Dans l'est de la Libye, un déferlement d'eau dans la nuit du 10 au 11 septembre, consécutif au passage de la tempête Daniel, a rompu deux barrages en amont et provoqué des dégâts énormes et des milliers de décès à Derna, cette ville côtière de 100 000 habitants. Son maire évoque entre 18 000 et 20 000 morts.
Une grande partie des décès causés par les inondations en Libye, suite au passage de la tempête Daniel, auraient pu être évitées selon les Nations Unies. Le Secrétaire général de l'Organisation météorologique mondiale (OMM), une institution spécialisée de l'ONU et basée à Genève, a en effet déploré ce 14 septembre 2023 le mauvais fonctionnement des systèmes d'alerte et d'urgence, qui n'ont pas permis aux populations d'être évacuées à temps dans la région de Derna.
Plus d'une décennie de guerre civile en Libye n'a pas seulement ruiné le pays et détruit ses infrastructures. Elle a aussi rendu aveugles les Libyens face aux catastrophes climatiques. Si les différentes autorités politiques rivales s'étaient coordonnées, elles auraient pu émettre des avertissements, affirme Petteri Taalas, le patron de l'OMM, rapporte notre correspondant à Genève Jérémie Lanche.
« Avant, la Libye disposait d'un service météo relativement moderne, mais ce n'est plus le cas, a-t-il déploré ce 14 septembre. Il ne fonctionne quasiment plus. Le réseau d'observation est presque détruit. Donc, la tempête est arrivée sans qu'aucune évacuation n'ait lieu. Bien sûr, on n'aurait pas pu éviter des pertes économiques, mais [si les services d'alertes avaient fonctionné, NDLR], on aurait pu limiter la plupart des pertes humaines ».
Entre 18 000 et 20 000 morts, selon le maire de Derna
Le Centre météorologique national a pourtant alerté, trois jours avant, les autorités. L'état d'urgence a même été décrété dans l'est. Mais la Libye n'a pas vraiment les moyens de le faire appliquer. Et, depuis, le bilan humain ne cesse de grimper.
Les autorités de l'Est libyen ont ainsi déjà confirmé que les inondations avaient fait plus de 5 000 morts. Mais le nombre de victimes pourrait grimper entre 18 000 et 20 000 morts, selon le maire de Derna, qui s'inquiète actuellement du nombre de corps gisant dans la ville recouverte de boue et des épidémies que cela pourrait engendrer. L'édile demande des renforts pour récupérer tous les corps.
Trois mille ont été enterrés et 2 000 autres vont l'être, selon le ministre de la Santé du gouvernement de Tobrouk, qui dirige les efforts de secours sur place.
Une délégation du gouvernement rival de l'Ouest, celui qui est reconnu par la communauté internationale, est attendue sur place ce 14 septembre 2023.
Tripoli a envoyé un convoi d'aide humanitaire et versé 412 millions de dollars pour la reconstruction de Derna et de sa région, où l'on estime à 30 000 le nombre de déplacés.
Sauvez-nous, venez nous aider ! Ceux dont la maison a été détruite ici sont tous encore sous les décombres. Nous nous activons à sortir les corps mais il en reste encore beaucoup enfouis. Tous ceux qui sont ensevelis sont mes voisins, mes frères, mes amis, ma famille. Ils sont tous sous les décombres. Nous avons besoin de bulldozers. Nous voulons que des personnes viennent à notre secours. Rien d'autre... Nous voulons juste sortir les corps pour les enterrer. Je vous jure : ici, sous les bâtiments effondrés, il y a des enfants, des jeunes femmes, des hommes, ils sont tous ensevelis. Je viens de sortir le corps d'un enfant, et il y en a quatre autres, ainsi que leur mère, que l'on doit extraire de dessous les gravats...
L'aide étrangère commence à arriver
L'aide étrangère commence à arriver. Pour l'instant, il y a sur place des secouristes d'Égypte, de Tunisie, des Émirats arabes unis, de Turquie et du Qatar.
Une équipe de l'ONG Médecins sans frontières (MSF) est en route vers Derna pour évaluer les besoins médicaux. Elle a atterri ce 13 septembre à l'aéroport de Tobrouk. La difficulté, maintenant, c'est rejoindre Derna par l'est, les routes côtières étant coupées. Pour l'instant, MSF va donner des kits médicaux et des sacs mortuaires au Croissant rouge libyen.
Des hôpitaux de campagne expédiés par bateau ou par avion depuis l'Italie et la France sont également attendus.