Déclenchée le 15 avril dernier, la guerre au Soudan n'en finit pas de faire parler d'elle et de se prolonger.
Quand ce ne sont pas les cessez-le-feu qui sont allègrement violés par les belligérants, ce sont les efforts de la communauté internationale qui peinent à porter les fruits escomptés de la désescalade au profit de populations qui ne savent plus à quel saint se vouer. Pendant ce temps, ce sont les pauvres populations contraintes à l'exil ou à vivre cloîtrées chez elles en manquant parfois de tout, qui paient le plus lourd tribut d'une guerre qu'elles n'ont pas demandée.
En cinq mois, le conflit a fait des milliers de morts et des millions de déplacés internes fuyant les violences et de réfugiés dans des pays voisins comme l'Ethiopie, la Centrafrique, le Tchad et l'Egypte. Dans ce contexte délétère, le chef de la junte soudanaise, le Général Abdel Fattah Al Burhan et son rival des Forces de soutien rapide (FSR), le Général Mohamed Hamdane Daglo, qui se disputent le pouvoir à Khartoum, restent sourds aux appels à la cessation des hostilités. Plongeant le pays dans le chaos. Aujourd'hui, selon l'ONU, plus de la moitié de la population du Soudan qui compte 25 millions d'habitants, a besoin d'aide humanitaire pour survivre.
On a de la peine à se convaincre que la seule haine viscérale que les deux protagonistes se vouent, puisse justifier un tel déchaînement de violences
C'est dire toute la tragédie qui se joue dans ce pays d'Afrique de l'Est, au travers de ce conflit qui a fait couler beaucoup d'encre et de salive au point de paraître aujourd'hui, une guerre oubliée. C'est dans ce contexte que le Représentant spécial des Nations unies pour le Soudan, par ailleurs chef de la Mission intégrée des Nations unies pour l'assistance à la transition au Soudan (MINUATS), l'Allemand Volker Perthes, a annoncé son départ du pays, le 13 septembre dernier.
Mais avant de partir, l'envoyé spécial de l'ONU en poste depuis janvier 2021, et dont la démission est liée à des pressions du pouvoir qui l'avait déjà déclaré persona non grata en juin dernier, a prévenu des risques d'évolution du conflit entre les deux chefs militaires, vers « une guerre civile à grande échelle ». Des inquiétudes nourries par la persistance des « combats [qui] ne montrent aucun signe d'apaisement ». Comment peut-il en être autrement quand on voit l'intransigeance des belligérants qui se refusent à tout compromis quand leurs actions ne tendent pas à saper les efforts de la communauté internationale ?
C'est à se demander si au-delà de leurs ego surdimensionnés, les deux généraux ennemis soudanais ne sont pas mus par d'autres motivations dans ce conflit armé. C'est à se demander aussi si derrière cette guerre, il n'y a pas des intérêts cachés. Autrement, comment comprendre que pendant que la communauté internationale s'active pour éteindre le feu, ces chefs militaires qui sont les principaux acteurs du conflit, ne montrent aucun empressement encore moins d'engagement à aller à la paix ?
Alors, à qui profite cette guerre interminable au Soudan ? La question mérite d'autant plus d'être posée qu'on a de la peine à se convaincre que la seule haine viscérale que les deux protagonistes se vouent l'un à l'autre, puisse justifier un tel déchaînement de violences dans cette guerre qui a déjà laissé 5000 morts sur le carreau.
Il est temps de songer à mettre fin au calvaire du peuple soudanais
Dans le même temps, on peut douter que l'obstination à la limite de l'aveuglement des belligérants à en découdre militairement, puisse répondre d'une simple question d'ego. Toujours est-il qu'aujourd'hui, la situation au Soudan où aucun camp ne semble en mesure de l'emporter sur l'autre, n'est pas sans rappeler quelque peu celle de la Libye où les parties au conflit sont aujourd'hui dans un équilibre des forces qui complexifie davantage la situation. Autant dire que comme en Libye, la guerre au Soudan court à l'enlisement.
D'autant plus que de Riyad en Arabie Saoudite à Abu Dhabi aux Emirats arabes unis en passant par le Caire en Egypte, les belligérants ne manquent pas de soutiens extérieurs. C'est pourquoi le cri d'alarme lancé, le 13 septembre dernier, par une cinquantaine d'organisations humanitaires et de défense des droits humains, qui appellent à une plus grande implication de l'ONU dans cette crise qu'elles qualifient de « désastre » humanitaire, ne pouvait pas mieux tomber.
Des ONG qui dénoncent au passage le fait que « Le Conseil de sécurité de l'ONU, dont la crise soudanaise est à l'agenda depuis des décennies, n'a toujours pas pris une seule résolution de fond pour lutter contre la crise actuelle ». Quand on sait que le fonctionnement de l'organisation mondiale est souvent plombé par les rivalités entre grandes puissances disposant du droit de veto pour bloquer les décisions qui ne vont pas dans le sens de leurs intérêts, on peut se demander si ceci n'explique pas cela.
En tout état cause, il est temps de songer à mettre fin au calvaire du peuple soudanais qui est aujourd'hui l'otage des militaires qui sont dans une logique de confiscation du pouvoir, depuis la chute du dictateur Omar el Béchir, dans les conditions que l'on sait. Ce peuple qui continue de vivre l'horreur dans les attaques, les bombardements, les violences sexuelles et autres arrestations et mises à mort arbitraires devenus son lot quotidien, et qui ne sait toujours pas d'où viendra son messie.