Depuis 2019, le Bénin fait face à des attaques terroristes au nord de son territoire. Pour se défendre contre ces groupes jihadistes qui tentent de s'étendre du Sahel vers le golfe de Guinée, les autorités béninoises ont mis en place une réponse militaire, avec l'opération « Mirador », mais pas seulement.
Depuis 2019, le nord du Bénin a été à plusieurs reprises le théâtre d'attaques terroristes. Ces groupes, présents dans les pays du Sahel, tentent de s'étendre vers le golfe de Guinée. Pour se défendre contre cette menace, le Bénin a mis en place une stratégie, notamment militaire.
Début 2022, suite à l'attaque d'un poste militaire situé à la frontière avec le Burkina Faso, l'armée béninoise lance l'opération Mirador, afin de lutter contre le terrorisme et de sécuriser ses frontières.
Quadriller le nord du pays
Forte d'environ 3 000 hommes, l'opération Mirador est déployée dans les départements du nord. Des zones rurales, dans lesquelles se trouvent également les deux grands parcs nationaux que sont la Pendjari et le W, actuellement fermés aux touristes en raison de cette insécurité.
Un recrutement spécial de 5 000 personnes a également commencé cette année pour renforcer les effectifs.
Les militaires de l'opération Mirador quadrillent ce territoire, avec pour objectif de tenter d'empêcher les incursions de groupes armés et leur éventuelle descente plus au sud.
Les zones les plus exposées sont actuellement celles qui sont frontalières du Burkina Faso, à l'ouest. Le lieutenant-colonel Assouma Abdouraoufou, commandant du groupement tactique interarmes pour la zone ouest de l'opération Mirador, affirme que la réponse militaire a beaucoup évolué.
« Énormément de choses ont été mises en place, affirme-t-il. La première, c'est la projection de nos forces sur des endroits qui n'étaient pas encore occupés par l'armée. La deuxième, c'est que nous avons du matériel. Nous avons été surpris par la menace en 2019 mais aujourd'hui, de manière progressive, nous avons eu à acquérir du matériel qui nous aide à projeter les forces et à assurer la logistique sur les différentes positions ».
Les nouveaux équipements comprennent drones, blindés ou hélicoptères. L'armée table en outre sur un renforcement des partenariats avec les pays voisins. Le Niger, pays où un coup d'État a eu lieu le 26 juillet 2023, vient toutefois de dénoncer l'accord conclu il y a un peu plus d'un an avec le Bénin.
Trois groupes jihadistes à l'origine des attaques, selon l'armée béninoise
L'armée béninoise évoque trois groupes à l'origine d'attaques sur le sol béninois : le JNIM (le groupe de soutien à l'islam et aux musulmans), Ansaru et l'État islamique au grand Sahara (EIGS).
L'état-major affirme qu'il n'y a pas, à sa connaissance, de cellule implantée de façon permanente sur le territoire national, et que le Bénin est, pour ces groupes, une zone de transit entre le Sahel et le Nigeria, pour les trafics et le ravitaillement.
Que cherchent ces groupes en attaquant le Bénin ? Pour le colonel Faïzou Gomina, commandant de Mirador, ils veulent « provoquer des déplacements de population. Et lorsque ces populations vont vider les lieux, ce sera un problème de gestion des déplacés, et cela leur permettra de s'installer dans les espaces vides. Je crois que c'est ce qu'ils cherchent, parce qu'il n'y a aucune revendication idéologique, aucune revendication territoriale, aucune revendication que l'on sache ».
Le mode opératoire des terroristes a évolué au fil du temps. Leurs attaques ont d'abord visé les forces de défense et de sécurité, puis des civils, comme lorsqu'une quinzaine de personnes ont été tuées dans la commune de Kérou, en mai dernier.
L'état-major donne un bilan global de 43 civils et 25 militaires béninois tués, ainsi que 63 assaillants neutralisés, dans des actes terroristes.
Ne pas tout miser sur la réponse militaire
Comme dans les autres pays confrontés à la menace terroriste, de nombreux acteurs demandent par ailleurs de ne pas tout miser sur la réponse militaire. Le Bénin, qui compte beaucoup sur la coopération des populations du Nord, a mis en place des actions civilo-militaires, qui peuvent consister par exemple à creuser un puits ou à donner accès à des consultations médicales. Il y a aussi un travail de sensibilisation des populations.
« Un certain nombre de partenaires pensent que l'insécurité ou la radicalisation sont une réponse à une situation sociale d'exclusion et qu'il faut travailler pour l'inclusion, explique Emmanuel Sambieni, anthropologue à l'université de Parakou et directeur délégué du Lasdel au Bénin. Ainsi, avec le temps, on aura moins de candidats au recrutement pour alimenter les foyers d'attaques. Il y a aussi eu des formations, données par des ONG dans les communautés, pour expliquer comment réagir quand on est en situation d'insécurité liée à ce phénomène ».
Dans un article publié il y a quelques semaines, l'Institut d'études de sécurité (ISS) soulignait l'importance de la coopération des populations contre l'extrémisme violent. Mais celle-ci dépend, selon l'ISS, de la capacité de l'État à garantir la sécurité de ces civils.