Le Directeur général de la Compagnie nationale d'assurance agricole du Sénégal explique dans l'entretien qu'il nous a accordé dans ce numéro, les raisons de l'envol de l'assurance agricole au Sénégal malgré un début difficile. Toutefois, Mouhamadou Moustapha Fall juge important de maintenir le cap par la sensibilisation pour changer le comportement des producteurs vis-à-vis de l'assurance .
Comment se porte l'assurance agricole au Sénégal ?
L'assurance agricole au Sénégal est dans une très bonne tendance. En effet, depuis quelques années le nombre de capitaux assurés, le nombre de producteurs assurés ne cessent d'augmenter, les partenaires au développement conscients de l'importance de l'assurance agricole commencent à s'intéresser à la Compagnie nationale d'assurance agricole du Sénégal (CNAAS) pour le développement de leurs projets. Les banques et les institutions de microfinance commencent, elles aussi, à rendre l'assurance agricole obligatoire pour tout emprunteur de crédit de campagne. D'ailleurs, depuis 2015, la CNAAS est représentée un peu partout sur le territoire sénégalais, avec sept agences et quatre bureaux de souscription sous couverts par le chef d'agence de la zone.
Aujourd'hui, comme vous pouvez le constater, nos produits d'assurance sont diversifiés dans le but de toucher sur l'ensemble du territoire les agriculteurs, les éleveurs et les pêcheurs. Je rappelle qu'il y a deux catégories de produits. La catégorie classique et la catégorie indicielle.
Pour la catégorique classique, on peut citer pour l'essentiel, l'assurance perte récoltes, l'assurance mortalité du bétail, l'assurance mortalité de la volaille, l'assurance multirisque exploitation agricole, l'assurance multirisque viande professionnelle, l'assurance pêche artisanale.
Pour la catégorie indicielle, la CNAAS assure les producteurs contre le déficit pluviométrique.
Tous cela justifie la bonne dynamique de l'assurance agricole au Sénégal. En termes de performance, la CNAAS a réalisé respectivement un chiffre d'affaires de 1 578 147 073 FCFA, 1 874 910 939, 1 987 011 653 FCFA, 1 987 011 653FCFA, 2 041 385 068, 2 606 822 503 entre 2018, 2019, 2020, 2021 et 2022.
Votre cible est caractérisée par des revenus insuffisants, un faible niveau d'éducation financière. Il s'y ajoute la non-obligation d'assurance sur les risques de masse, et surtout un manque de confiance dans les compagnies d'assurances. Ces facteurs ne constituent-ils pas des freins au développement de l'assurance agricole au Sénégal ?
Vous avez raison, en effet, la faiblesse des revenus du monde paysan constitue une contrainte que la seule subvention de la prime ne parvient pas à prendre en charge correctement. Mais aussi, il faut noter que le caractère non obligatoire de l'assurance constitue aussi un frein. C'est pourquoi la CNAAS mise beaucoup sur la formation et la sensibilisation des producteurs chaque année pour les amener à souscrire à l'assurance.
Cependant, il faut le dire le budget nécessaire pour organiser ces activités de formation et d'information n'est pas toujours disponible.
A cela s'ajoute, certaines croyances socioculturelles qui poussent les populations rurales à développer des formes de prévention essentiellement basées sur des pratiques traditionnelles et religieuses ; d'où l'importance d'un programme d'information-éducation-communication pour changer le comportement des producteurs par rapport à l'assurance.
L'un des objectifs sera certainement de modifier chez les souscripteurs la perception de l'assurance sous le prisme déformant des vieilles pratiques du marché en matière d'indemnisation des assurés.
Quelle démarche préconiseriez-vous pour transformer ces freins en atouts ?
C'est d'abord pour la CNAAS d'accroître et d'accentuer les activités de communication pour mieux toucher la cible, mais aussi de s'appuyer sur les partenaires tels que les institutions de microfinance, les projets et programmes qui accompagnent les cibles. C'est ensuite travailler à préparer et signer des conventions commerciales avec les agrégateurs (banques et Institutions de microfinance, faitières des organisations de producteurs, fournisseurs d'intrants et de services agricoles, etc.).
Un accompagnement plus serré ne devrait-il pas être de mise pour une meilleure compréhension des bienfaits de l'assurance par votre cible ?
En effet, ce ciblage permettra une meilleure appréhension de l'assurance agricole par les cibles.
Pour certains, le numérique serait la panacée pour un décollage de l'assurance agricole. Partagez-vous cet avis ?
Tout à fait. Aujourd'hui, dans tous les secteurs, le numérique occupe une place centrale. L'assurance ne doit pas être en reste. Il serait un outil très important et c'est la raison pour laquelle la CNAAS compte mettre en place un système de transformation numérique.
La téléphonie mobile peut-elle être un vecteur prometteur pour la diffusion des produits d'assurances ?
Oui, dans une certaine mesure, car il est fortement utilisé par les cibles. Et la CNAAS est en train de s'orienter dans ce sens pour mieux favoriser la diffusion de produits d'assurance.
Ne faudrait-il pas également envisager des stratégies de partenariats avec les opérateurs mobiles et les spécialistes du paiement digital pour développer et ancrer la culture de l'assurance d'une manière générale et de l'assurance agricole en particulier ?
Effectivement, à travers la mise à disposition d'une plateforme de paiement électronique et de transfert d'argent, l'opérateur mettra à disposition sa plateforme de paiement électronique et accompagner la CNAAS dans la digitalisation des transactions (collecte des primes, versement des indemnisations) et la diffusion des informations non financières aux producteurs. Cette plateforme pourrait aussi, entre autres, constituer de call center (centre d'appel) pour diffuser des informations sur l'assurance.