Coincé entre Nianing et Mballing, le village de Warang a une singularité : il a deux chefs de village. L'un administre Warang Sérère, l'autre Warang Socé. Cette séparation, plutôt que d'être source de tension, est une richesse que les deux chefferies et les populations qu'elles dirigent cultivent.
Le visiteur qui débarque devra être précis s'il cherche des renseignements sur Warang. Sérère ou Socé ? Cette précision est nécessaire parce que si le village ne fait qu'un bloc aux yeux du commun des Sénégalais, dans la réalité, il est subdivisé en deux : Warang Sérère et Warang Socé. Chacun avec son chef de village. Un village, deux chefferies, cela doit être une rareté au Sénégal. La frontière est matérialisée par la route nationale. En venant de Dakar en direction de Joal, Warang Sérère se trouve à droite, donc en bordure de l'océan atlantique et abrite l'école maternelle et le dispensaire ; tandis que Warang Socé est situé à gauche, dans une position plus « continentale » et accueille la grande mosquée et l'école primaire.
Si leur position géographique est aujourd'hui définitivement figée, il semble qu'elle a évolué dans le temps, si l'on en croit Modou Ndong, neveu du chef de village de Warang Sérère, Gorgui Sarr, dont l'intérim est assuré par son fils, Djim Sarr, à cause de son grand âge (plus de 100 ans, nous dit-on). « L'actuel Warang Sérère était situé derrière Warang Socé. Mais un jour, une mystérieuse maladie a décimé les troupeaux de vaches. Les habitants ont alors décidé de venir s'installer près de la mer », explique-t-il. Mais, quelque temps après, les habitants de Warang Sérère vont quitter la bordure de l'océan pour se replier sur le continent à cause d'une houle qui aurait ravagé les habitats. « C'était en 1938. Face à l'avancée de la mer, nous avons encore dû déménager pour nous installer définitivement sur l'actuel site », précise Modou Ndong.
Aujourd'hui, le long de la berge abandonnée par les populations, des résidences secondaires ont alors fleuri et quelques maisons d'hôtes ont émergé. Si bien que dans cette partie de la Petite-Côte, Warang est, selon le chef de village de Nianing, la localité où il y a le plus de ce type d'habitats. C'est sans doute ce qui explique le calme et la tranquillité qui règnent à Warang Sérère qui, comme son nom l'indique, est majoritairement peuplé de gens issus de cette ethnie et qui vivent essentiellement de la pêche.
La localité jumelle de Warang Socé, elle, est plus cosmopolite en termes de peuplement, indique le chef de village Salifou Touré. « Par le passé, les Mandingues étaient majoritaires à Warang Socé, mais aujourd'hui ce n'est plus le cas. Il semble même que les Sérères ont pris le dessus en termes de nombre d'habitants », explique, avec le sourire, ce jeune chef de village qui a remplacé son père, après une élection, il y a un peu plus d'un an. Salifou Touré explique ce renversement de la pyramide démographique par le fait qu'à Warang Socé, la plupart des Mandingues ont préféré aller s'installer à Mbour, sur un temps long.
Entre les deux Warang, l'entente semble parfaite. Comme en attestent les relations fraternelles qu'ont toujours entretenues les deux précédents chefs de village que les remplaçants de fils s'évertuent à perpétuer. « Nous cohabitons en parfaite harmonie. Des mariages se tissent entre nous. Nous avons une école primaire commune, un lycée commun et un dispensaire commun. Mieux, jusqu'à une date récente, nous avions la même Asc, mais vu la densité de la population de part et d'autre, nous avons dû la scinder », assure Modou Ndong. Le chef de village de Warang Socé fait chorus. « Il n'y a pas de problème entre les deux Warang.
Les deux précédents chefs de village se respectaient tellement que lors de certains événements, Gorgui Sarr de Warang Sérère demandait toujours que mon défunt père, pourtant plus jeune, parle en son nom. Cet héritage, Djim Sarr et moi sommes en train de le perpétuer », signifie Salifou Touré. De part et d'autre, on n'exclut pas l'idée de voir, un jour, une réunification de la chefferie à Warang.