Burkina Faso: Contraceptifs de longue durée - Le stérilet, jadis rejeté, aujourd'hui 'vedette'

21 Septembre 2023

Les pilules, préservatifs, le Dispositif intra-utérin (DIU), les implants, ampoules injectables, sont autant de contraceptifs qu'utilisent les femmes et filles. De nos jours, elles comprennent, de mieux en mieux, les avantages des méthodes réversibles de longue durée d'action. Le stérilet, ce dispositif qui souffrait de préjugés autrefois, commence à avoir une notoriété.

«Ce dispositif en fil est-il aussi un moyen de contraception ? Peut-on vraiment l'introduire dans l'utérus. Ça fait peur hein. Il parait qu'il est abortif, qu'il favorise le cancer du col et peut, à un certain moment, disparaitre dans l'utérus ». Tels étaient les a priori à l'endroit du Dispositif intra-utérin (DIU) ou stérilet, qui le rendaient "orphelin", au profit des pilules et préservatifs, qui sont des moyens de contraception populaires.

Ces préjugés font toujours hésiter Albertine Zoungrana, dans le choix de son contraceptif. Etudiante de 29 ans à l'Université Norbert-Zongo (UNZ) de Koudougou et mère de deux enfants, Mme Zoungrana est à sa 2e méthode contraceptive, les implants. La première fois, elle avait opté pour les injectables, en bannissant les pilules, parce qu'à son avis, un seul jour d'oubli de la prise peut mener à une grossesse non désirée.

« Les injectables tout comme les implants, font grossir mon ventre. Je me sens à tout moment fatiguée et je dors beaucoup. Aussi, mes menstrues durent pendant deux semaines. Je veux enlever les implants pour le stérilet mais j'ai peur du dispositif », raconte-t-elle, contrariée. Alimata Sanou, 44 ans, mère de trois enfants et fonctionnaire de l'Etat à Ouagadougou, utilise les pilules depuis plus de 15 ans.

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En fin 2022, elle est allée en consultation et son gynécologue lui a fait savoir, que les femmes qui ont plus de 40 ans et qui continuent de prendre la pilule, peuvent être atteintes d'une embolie pulmonaire. « Paniquée, j'ai abandonné ce contraceptif. Mais lequel utiliser maintenant ? », se demande-t-elle. En février 2023, Mme Sanou se rend dans un Centre de santé et de promotion sociale (CSPS), à la maternité. Les sages-femmes lui conseillent le stérilet. Mais un petit objet en forme de T, inséré dans son utérus, elle n'en a jamais rêvé. Depuis le jour où elle a quitté le CSPS, elle n'est plus repartie.

Les injectables, dame Sanou ne les apprécie pas non plus, du fait qu'ils sont diffusés dans le sang. Présentement, elle n'est sous aucune contraception. Peur d'une grossesse, elle se rabat sur un contraceptif naturel qui est, selon elle, sans danger, mais risqué. Cette application, dénommée "My calendar", se trouve dans les portables android, iPhone... Elle explique qu'avec cette méthode, la femme donne la durée de son cycle et la date de la prochaine ovulation apparait.

« Avec cette technologie, aussi, le portable peut tomber à tout moment en panne et cela peut perturber les calculs », déplore-t-elle. Le chef de département de gynécologie au Centre hospitalier universitaire Yalgado-Ouédraogo (CHU-YO), Pr Blandine Thiéba, clarifie qu'il existe deux types de pilules, à savoir les pilules combinées ou oestro-progestatives, composées de deux hormones (oestrogène et progestatif) et les pilules progestatives pures, qui ne contiennent qu'une seule hormone.

Pour elle, l'âge seul n'est pas une contre-indication à la pilule, parce qu'à la ménopause, la femme peut utiliser le traitement hormonal substitutif de la ménopause. « Cependant, il faut qu'elle fasse une consultation médicale pour chercher les facteurs qui sont contre-indiqués et décidera de l'éligibilité », indique-t-elle. La gynécologue confie, qu'une femme qui continue d'utiliser les pilules après 40 ans, le risque de maladie cardio-vasculaire augmente.

« Comme les pilules augmentent ce risque à cet âge, on lui déconseille cette méthode, mais cela n'est pas une interdiction absolue », rassure-t-elle. Le DIU ou stérilet, selon les agents de santé, est un dispositif contraceptif en forme de "T", qui mesure 3 cm de long. Il se termine par un fil qui doit être coupé court, afin qu'il ne dérange pas lors des rapports sexuels.

Il est de deux types, à savoir le stérilet au cuivre et celui hormonal, mais celui disponible et utilisé dans les formations sanitaires est le cuivre. A leur avis, ils doivent pouvoir tous poser le DIU, parce qu'ils sont fréquemment formés à la Planification familiale (PF), en vue d'améliorer leurs compétences. Contrairement à Albertine Zoungrana et Alimata Sanou, qui doutent du choix du stérilet, Lucie Traoré, 27 ans, gérante d'une librairie à Koudougou, l'utilise depuis 2021, avec le consentement de son mari.

Elle a deux enfants dont le dernier âgé de 5 ans. Mme Traoré justifie son choix du fait de sa forte corpulence, ce qui l'a orientée vers ce dispositif, parce qu'elle a essayé avec les pilules et implants, sans satisfaction. « Avec ces contraceptifs, je prenais du poids. Une de mes belles-soeurs et une sage-femme qui sont sous la méthode DIU m'ont convaincue, qu'elle n'est pas contraignante et finalement j'ai accepté », se réjouit-elle.

L'étudiante de 30 ans, Pauline Zoma, s'est également tournée vers le DIU en 2018, sur conseils d'une sage-femme, parce qu'il est local et ne se propage pas dans le sang. Les pilules et injectables qu'elle utilisait avant, dit-elle, faisaient qu'elle mangeait beaucoup et prenait du poids. Malheureusement, elle n'a pas pu « sceller » cette union de 10 ans avec le dispositif intra-utérin. Elle l'a retiré en janvier 2023, après avoir quitté son partenaire. Mme Zoma a une fille de 9 ans. Elle a opté aujourd'hui pour l'abstinence, parce qu'elle avoue que le stérilet était une contrainte pour éviter la venue d'un 2e enfant.

Je sens sa "présence"

Dans des Centres de santé et de promotion sociale (CSPS), Centres médicaux (CM) et Centres médicaux avec antenne chirurgicale (CMA), même si la majorité des contraceptifs sollicités sont généralement les injectables, du fait de leur discrétion, les implants et les pilules ne sont pas non plus occultés.

Il y a aussi le Sayana press, qui est le plus utilisé par les étudiantes. « Comme elles n'ont

pas le temps, quand elles viennent, nous leur montrons comment faire l'injection. Si elles adhèrent, nous leur donnons au moins deux flacons pour l'auto-injection à la maison », précise la sage-femme du CSPS du secteur 10 de Koudougou, Céline Yaméogo.

La gynécologue, Pr Blandine Thiéba, souligne qu'il n'y a pas meilleure contraception pour l'âge pris isolément, mais elle avertit que les pilules oestro-progestatives ne seront pas de première intention, pour les femmes qui ont un âge avancé, parce que ces pilules sont des facteurs de risques. Certaines femmes partent dans les formations sanitaires, en ayant déjà une idée de leur méthode.

Mais avec le disque de l'OMS, les agents leur expliquent si elles sont éligibles avec leur choix. Au cas contraire, elles optent pour d'autres méthodes. Quant au DIU ou stérilet, les femmes commencent à tomber "sous son charme". Il est un moyen de contraception accessible à toutes les femmes et les nullipares et permet d'éviter de tomber enceinte. Mais avant la pose du dispositif, le col de l'utérus est vérifié au préalable. S'il y a infection, la femme doit d'abord se soigner avant la pose de la méthode.

Celle qui a accouché par voie basse ou césarienne, peut également se faire insérer le DIU du postpartum (DIUPP) immédiat dans les 48 heures qui suivent, si elle n'a pas d'anémie ou n'a pas eu de complications pendant la grossesse ou d'infections juste avant l'accouchement. Dépassée ces heures, la femme se fait insérer le DIU d'intervalle, c'est-à-dire qu'elle doit attendre le 42e jour après l'accouchement pour l'insertion. Si la pose du stérilet est indolore comme le confirme l'étudiante Pauline Zoma, ce dispositif a perturbé son cycle menstruel.

De 28 jours, il s'est prolongé à 30 jours et les menstrues peuvent durer jusqu'à cinq jours, alors qu'avant, elle ne saignait que deux ou trois jours. « La sage-femme m'a prévenue que j'allais sentir des douleurs pendant cinq mois et après cela allait passer. Mais, je les ai senties au niveau du dos et au bas-ventre, pendant des années et non des mois », confie-t-elle, attristée. La gérante de librairie, Lucie Traoré, dit ne ressentir aucune douleur avec cette méthode, ni pendant les menstrues ni lors les rapports sexuels. Les professionnels de santé soutiennent qu'avec le DIU, il n'y a pas d'aménorrhée chez la femme, mais des crampes.

Si ces angoisses persistent malgré la prise des analgésiques qui lui sont prescrits, le mal vient d'ailleurs et il faut selon eux, qu'elle fasse un diagnostic approfondi. La sage-femme du CM de l'Université Norbert- Zongo (UNZ), Rose Bassonon, affirme que, hormis les séquelles d'excision, si une femme a des douleurs atroces avec un DIU ou les ressent pendant les rapports sexuels, cela peut s'expliquer par le fait qu'elle a une infection ou son partenaire est brutal.

Sa collègue de Réo, Monique Bazié, se convainc qu'il y a des femmes qui n'utilisent aucune méthode contraceptive, mais elles ont à tout moment des douleurs. « Il faut que les utilisatrices du DIU comprennent que dès le début, il a un effet inflammatoire parce que l'utérus n'est pas encore habitué à ce corps étranger et cela va passer avec le temps », martèle-t-elle. Le responsable de la maternité au CM de Poa, Manassé Nikièma, pour sa part, indique que tous les effets ne sont pas liés aux méthodes, parce que chaque méthode a son effet secondaire spécifique.

« Il faut que les femmes nous fassent confiance par rapport aux conseils que nous leur donnons sur les contraceptions. Même le paracétamol a des effets secondaires », se défend-il. Si Mme Traoré se sent bien avec le stérilet, des rumeurs qui courent qu'à un certain moment donné, il peut disparaitre dans l'utérus, l'ont conduite précipitamment dans un centre de formation sanitaire pour un contrôle.

« J'étais stressée, mais après le contrôle, la sage-femme m'a rassurée que le dispositif était toujours en place. Pendant les rapports sexuels, je sens aussi sa présence », dit-elle, soulagée. Si le DIU est mal placé, il peut d'une part, tomber sans que la femme ne sache. Si les règles sont également abondantes, elles peuvent l'expulser. C'est la raison pour laquelle, les professionnels conseillent aux femmes, de vérifier la présence du dispositif à la fin des menstrues.

D'autre part, s'il est mal inséré, l'homme peut sentir des douleurs lors des rapports sexuels. Le partenaire de Pauline Zoma, qui n'a jamais su qu'elle était sous contraception, à fortiori le DIU, se plaignait des douleurs au niveau du prépuce. « Je n'ai pas fait vérifier la position du dispositif, mais j'étais convaincue que c'est ce petit appareil qui lui causait cette douleur. Je ne voulais pas qu'il sache, de peur qu'il me le fasse retirer », avoue-t-elle.

Pas de toilette intime

Avec le DIU, les sages-femmes insistent sur la propreté, qui n'est pas synonyme de toilette intime. « Lorsque j'utilise les toilettes publiques, j'ai des infections et dès que j'arrive à la maison, je fais rapidement ma toilette intime, sinon j'ai des démangeaisons », témoigne Mme Zoma. Cette hygiène approfondie est déconseillée par les agents de santé. Pour eux, la femme doit veiller plutôt à la propreté de ses sous-vêtements, car les produits et les gels intimes utilisés pour les douches vaginales, détruisent la flore.

Malheureusement, regrettent-ils, les femmes insistent sur ces toilettes, qui sont des sources d'infections. « Le doigt ne doit pas être introduit à l'intérieur du vagin. Le vagin se nettoie tout seul », avertit Mme Yaméogo du CSPS du 10. D'aucunes attribuent généralement le DIU aux citadines, parce qu'elles estiment qu'elles ont la notion de propreté. « Toutes les femmes sont propres.

C'est plutôt celles qui sont en ville, qui aiment faire les toilettes intimes, sinon celles rurales ne savent pas qu'il y a des produits pour ça », soutiennent les professionnels de santé. La sage-femme Rose Bassonon avertit que la toilette intime ne doit se faire, que lorsque la femme a des infections et cela, pour une période donnée.

Le stérilet ou rien !

Les sages-femmes se réjouissent, que de nos jours, les femmes se départissent des préjugés sur le DIU et commencent à adhérer. En 2021, au CSPS du 10 de Koudougou, 675 femmes ont été enregistrées pour les méthodes contraceptives, parmi lesquelles, 34 DIU. En 2022, il y a eu 544 utilisatrices dont 35 DIU. Au premier semestre de 2023, le CSPS est à 293 utilisatrices avec 22 DIU.

« Un taux d'utilisation de 5,91% du DIU en 2021, 6,43% en 2022 et 7,5% au premier semestre de l'année 2023 est fort appréciable. Dans les années antérieures, nous pouvions

faire tout le mois sans aucun DIU, mais de nos jours, nous constatons que les sensibilisations ont eu un impact positif sur ce dispositif-intra-utérin », acclame Céline Yaméogo. Elle souligne qu'il y a certaines femmes, quand elles viennent, c'est le DIU ou rien. D'autres pendant leur grossesse, leur confient qu'après leur accouchement, elles opteront pour le dispositif.

Au Centre médical (CM) de Poa, dans la province du Boulkiemdé, localité située à une vingtaine de kilomètres de Koudougou, parmi les 321 femmes utilisatrices des méthodes contraceptives en 2021, 4 ont opté pour le DIU. En 2022, elles étaient 221, avec 5 DIU et au premier semestre de 2023, le CM est à 175 femmes dont 4 utilisatrices du dispositif. La sage-femme au CMA de Réo, Monique Bazié, indique que dans le mois, au moins cinq femmes demandent l'insertion du DIU.

Elle qui travaille dans ce centre depuis 2016, atteste qu'avec le counseling, il y a une amélioration sur le choix du stérilet. En 2022, dans tout le district, 43 femmes ont opté pour le DIU et le premier semestre de cette année enregistre 19 insertions. Au regard de ces chiffres encourageants, les agents espèrent que d'ici la fin de l'année, il y aura une hausse par rapport aux années précédentes.

Au CM de l'Université Norbert-Zongo, le DIU est sollicité, mais comme le centre n'était pas équipé en matériel pour la pose, les femmes ont été référées à l'Association burkinabè pour le bien-être familial (ABBEF). « En juin dernier, nous avons reçu le matériel pour le DIU, avec une pose pour le moment », explique la sage-femme Rose Bassonon. Les utilisatrices estiment qu'avec le stérilet, le retour de la fécondité est rapide. Mme Yaméogo du CSPS du 10, le confirme, mais elle s'abstient d'incriminer les autres méthodes.

« Toutes les méthodes sont efficaces. Il n'y a pas de taux d'échec. Certaines femmes tombent enceintes en un ou deux mois, après l'arrêt de l'utilisation d'une contraception. D'autres en revanche peuvent aller à 6 mois, voire une année. Chaque femme est unique en son genre », se convainc-t-elle. Le DIU comme contraception n'est pas contraignant comme les autres qui sont de courte durée, où il faut faire fréquemment un contrôle.

Il permet de gagner en temps et la femme peut vaquer à ses occupations. Pour la sage-femme de Réo, Mme Bazié, l'utilisation de cette méthode réduit également le travail des agents de santé, parce qu'ils sont convaincus que l'utilisatrice ne reviendra pas dans la formation sanitaire avec une grossesse non désirée. D'une durée de 10 ans, le stérilet est discret et il n'y a pas de risques d'oubli. Une femme qui l'insère durant cette période doit le remplacer, parce qu'au-delà de cette période, son efficacité baisse. Des sensibilisations sont faites dans des formations sanitaires, afin que les femmes optent pour ce dispositif qui a de nombreux avantages.

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