Las d'attendre l'intervention militaire de la CEDEAO qui avait donné une semaine à ses tombeurs pour le remettre sur son trône, le président déchu du Niger, Mohamed Bazoum, a saisi, le 20 septembre dernier, par l'entremise de ses avocats, la Cour de justice de la CEDEAO d'une plainte pour séquestration et détention arbitraire.
Son Conseil indique avoir demandé « sa libération immédiate » avec les membres de sa famille que sont son épouse Hadiza et son fils Salem, et « le rétablissement de l'ordre constitutionnel au Niger par la remise du pouvoir sans délai au président Mohamed Bazoum afin qu'il puisse terminer son mandat ». Une démarche inédite s'il en est, car, sauf erreur, c'est la première fois qu'un chef d'Etat africain renversé par un coup d'Etat militaire, saisit la Justice à l'effet d'être rétabli dans ses fonctions. Preuve, si besoin en était, de la résilience à nulle autre pareille dont fait preuve le président déchu du Niger, qui nourrit toujours l'espoir de retrouver son fauteuil.
Quel sort l'instance judiciaire communautaire va-t-elle réserver à cette plainte ?
Comment peut-il en être autrement quand Bazoum est encouragé à la résistance par la CEDEAO et ses soutiens occidentaux qui sont dans le déni de la réalité du fait quasi accompli et de la reconnaissance par certains Etats du nouveau régime de Niamey, alors que ce sont les militaires qui ont la réalité du pouvoir entre les mains depuis près de deux mois qu'ils ont perpétré leur coup d'Etat ? Comment peut-il en être autrement quand Bazoum lui-même refuse de croire que le vin est tiré s'il n'est pas tout simplement convaincu d'une possibilité de retour au pouvoir ? Toujours est-il que la démarche judiciaire enclenchée, semble répondre d'une volonté de se donner plus de chance d'être entendu, au moment où l'option diplomatique tarde à porter fruit et que s'éloigne au fil du temps, le spectre de l'intervention militaire de la CEDEAO.
Autant dire que par cet acte qui semble porter le signe de l'impatience si ce n'est du désespoir, Mohamed Bazoum cherche à ramasser l'eau versée d'une calebasse cassée. La question qui se pose, est de savoir quel sort l'instance judiciaire communautaire va réserver à cette plainte et quelles sont ses chances d'aboutissement, pour autant que la Cour de justice de la CEDEAO se dise compétente pour connaître du dossier. Car, si en temps normal, les arrêts de cette institution judiciaire supranationale sont snobés par les Etats membres, peut-on s'attendre à mieux de la part d'un régime d'exception comme celui de la junte nigérienne qui est engagée dans un bras de fer avec la communauté internationale et qui semble décidée à assumer son coup de force jusqu'au bout ?
En tout cas, tant qu'ils ne seront pas totalement acculés et à moins de vouloir se faire harakiri, on ne voit pas comment le Général Tchiani et ses frères d'armes, pourraient rétablir Mohamed Bazoum dans ses fonctions sur une simple décision de justice.
On se demande si le Niger n'aurait pas tout à gagner, si Bazoum se décidait à faire le deuil de son ambition de retrouver son pouvoir
Dût-elle émaner de la plus prestigieuse des Cours comme la Cour de justice de la CEDEAO, là où les sanctions de l'organisation sous-régionale n'ont pas réussi à leur faire rendre les armes, pas plus qu'ils ne paraissent intimidés par l'épouvantail d'une éventuelle intervention militaire. Autant dire que s'il est encore dans les nuages, le président Bazoum gagnerait à redescendre sur terre. Car, à l'allure où vont les choses, tout porte à croire que les putschistes du 26 juillet dernier sont allés trop loin dans leur coup de force pour reculer maintenant. Et il y a autant de raisons de croire que leur conviction est faite qu'ils auraient tout à perdre en remettant Bazoum au pouvoir, en raison des conséquences d'un tel acte.
Et c'est peu dire qu'en l'absence de garanties solides, Bazoum ne leur fera pas de cadeau. Au-delà, même si, par extraordinaire, le président déchu venait à être réinstallé dans son fauteuil, quelle autorité pourrait-il encore exercer sur une armée qui est manifestement en rupture de confiance avec lui ? Quelle autorité pourrait-il encore exercer sur le peuple nigérien dont une bonne partie porte son soutien à ses tombeurs ?
Autant de questions qui amènent à se demander si le Niger n'aurait pas tout à gagner, si Mohamed Bazoum se décidait courageusement à faire le deuil de son ambition de retrouver son pouvoir perdu en permettant à son pays d'envisager un retour à l'ordre constitutionnel sans lui, dans les meilleurs délais. C'est une question de réalisme politique, qui pourrait valoir son pesant de reconnaissance de la part de ses compatriotes, si cela peut permettre de décanter la situation en vue d'alléger les souffrances des populations qui ploient sous le fardeau des sanctions de la CEDEAO.