Selon un nouveau règlement de la Commission européenne entré en application ce jeudi 14 septembre, le taux de résidus de nicotine autorisé dans les épices importées ne devra pas excéder les 0,05 milligramme par kilo, au lieu de 0,3 milligramme jusqu'à présent. Ce durcissement drastique a suscité énormément d'inquiétude à Madagascar où l'épice phare de l'île, la vanille, est directement impactée par cette nouvelle réglementation.
Avec cette nouvelle réglementation, ce sont près de 80% des lots de vanille exportés qui pourraient être refusés, constatent les exportateurs. Une catastrophe annoncée pour l'économie du pays dont la gousse parfumée est l'une de ses principales sources de devises. Face à cette situation, les opérateurs économiques sont partis en croisade, avec un argumentaire précis : « les résidus de nicotine retrouvés dans la vanille malgache ne constituent pas un problème de santé publique ». Preuve à l'appui : les tomates ou les aubergines conservent, elles, ce taux maximal autorisé de 0,3 milligramme de nicotine par kilo. Par ailleurs, rappelle un exportateur, « la vanille ne s'ingère pas par kilos. Elle est utilisée avec parcimonie pour agrémenter les mets ».
En parallèle, la délégation de l'Union européenne à Madagascar n'a cessé d'alerter au plus haut niveau à Bruxelles des conséquences désastreuses de cette nouvelle réglementation. Sur l'île, plus de 150 000 familles vivent de la vanille. Selon les années, le commerce de la gousse noire peut représenter plus de 8% du PIB.
Les plaidoyers semblent avoir fonctionné puisqu'à peine mis en application, « ce taux de 0,05% sera rediscuté les 18 et 19 septembre prochains en Europe par un comité d'experts, pour aider la Commission européenne à adopter un nouveau règlement », annonce Isabelle Delattre, l'ambassadrice de l'Union européenne à Madagascar à RFI. Un règlement qui pourrait être adopté avant fin septembre pour revoir à la hausse cette limite maximale de résidus autorisés et entrer en vigueur dès le début de l'année 2024, « sous réserve », ajoute l'ambassadrice, « que l'Agence européenne sur la sécurité alimentaire n'ait pas d'objection et que ni le Parlement européen, ni les États membres ne s'opposent à ce nouveau texte. »
Une mesure « absolument exceptionnelle »
Cette révision du règlement, à peine promulgué, est une mesure « absolument exceptionnelle qui répond aux préoccupations exprimées par les opérateurs économiques et le gouvernement malgache », prévient toutefois la diplomate. « Le but, ce n'est pas de jouer aux pompiers, mais c'est d'anticiper. Il faudrait qu'à l'avenir, il y ait beaucoup plus d'échanges entre les opérateurs techniques dans les pays partenaires et dans les pays importateurs de l'Union européenne, pour éviter ce genre de situation de dernière minute. »
Pourquoi l'Union européenne est-elle si prompte à faire machine arrière ? Et pourquoi avoir fixé un taux aussi bas, sans véritablement prendre en compte les réalités terrain des pays qui devront s'y conformer ? « Il s'avère que les données (fournies principalement par l'Association européenne des épices, NDLR) qui ont présidé à la fixation de la limite maximale autorisée ne reflétaient en effet pas la réalité de la filière vanille et des capacités de cette filière à répondre à des limites aussi basses », explique Isabelle Delattre.
« Le principe veut que le la limite maximale de résidus autorisés soit fixée, non pas en décrétant qu'au-delà de cette limite, il y a un danger réel pour la santé des consommateurs, mais en se basant sur ce qu'on considère comme atteignable par l'industrie, précise l'ambassadrice de l'Union européenne à Madagascar. Et c'est là où il y a eu erreur, parce que visiblement, la filière malgache n'est pas en mesure de respecter des taux aussi bas. Donc il faut se questionner : les experts qui siègent au sein de ce comité réuni par la Commission européenne ont-ils pris langue avec les opérateurs économiques malgaches avant de se prononcer sur les taux ? C'est peut-être une leçon pour l'avenir. »
D'ici à la révision officielle du texte, les services sanitaires et phytosanitaires des États membres de l'UE, ont été priés de faire preuve de souplesse dans l'application de ce taux de 0,05 ml de nicotine par kilo. Et les exportateurs, de réfléchir sérieusement aux raisons qui expliquent les traces de nicotine retrouvées quasi systématiquement sur les vanilles.