Madagascar: Motos pour les délégués - Dotation qui risque de faire des vagues

Après les véhicules tout-terrain pour les chefs de districts, tous les délégués d'arrondissement auront leur moto respective pour accomplir leurs missions au niveau de toutes les communes. Mais le calendrier de cette dotation peut susciter des vagues.

La décision a été prise au niveau du conseil des ministres, il y a deux mois. Les délégués d'arrondissements administratifs seront équipés chacun de motos. Ces fonctionnaires qui assurent certaines missions régaliennes au niveau des communes se plaignent parfois du manque de moyens à leur disposition et attendent l'arrivée de ces motos dans les semaines qui viennent. « Nous devons nous assurer que nos responsabilités soient accomplies avec les moyens du bord et la nouvelle dotation ne peut que contribuer dans ce sens », nous a confié un délégué de la région Analamanga. « Plusieurs déplacements en brousse, au niveau des marchés communaux, sont prévus dans nos agendas hebdomadaires », poursuit ce délégué qui cumule ses fonctions auprès de deux communes différentes pour justifier la nécessité d'un équipement comme la moto.

Pour eux, recevoir une moto « va faciliter l'exécution » de leurs missions. Ils auront pour tâches, entre autres, de superviser la gestion administrative des fokontany et de suivre la circulation des bovidés. Aussi, ils garderont un oeil sur la liste électorale et seront présents dans le circuit des opérations électorales au niveau des fokontany et des communes.

Période électorale

Le gouvernement, par le biais du ministère de l'Intérieur et de la Décentralisation, est venu à la rescousse des délégués d'arrondissement administratif avec une moto pour chacun. Une marque de soutien de la part de l'Etat central, comme celui avec les chefs de districts, qui ont, eux aussi, bénéficié des véhicules 4x4. L'immeuble « Patte d'éléphant » a mis la main à la poche pour réaliser ce que ce département a toujours défendu, sur le plan budgétaire, depuis plusieurs années. Ses agents qui sont, en effet, éparpillés dans toutes les communes devraient gagner en mobilité dans l'exercice de leurs fonctions.

Toutefois, le calendrier risque de susciter des réactions. Le contexte choisi pour distribuer les motos tombe en pleine période électorale. La démarche ne fait pas l'unanimité au sein de la classe politique, voire, qualifiée de suspicieuse aux yeux de certains observateurs. « A la fin du mandat présidentiel et ce à la veille des élections présidentielles supposées, la distribution de voitures 4x4 aux chefs districts et de motos aux maires et aux délégués administratifs, sans transparence sur la provenance du budget, est une manière d'influencer ces derniers à soutenir le candidat du gouvernement qui se trouve être l'ancien président de la République », soutient Serge Zafimahova, analyste politique.

Neutralité.

Le choix du gouvernement d'officialiser, en cette période électorale, les dotations en moto des délégués d'arrondissements administratifs et des représentants de l'Etat en voiture 4x4 est-il anodin ? Une visée électorale est crainte dans la démarche qui va remettre de nouveau sur la table le sujet sur la neutralité de l'administration.

En 2018, le gouvernement entrant, dirigé par l'actuel Premier ministre Christian Ntsay, a milité pour la neutralité de l'administration au lendemain de la déclaration de candidature de Hery Rajaonarimampianina. L'actuel chef du gouvernement, alors nouveau maître du palais de Mahazoarivo depuis juin 2018, a resserré les vis au niveau de tous les ministères et les organismes publics pour faire respecter cette neutralité presque à la lettre. Les plaques d'immatriculation de toutes les voitures administratives ont été changées en rouge, et les agents de l'Etat étaient invités à ne pas s'engager politiquement durant les élections de 2018.

Actuellement, cette neutralité tant défendue par Christian Ntsay n'est pas évoquée dans le débat. Hier, le Premier ministre a zappé le sujet pendant les quarante minutes qu'il a passées sur les chaînes nationales dans le cadre d'une émission spéciale.

Partialité.

Le sujet est agitateur dans un contexte marqué par une tension de plus en plus vive entre les candidats en lice. Une fronde est montée, avec tous les adversaires de Andry Rajoelina, pour accuser le gouvernement de partialité. Le ministère de l'Intérieur et de la Décentralisation se trouve en première ligne sur le banc des accusés. Une note publiée par Justin Tokely, il y a un mois, était déjà dans le collimateur des prétendants au poste de président.

Dans cette note ministérielle n°162/2023-MID, le ministre de l'Intérieur et de la Décentralisation exhorte les préfets et les chefs de district à rendre fréquemment visite aux communes de leur circonscription aux fins d'expliquer la politique générale de l'Etat et d'informer la population des activités et des réalisations du gouvernement. Tous ces événements viennent mettre une couche à cette perte de confiance déjà conséquente au détriment des organismes en charge des élections et la sincérité du processus.

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