Dakar — Le Comité national de l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives (CN-ITIE) appelle les pouvoirs publics et les citoyens sénégalais à "entretenir un dialogue permanent" permettant d'éviter "la violence" dans les zones minières, la Coalition nationale "Publiez ce que vous payez/Sénégal" (PCQVP) proposant, elle, à l'État et aux compagnies chargées d'exploiter les mines de "requérir le consentement libre, préalable et éclairé des communautés" locales.
Le CN-ITIE et PCQVP/Sénégal réagissent à la mort de deux personnes dans des affrontements entre les forces de l'ordre et des habitants de Khossanto, un village situé dans la région de Kédougou (sud-est), dont le sous-sol regorge de mines d'or.
Les heurts ont fait plusieurs blessés chez les habitants dudit village. Ces derniers protestaient contre la modification d'un arrêté préfectoral relatif au recrutement de la main-d'oeuvre locale non qualifiée des entreprises minières opérant dans la zone. Ils estimaient que la modification avait été faite à leurs dépens.
"Le CN-ITIE appelle les autorités [...] et les citoyens à entretenir un dialogue permanent pour éviter toute situation susceptible de conduire à la violence", lit-on dans un communiqué parvenu à l'APS.
Le Comité national de l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives, une structure publique, déclare avoir "toujours promu [le] dialogue ouvert et permanent" dans les zones minières du pays.
"Le CN-ITIE accorde une place importante aux retombées des activités du secteur extractif pour les populations locales et à la création d'emplois à leur profit. Il en est de même du rôle très important de la société civile sur le terrain pour renforcer la participation citoyenne constructive dans la gestion des ressources extractives", affirme-t-il dans le communiqué.
Cet organisme public "dépêchera une délégation dans la zone (région de Kédougou), pour la préservation du débat public, afin de favoriser la participation citoyenne dans la gestion des ressources extractives".
Il promet d'inviter les pouvoirs publics à "veiller à une plus grande implication des acteurs locaux dans la création d'emplois, le développement de la sous-traitance et la fourniture de biens et services" liés à l'exploitation des mines.
"Les ressources naturelles appartiennent au peuple"
Une telle attitude des autorités "pourrait constituer un bon levier pour pallier l'insuffisance des emplois directs et augmenter la contribution du secteur extractif au produit intérieur brut", affirme le CN-ITIE.
"Les ressources naturelles appartiennent au peuple. Elles sont utilisées pour l'amélioration de ses conditions de vie. L'exploitation et la gestion des ressources naturelles doivent se faire dans la transparence et de façon à générer une croissance économique, à promouvoir le bien-être de la population", rappelle-t-il.
La Coalition nationale "Publiez ce que vous payez/Sénégal, elle, dit d'abord avoir appris "avec une grande consternation et tristesse [...] la répression brutale administrée aux populations de Khossanto".
Elle appelle en même temps l'État et les compagnies minières à "requérir le consentement libre, préalable et éclairé des communautés pour toute action à entreprendre et ayant des impacts sur leur cadre de vie".
"Les autorités administratives gagneraient à renforcer la participation et l'inclusion de l'ensemble des parties prenantes pour toute décision ayant des implications sur les communautés", suggère l'organisation dans un communiqué de son président, Papa Fara Diallo.
M. Diallo invite l'État du Sénégal et ses ministères chargés des Finances, des Mines et de la Géologie à "s'acquitter de [leur] obligation de rendre effectif le versement du fonds d'appui et de péréquation instauré par le code minier aux collectivités territoriales impactées par les opérations minières".
Une "violation manifeste des droits humains"
"L'État du Sénégal doit veiller à ce que les compagnies rendent effectif le fonds d'appui au développement local", insiste PCQVP/Sénégal.
Son président exhorte "les compagnies" minières à "garantir une concertation et une adhésion des communautés à leurs actions sociales en respectant les choix prioritaires de ces dernières".
PCQVP/Sénégal ajoute condamner "avec la plus grande fermeté cette brutalité meurtrière à l'endroit de manifestants désarmés, dont le seul tort a été de défendre leurs droits économiques, sociaux et environnementaux".
Selon le communiqué de son président, cette structure, section locale d'un réseau mondial d'organisations de la société civile, dénonce une "violation manifeste des droits humains" à Khossanto.
PCQVP/Sénégal fustige aussi "le caractère illégitime et impopulaire de l'arrêté préfectoral [...] relatif au recrutement de la main-d'oeuvre locale non qualifiée pour le compte des entreprises minières opérant dans la zone".
"Nous rappelons que la gestion des opportunités sociales offertes par les compagnies minières ne saurait revenir aux autorités administratives, alors que les communautés bénéficiaires disposent de mécanismes locaux acceptés de tous dans la gestion de leurs relations avec les compagnies minières", écrit Papa Fara Diallo.
"Un dialogue fécond pour une sortie de crise"
La section sénégalaise de PCQVP exhorte les autorités sénégalaises à "gérer, dans une approche pacifique et consensuelle, tous les contentieux [découlant] des activités des compagnies exploitant les ressources aurifères".
Elle se réjouit de la tenue d'une réunion administrative "spéciale", mardi, à Kédougou, sous la présidence du ministre de l'Intérieur et de son collègue chargé des Mines et de la Géologie, à la suite des affrontements meurtriers.
PCQVP/Sénégal espère que cette réunion "ouvrira un dialogue fécond pour une sortie de crise". "Nous nous réjouissons aussi de la déclaration du ministre de l'Intérieur [...] affirmant 'avoir donné des instructions au gouverneur pour le recrutement de la main-d'oeuvre locale non qualifiée, avec une démarche inclusive et participative"', poursuit-elle.
La section sénégalaise de PCQVP invite le procureur de la République à ordonner l'ouverture d"'une enquête libre et transparente" pour élucider les circonstances de la mort des deux manifestants.
"L'autorité administrative doit veiller à la prise en charge médicale correcte de l'ensemble des blessés", soutient-elle.