Madagascar: Legentil, un admirateur des piroguiers malgaches

Et si les Notes parlent des embarcations locales? Dans son manuscrit intitulé Grand dictionnaire de Madagascar, Barthélémy Huet de Froberville, missionnaire en ile Maurice, aborde à la lettre « l », les différentes barques, pirogues d'une seule pièce ou en planches. Et ce, avec l'aide d'anciens auteurs.

Tel Legentil : « Les Madécasses n'ont point de marine. Semblables à tous les peuples des iles de la mer de l'Inde, qui n'ont que des pirogues, ils ne s'écartent jamais de la terre à perdre la côte de vue. Toute la navigation des Madécasses se borne donc à aller le long de la côte et dans les rivières. Ils mettent à terre tous les soirs, et lorsque le mauvais temps les surprend en mer ; ils hâtent leurs pirogues au plein et se réfugient et se réfugient où ils peuvent. »

Legentil poursuit en parlant des difficultés rencontrées par les pêcheurs qui s'embarquent dans une pirogue qui « fait de l'eau », sans apporter de quoi l'écoper.

« Lorsque la pirogue se remplit trop, ils ont la constance de mettre à terre, de la décharger si elle porte quelque chose et de la vider. » Après quoi, ils la rechargent et repartent.

L'auteur évoque le grand risque encouru par les piroguiers. Un grain de rafales, dit-il, n'est pas capable de « leur faire filer les écoutes » installées, généralement, au milieu d'un des bancs de l'embarcation. Pour faire chavirer celle-ci, il faut trois choses : « Que la pirogue supporte la voilure, qu'elle sombre dessous, ou que l'écoute casse.» Dans ce cas, le pêcheur risque de mourir.

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Mais, en général, ajoute l'auteur, si une embarcation chavire, les piroguiers ne sont pas dans l'embarras. Sachant tous très bien nager, ils peuvent se soutenir dans l'eau et redresser la pirogue « qui ne se redresse, qu'en embarquant beaucoup d'eau ». « Pour la vider, ils se renvoient leur bâtiment bout à bout. Les balancements que cette manoeuvre communique à la pirogue, font que l'eau s'échappe, alternativement par l'un ou l'autre bout. Lorsqu'ils ont mis la plus grande partie de l'eau dehors, ils se rembarquent et achèvent de la vider avec leurs mains ou avec la pagaie. »

Très peu de pirogues se voient à Foulpointe, dont la plupart viennent de la baie d'Antongil où la population en possède beaucoup. Car elle commerce beaucoup jusqu'à Toamasina. Il faut aussi ajouter que la baie d'Antongil abonde en bois de toute beauté. À l'époque, ce commerce dans la baie comme à Sainte-Marie, concerne les horita (espèces de seiches). Etienne de Flacourt le mentionne dans son Histoire. « On en pêche beaucoup sur ces côtes. On les fait boucaner, on en charge les pirogues et les porte dans le Sud jusqu'à Toamasina où les habitants en sont friands. »

Legentil décrit les pirogues qui sont de deux sortes. Les unes sont d'un seul tronc, plus ou moins gros, qu'ils creusent par le feu, avant de la façonner par les deux bouts. « J'en ai vu de fort grandes dans lesquelles on avait pu tenir de quinze à vingt personnes, fort à l'aise, et qui auraient été capable de porter un tonneau. » Quand elles sont bien faites, elles se comportent assez bien sur l'eau et « vont avec la vitesse d'un trait ».

D'autres sont faites en planches et beaucoup plus grandes puisqu'elles peuvent porter de 4 à 5 tonneaux. « Il entre sept planches dans leur construction. Celle de fond est la moins large, elle sert pour ainsi dire, de quille. Les six autres sont posées au-dessus de celle-ci, trois de chaque côté. » Toutes ces planches sont reliées par des écorces. Ils en mettent dans les coutures de l'étoupe, également d'écorce, qu'ils enfoncent avec un couteau, « le tout sans brai ni goudron ».

D'après Froberville, les deux sortes de pirogues ont moins de largeur à l'avant, « de sorte qu'elles sont précisément le contraire des vaisseaux et des bateaux, plus larges de l'avant que de l'arrière ». Il a la certitude que ces pirogues bien armées- surtout d'une seule pièce- « gagneront toujours de vitesse les meilleurs canots européens », mais « elles ne sont point faites pour aller en pleine mer ».

Il conclut, en citant à nouveau Legentil qui met en exergue le grand effort des Malgaches pour réaliser une pirogue. D'autant qu'ils n'ont pour tout outil qu'une petite hache, ignorant l'usage de la scie. D'abord, ils équarrissent le tronc, puis le partagent en deux solides parties avec la même hache. Cela fait, ils travaillent la solive et la réduisent jusqu'à l'épaisseur voulue. Le même travail est entrepris sur les planches, au maximum deux par tronc d'arbre, à moins que celui-ci ne soit très gros.

En général, pour faire une pirogue, ils utilisent cinq arbres. « Ces embarcations ne coulent jamais, même si elles ne se remplissent d'eau », sauf si elles sont chargées.

Et ils continuent de pagayer pour gagner la terre comme ils peuvent.

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