Gabon: Ballack Obame, ancien leader étudiant emprisonné, vit une deuxième libération

Parmi les premières mesures annoncées par le général Oligui Nguema, devenu président de la transition : la libération des détenus d'opinion. Ainsi, certains demandent la libération du lieutenant Kelly Ondo Obiang, condamné pour la tentative de coup d'État manquée du 7 janvier 2019. C'est le cas de l'ancien leader estudiantin Ballack Obame, qui a fait de la prison sous Ali Bongo, accusé d'être un des complices de Kelly Ondo Obiang.

Il a d'abord pleuré, le 30 août, en suivant à la télé la proclamation de la victoire d'Ali Bongo pour un troisième mandat. « Je disais Seigneur, je préfère mourir maintenant ou aller rester au village, parce que je n'ai plus d'espoir. » Dépité, il part se coucher et quelques heures plus tard, ses amis l'appellent. Il croit rêver. « On me dit "petit frère, mets la télé, on est sauvé, les militaires ont pris le pouvoir !" C'était comme si j'étais dans les vapes, et le matin, je me suis réveillé, je suis allé vers eux : "Vous nous avez sauvés, Dieu merci". »

Ballack Obame, aujourd'hui âgé de 33 ans, a souffert sous la présidence d'Ali Bongo Ondimba. Dans les années 2010, il est un leader estudiantin : « Je gênais parce que je réclamais de meilleures conditions d'étude pour les étudiants. On me proposait de la corruption pour me faire taire. »

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Le mouvement « Étudiant Conscient » dont il est à la tête, remporte en 2014 l'élection de la Mutuelle des Étudiants de l'Université Omar Bongo, « à la surprise des autorités qui avait financé des petits groupes pour nous contrer. » « Le mandat était de deux ans. Je n'ai même pas fait un mois. Ils m'ont arrêté, parce que je n'étais pas pouvoiriste. »

Il raconte avoir passé environ trois semaines dans les locaux du B2 - la direction générale de la contre-ingérence et de la sécurité -, torturé au sous-sol. Il refuse de renoncer à ses revendications : la libération et la réhabilitation de plusieurs étudiants arrêtés ou exclus. Le mouvement « Étudiant Conscient » est dissout. La présidence de la Mutuelle est confiée à son adversaire : Ange Gaël Makaya. Ballack Obame, lui, est exclu de l'Université.

Sans passeport et donc sans possibilité de poursuivre ses études à l'étranger, il décide de rejoindre l'Union nationale (UN), parti d'opposition au président Ali Bongo Ondimba, dirigé par Paulette Missambo - actuelle présidente du bureau du Sénat de la transition -. Il devient délégué national chargé de la communication, puis vice-président des Jeunes de l'UN.

Contacté par Kelly Ondo Obiang

Le 7 janvier 2019, alors que le président Ali Bongo Ondimba est hors du pays, en convalescence suite à son accident vasculaire cérébral, un membre de la Garde Républicaine tente un coup d'État. La Garde Républicaine, à ce moment-là, n'est pas encore dirigée par le Général Brice Clotaire Oligui Nguema, auteur du coup d'État du 30 août 2023, devenu président de transition.

Ce jour-là, quand le lieutenant Kelly Ondo Obiang tente son coup de force, il appelle Ballack Obame. « Étant militaire et aux renseignements, il surveillait les actions des jeunes leaders. C'est ce qu'il m'a raconté quand nous étions ensemble à la prison centrale. Le 7 janvier 2019, j'habitais juste en face de la Radio Télévision Gabonaise (RTG). Vers 4 heures du matin, j'ai entendu des coups de feu. Je me demande ce qu'il se passe. Je reçois un coup de fil d'un numéro masqué : "c'est le lieutenant Kelly Ondo Biang". C'est la première fois que j'entends ce nom. "Je sais que tu fais partie des vrais, le premier vrai du Gabon et je t'appelle pour te dire que l'armée a décidé de mettre fin à la souffrance du peuple gabonais, fais large diffusion." »

Ballack Obame [qui était aussi observateur de France 24, NDLR] se déplace pour voir par lui-même, trouve une foule devant la RTG, prend des photos des militaires putschistes. Il assure qu'il n'avait jamais parlé à Kelly Ondo Obiang avant ce jour, et ne le connaissait pas. Il rentre chez lui. La tentative de coup d'État échoue. L'assaut est donné sur la RTG. Les militaires sont arrêtés.

Deux semaines après, le 21 janvier 2019, Ballack Obame est interpellé. Une cagoule sur la tête, menotté les mains derrière le dos, il retourne au B2, assure avoir subi à nouveau des tortures. « On nous versait de l'eau brûlante dans le dos ». Seul civil condamné pour ce dossier, Ballack Obame écope de 2 ans et 7 mois de prison et 15 millions de francs CFA d'amende.

L'isolement à l'Annexe 1 : « Tu deviens fou »

Durant sa détention, il va même connaître l'isolement dans la sinistre Annexe 1, où l'ancien directeur de cabinet d'Ali Bongo Ondimba, Brice Laccruche Alihanga (BLA), a aussi été enfermé plusieurs mois.

« Même à son pire ennemi, on ne peut pas souhaiter ça. Quelqu'un qui vous a servi ? Vous le traitez comme ça ? Dans nos cellules, on avait comme seuls codétenus, des rats, qui marchaient sur nous. Si Dieu n'existait pas, tu devenais fou, il n'y a pas de lumière, pas de fenêtre, tu ne sais pas s'il fait jour, s'il fait nuit, tu ne vois même pas ton corps ! »

Ballack Obame souhaite que plus jamais personne ne connaisse l'Annexe 1. Il demande au président de la transition qui a promis la libérté l'opinion, de libérer Kelly Ondo Obiang. « Ce n'est pas logique que Kelly aujourd'hui soit encore en prison, pendant qu'on libère des gens condamnés pour vols et détournements comme Renaud Allogho Akoué, ancien directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie et de garantie sociale (CNAMGS). Ce que les militaires du CTRI ont dénoncé le 30 août 2023, c'est ce que Kelly dénonçait en 2019. »

Avec notre envoyée spéciale à Libreville

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