un ministre chargé de l'organisation des élections, en l'occurrence Cheikh Guèye. Cela également a abouti à une alternance en 2012. Aujourd'hui, 12 ans après, en 2024, effectivement, il ne faut pas, négliger cette dimension transparente de l'élection présidentielle en faisant en sorte que ceux qui vont organiser cette élection, soient les républicains et les plus neutres possibles. Que le ministre de l'Intérieur actuel organise ces élections du point de vue matériel et que à côté, nous ayons un dispositif comme un ministre chargé des élections. Mais aussi une Commission électorale nationale autonome avec tous les moyens requis. Je crois que ça ne devrait pas poser problème.

Le démarrage de la campagne de collecte des parrainages est prévu dans moins de trois semaines. Êtes-vous prêt ?

Nous sommes en train de travailler à remplir les critères parce qu'entre une déclaration de candidature qui est intention que vous manifestez et l'effectivité de cette candidature, il y a un certain nombre de conditions à remplir effectivement. Mais parmi ces conditions, il y a le parrainage. Nous avons un parrainage optionnel. Il faut avoir 13 députés ou alors avoir le nombre requis, en termes de maires et de présidents de Conseil départemental, nous y travaillons. À travers une stratégie et dispositifs et nous espérons pouvoir remplir ces critères. Il y a d'autres critères également pour être candidat à une élection présidentielle. Attendons de voir d'ici là, parce que le Conseil conditionnel à un moment donné va recevoir les dossiers de candidature et dire qui pourra être candidat et qu'il ne pourra pas. En tout cas, nous nous sommes concentrés sur tous les critères qui doivent être remplis pour que notre candidature soit une candidature crédible. Vous savez, élection présidentielle, c'est également un jeu d'alliance. Nous n'excluons pas des alliances avec d'autres. C'est pour cela que moi, je lance un appel solennel pour cette coalition citoyenne dont je parle et que cette coalition des ruptures puisse voir le jour. Ce serait à mon avis une excellente chose pour les Sénégalais qui auront à choisir et auront une diversité de choix pour décider en connaissance de cause.

Vous semblez trop insister sur le mot inclusif, craignez-vous la reproduction de la situation de la présidentielle de 2019 ?

Effectivement, il y'a une jurisprudence de 2019 puisque sur une vingtaine de candidats déclarés, nous sommes arrivés pratiquement à ne retenir que cinq. Il y a des candidats qui ont été écartés parce qu'ils étaient sous le coup d'une condamnation par la justice et d'autres parce qu'ils n'auraient pas rempli certains critères dans le cadre du parrainage. Certains d'entre eux ont dénoncé en disant que le rejet de leur candidature était illégal en tout cas non conforme à l'esprit de la loi sur le parrainage. Il ne faut pas que nous assistions au même cadre. Cependant, en tant que démocrates respectueux des lois et des règlements, nous tous savons qu'il y a un certain nombre de critères comme le parrainage qu'il faut remplir. Si vous ne les remplissez pas, il ne faut pas forcément que vous pensiez que vous avez été écarté injustement. Tout ce que nous disons, c'est qu'il ne faut pas que ce parrainage soit comme un levier d'élimination des adversaires qui pourraient être gênants. Ça, personne ne peut l'accepter, il ne faut pas non plus que la justice soit utilisée pour écarter des adversaires.

Il faudrait quand même une solution face à cette multitude de déclarations de candidatures

Je pense qu'il faut que notre dispositif électoral soit respecté. Respecté aussi bien par les candidats à l'élection présidentielle que par l'administration qui est censée prendre un certain nombre de décisions. Cette administration doit respecter les règles du jeu jusqu'au bout et ne pas utiliser justement ces règles pour éliminer des adversaires qui pourraient être gênants. Bien que nous en sommes aujourd'hui à près de 50 candidats déclarés, je ne suis pas naïf. Je suis convaincu que nous n'aurons pas 50 candidats. D'abord, il y a le filtre du parrainage et d'autres critères qui sont également là, qui feront qu'aux termes du processus, nous allons avoir moins de candidats, il faut le reconnaître. Mais à côté de cela, il y a ce jeu d'alliance également qui existe. De mon point de vue, des gens doivent pouvoir se parler, créer des alliances, en tout cas des coalitions et mon souhait encore une fois, c'est que cette coalition citoyenne, comme je l'appelle, puisse voir le jour. Que chacun puisse s'y retrouver parce qu'il y a un certain nombre de discussions qui vont avoir lieu sur les idées et les offres. Et s'il y a des offres qui se complètent, s'il y a des gens qui partagent les mêmes valeurs, qui peuvent se retrouver, je ne dirais pas non parce qu'effectivement, se retrouver avec une élection présidentielle avec 50 candidats, ça va être extrêmement compliqué et j'espère qu'on n'en arrivera pas là.

Serez-vous disposé à renoncer à votre candidature pour quelqu'un d'autre dans le cadre de cette coalition citoyenne que vous appelez ?

Je crois qu'on n'en est pas encore là. Le plus important aujourd'hui, c'est qu'il puisse avoir des discussions et que, au terme de ces discussions, que les gens puissent s'entendre sur le comment il faudra y aller. Si cela doit passer par le renoncement à une candidature des uns et des autres, cela reste ouvert. Mais, on n'en est pas encore là, on en est à une candidature déclarée du leader du mouvement « Demain, c'est maintenant » et tous ceux qui nous soutiennent à travers les Sénégal.

Que vous inspire le cas d'Ousmane Sonko dont la candidature à cette élection fait débat du fait de ses déboires en justice.

Notre position est que cette élection présidentielle de 2024 doit être inclusive, démocratique et transparente. Mon souhait est que tous ceux qui sont, aujourd'hui, de potentiels candidats à cette élection présidentielle puissent y participer. Y compris le leader de l'ex parti Pastef, qui a été dissout par décret mais qui a interjeté appel à cette décision et peut-être à la fin, il va retrouver tous ses droits et toute sa liberté, continuer à participer à l'animation du jeu politique au Sénégal. Mon souhait est donc que Monsieur Ousmane Sonko, au même titre que les autres candidats déclarés, puisse participer à la prochaine élection présidentielle, parce que la position de « Demain, c'est maintenant) qui est également celle de la plateforme F24, c'est que la présidentielle de 2024 soit une élection inclusive, libre et transparente pour que les Sénégalais puissent avoir l'occasion de choisir leur président ou le président de la République en toute liberté, dans la paix et dans la stabilité.

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