L'élection présidentielle malgache du 9 novembre prochain va-t-elle se dérouler sans couacs ? Au fur et à mesure que la date du scrutin approche, des interrogations fusent, au regard des tensions politiques. Candidat à sa propre succession, le chef de l'Etat, Andry Rajoalina, surnommé « TGV » pour son côté fonceur, est plus que jamais sur la sellette. La question de sa binationalité alimente la polémique, puisqu'il est détenteur d'un passeport français depuis 2014.
Cette information, révélée en juin dernier par la presse, fait couler beaucoup d'encre et de salive, si elle ne met pas l'opposition dans tous ses états. Trois partis d'opposition, soutenus par des membres de la société civile, ont en connaissance de cause introduit des recours pour réclamer l'invalidité de la candidature de « TGV » pour « défaut de nationalité malgache ». Malheureusement, leurs requêtes n'ont pas prospéré, la Haute Cour constitutionnelle les ayant jugés irrecevables. Les opposants au chef de l'Etat sortant sont pourtant convaincus, qu'il n'est plus malgache et ne peut pas par conséquent prétendre diriger le pays. La binationalité est un fait courant sur la Grande Île, mais les inquiétudes soulevées par les opposants sont légitimes.
La Constitution, en son article 46, impose à tout candidat à la présidentielle d'avoir la nationalité malgache, quand l'article 42 prévoit sa perte en cas d'acquisition volontaire d'une autre nationalité. Cette dernière disposition retient particulièrement l'attention, en ce qu'elle soulève une question fondamentale : « TGV » a-t-il obtenu de fait la nationalité française par filiation de son grand-père, comme il le dit ou en a-t-il expressément fait la demande ? Des investigations approfondies allaient permettre d'apporter des éclaircissements à ces questionnements.
Autre question qui irrite les adversaires au président Rajoalina : la gestion de l'intérim du pouvoir. En vertu des dispositions constitutionnelles, « TGV » a démissionné, le 9 septembre dernier, pour se représenter à la future présidentielle. Censé assurer l'intérim, le président du Sénat, Herimanana Razafimahef, a renoncé à la grande surprise, amenant la Haute Cour constitutionnelle à nommer un collège, dirigé par le Premier ministre, Christian Ntsay. Pour les adversaires à « TGV », la mise en place de cette institution transitoire est contraire aux règles et s'assimile à un coup d'Etat institutionnel.
Les opposants n'ont pas tout faux. Leur position est défendable, le chef du gouvernement étant un proche de Rajoalina, avec les possibles implications. Sans être formel, des manoeuvres visant à favoriser le chef de l'Etat dans les urnes ne sont pas à exclure, tout étant envisageable en politique. Il aurait fallu promouvoir une personnalité moins clivante à la tête de l'exécutif transitoire, en attendant la tenue de la présidentielle. La démarche menée en la matière est crisogène et de nature à jeter le discrédit sur le processus électoral, qui doit être transparent, fiable et inclusif.
Aussi est-elle de nature à ne pas faciliter l'acception des résultats, ce qui pourrait plonger Madagascar dans des troubles. Cet Etat insulaire connait des veilles d'élections tendues, ses processus électoraux faisant régulièrement l'objet de contestations. Pour autant, le pays n'a pas une tradition de violences électorales. Madagascar est surtout habitué aux crises politiques. En 2009, un bras de fer mémorable autour des questions de gouvernance avait opposé « TGV » à son prédécesseur, Marc Ravalomanana, contraint par la suite par l'armée d'abandonner son fauteuil. Rajoalina avait été ainsi porté à la tête de la Transition, pour ensuite être élu, avant de prendre sa retraite de la vie politique en 2014.
L'homme d'affaires, qui avait quitté momentanément le pays, revient à la charge en 2018 et réussit à se faire élire à nouveau. Figure majeure de la vie politique malgache, pour avoir présidé aux destinées du pays de façon discontinue, Rajoalina n'entend pas s'effacer de sitôt. Sa nouvelle candidature à la présidentielle atteste de sa volonté de rester au-devant de la scène encore des années. Les ambitions de « TGV » sont légitimes, mais elles ne doivent pas être la source d'une crise de plus sur la Grande île. Les Malgaches sont tous engagés à ce que la présidentielle en vue se passe dans la quiétude, pour le bien de leur chère patrie.