Madagascar doit se préparer à un bouleversement de la structure économique mondiale, selon Rija Randriamalalaniaina, expert en marketing digital et enseignant en échanges internationaux au sein d'une Université européenne. Interview exclusive.
Midi Madagasikara (MM) : A la veille des élections, quelles sont les perspectives ?
Rija Randriamalalaniaina (RR) : A première vue, les perspectives économiques ne sont pas très optimistes. Nous savons qu'à l'extérieur, tous les indicateurs penchent vers un environnement international tendu qui impactera inévitablement Madagascar : l'inflation mondiale reste très élevée, même si le FMI prévoit un ralentissement en 2024. Le prix du baril s'envole, et les taux d'intérêt suscitent des inquiétudes...
Au niveau national, la prévision de croissance économique pour 2024 reste inférieure à l'inflation prévue. On s'attend également à une dépréciation de l'ariary car les secteurs générateurs de devises, tels que le tourisme ou le secteur de la vanille, sont toujours en difficulté. Cependant, le monde connaît actuellement de grands bouleversements qui pourraient représenter une opportunité pour les pays en développement. Nous nous orientons de plus en plus vers un monde multipolaire, où il n'y aura plus de bloc dominant.
C'est pourquoi, nous devons lutter pour l'instauration d'une structure économique et financière mondiale plus égalitaire. Aussi, la question du développement de l'Afrique devient un sujet de plus en plus central en Europe car elle est fortement liée à l'immigration et il y aura 2 milliards d'Africains en 2050.
MM : Dans vos vidéos très suivies sur les réseaux sociaux, vous avez parlé d'un bouleversement en cours du système monétaire international, avec les projets des BRICS. De quoi s'agit-il exactement ?
RR : On ne peut pas l'affirmer à 100%, mais toutes les spéculations pointent vers la dédollarisation des BRICS, qui souhaitent réaliser de plus en plus d'échanges avec leurs propres monnaies, sans passer par le dollar. Le renforcement des réserves d'or des BRICS nous laisse également envisager une volonté de retour à l'étalon-or pour définir les valeurs des monnaies. Surtout, avec l'adhésion de l'Arabie saoudite, de l'Iran, de l'Argentine et de l'Égypte, les BRICS représenteront une part plus importante du PIB mondial que les pays du G7. Cela modifiera les rapports de force.
MM : Pour vous, quelle position Madagascar doit-elle prendre ?
RR : Dans tous les cas, Madagascar devrait éviter de prendre une position isolée par rapport au continent africain. Notre économie repose fortement sur l'aide du FMI et de la Banque mondiale. Nos échanges commerciaux avec la Chine sont d'une grande importance, et sur le plan géographique, nous sommes situés à proximité de l'Afrique du Sud. Il est essentiel de ne pas se cantonner à un choix entre les BRICS et les pays du G7, mais plutôt guider nos prises de position en fonction des enjeux et des intérêts de notre pays. L'objectif serait de tirer partie de cette multipolarité pour établir des relations plus égalitaires et mutuellement bénéfiques pour toutes les parties prenantes.
MM : Face à la dépendance aux bailleurs de fonds traditionnels, pensez-vous que nous ayons le choix ? A quelles difficultés, Madagascar devrait-elle se préparer si on décidait de prendre un nouveau cap ?
RR : À mon sens, que ce soit en suivant ou en faisant abstraction des recommandations des institutions de Bretton Woods, il est impératif que nous entreprenions les réformes nécessaires, avant tout dans notre propre intérêt. Il est essentiel de maîtriser les dépenses publiques, d'adopter une gouvernance exemplaire, de lutter contre la corruption et d'arriver à financer notre propre économie. La véritable difficulté pour Madagascar et l'Afrique réside dans la capacité à maintenir l'unité face aux nombreuses sollicitations venant de divers horizons, et à instaurer un leadership africain pour les intérêts des Africains.