Les élections municipales et régionales sont terminées et chaque formation politique sait désormais ce qu'elle vaut réellement dans le pays.
Sans surprise, le Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp) a raflé la majorité des conseils municipaux et régionaux, récoltant ainsi le dividende de la politique de développement de tout le pays menée par le président Alassane Ouattara.
Le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (Pdci) du défunt Henri Konan Bédié a poursuivi son étiolement, pour ne récolter l'essentiel de ses victoires que dans la région d'origine de son président et dans celles peuplées par les personnes originaires de cette région. Le Parti des peuples africains-Côte d'Ivoire (Ppa-CI) est resté à l'image de son président Laurent Gbagbo, à savoir l'ombre de lui-même.
De nombreux candidats qui avaient bravé leurs partis en se portant candidats malgré les menaces de leurs formations politiques ont réussi leurs paris en engrangeant des succès. Leurs partis leur accorderont- ils leurs pardons ? Affaire à suivre.
Affi N'guessan de son côté, lui qui espérait, en s'alliant au Rhdp, conserver au moins son bastion du Moronou, a raté la marche, faisant ainsi perdre cette région au Rhdp, comme le pronostiquait l'inspecteur général de l'État, Ahoua Ndoli, fin connaisseur de cette région.
Les prochaines échéances restent les élections sénatoriales dans quelques jours, et la présidentielle dans deux ans. Les sénateurs seront élus par les « grands électeurs » que sont les conseillers municipaux et régionaux qui viennent d'être élus. Il n'y aura donc pas de surprise majeure de ce côté.
Pour la présidentielle de 2025, la grande inconnue reste les noms des candidats qui s'affronteront. Mais n'allons pas trop vite en besogne. Parlons plutôt de l'avenir immédiat.
Rien à dire sur le Rhdp, si ce n'est qu'il devrait à tout prix éviter le syndrome d'hubris qui est l'ivresse de la toute-puissance et qui, comme le dit le dictionnaire, consiste en un comportement orgueilleux, caractérisé par la démesure, à laquelle s'ajoute en arrière-plan une tendance à la paranoïa.
Le Rhdp vainqueur doit avoir la victoire modeste et ne pas chercher à écraser les vaincus. Qu'il laisse l'opposition, aussi faible soit-elle devenue, exister. Un pouvoir qui n'a pas d'opposants se mue imperceptiblement en dictature, sans même qu'il ne s'en rende compte.
Concernant le Pdci, tout le monde s'interroge sur son avenir depuis le décès de son président. Qui, en son sein, aura la légitimité, l'aura, l'habileté et les moyens d'un Henri Konan Bédié pour prendre les rênes du vieux parti et le maintenir uni ?
Pour le moment, vu que son défunt président n'est pas encore enterré, c'est le silence total sur les intentions des uns et des autres. Mais quel que soit le résultat des prochaines élections au sein de ce parti, il échappera difficilement au danger de l'éclatement.
Ce pourrait peut-être être l'occasion pour le Rhdp de tendre une main fraternelle à son vieux partenaire, plutôt que d'attendre que ce dernier vienne lui-même à Canossa. N'oublions pas que la scission entre les deux formations politiques ne s'est pas faite sur des questions idéologiques, mais sur des frictions pour raisons personnelles entre les deux leaders.
Et, ces derniers temps, les deux hommes n'étaient plus aussi fâchés que l'on pourrait le croire, puisque feu Bédié lui-même avoua publiquement, lors des obsèques de son frère, qu'il avait bénéficié, pour leur organisation, du grand soutien de son « frère » Alassane Ouattara. Ce ne serait pas une trahison à l'égard de Bédié si les deux formations se retrouvaient comme auparavant.
Le parti de Laurent Gbagbo, qui resterait la seule véritable opposition, n'a fait que récolter le fruit de son émiettement. Le Front populaire ivoirien (Fpi), qui était déjà minoritaire, a trouvé le moyen, depuis le retour d'exil de son fondateur, de se diviser en quatre, avec le Ppa-CI de Laurent Gbagbo, le Mgc de Simone Gbagbo, le Cojep de Blé Goudé et ce qui reste du Fpi à Affi N'guessan.
Pourquoi le Ppa-CI parle-t-il de fraude devant ces résultats ? Il appartient à ces partis dits de gauche de savoir s'ils ont vraiment encore envie d'exister en tant que véritable force d'opposition.