Grâce aux appuis constants de l'Etat du Sénégal et des partenaires, l'hôpital Dalal Jàmm de Guédiawaye, dans la banlieue de Dakar, a complètement changé avec un plateau très relevé, des agents accueillants et motivés et des perspectives encore plus prometteuses. Dans cet entretien, le directeur Moussa Sam Daff dévoile son projet d'établissement. Tout en partageant un rêve : celui de faire de Dalal Jamm une structure hospitalière de niveau 4 pour le plus grand bonheur des usagers.
Quelle est la vérité sur l'histoire autour des couveuses à Dalal Jàmm ?
Je dois apporter des précisions sur cette information relayée par les réseaux sociaux. En réalité, ils ont parlé de manque de couveuses dans les hôpitaux dont celui de Dalal Jàmm. Il peut y avoir des tensions en lits relativement à la période. Des couveuses, il y en a dans les hôpitaux. L'hôpital Dalal Jàmm en dispose une douzaine. Ce qu'il y a lieu de savoir, c'est que nous sommes dans une période de forte augmentation des naissances. La demande en termes de couveuses dépasse ce qui est disponible. Mais, ce n'est pas durant toute l'année.
D'ailleurs, le ministère de la Santé et de l'Action sociale avait anticipé en commandant des équipements de cette nature. Dieu merci, ces équipements sont maintenant arrivés et ils sont en train d'être dispatchés vers les hôpitaux et centres de santé. A l'heure où je vous parle, le centre hospitalier national de Pikine a reçu son lot de couveuses, de même que Abass Ndao, Dalal Jamm et Thiès. Au-delà des couveuses, c'est tout l'environnement de la néonatologie qui est en train d'être renforcé. Il n'y a pas que des couveuses, il y a des lampes de photothérapies, des pousses-seringues pour nouveau-nés.
En réalité, au-delà des couveuses, c'est tout un ensemble d'équipements que le ministère est en train de mettre à la disposition des structures sanitaires pour répondre aux besoins en lits, en services de néonatologie de façon générale. Les douze couveuses qui sont à Dalal Jàmm ne prennent pas seulement les bébés dans cet hôpital. D'autres bébés qui sont nés dans d'autres structures hospitalières y sont également pris en charge.
Je précise que pour les bébés qui sont nés à Dalal Jàmm, l'hôpital a toujours les moyens de les prendre en charge. Nous sommes en train de nous ajuster pour une bonne prise en charge des bébés sur l'ensemble du territoire national. Dalal Jàmm est en train de faire en sorte que son service de néonatologie soit sécurisé et capable de prendre en charge les bébés qui lui sont référés.
L'accueil est souvent décrié par les patients et accompagnateurs dans beaucoup de structures sanitaires. Avez-vous reçu des récriminations de ce genre ?
Non ! Nous avons mis en place un service qui gère ce volet depuis le début des activités. Il est même externalisé. Nous avons constaté que, dans certains hôpitaux, le service dédié à l'accueil ne l'était que de nom. C'est pourquoi, nous avons tenu à ce que nos éléments en charge de l'accueil comprennent qu'ils ont pour rôle d'accueillir, informer, orienter et accompagner le malade.
Nous avons même un dispositif d'accueil de brancardage et d'aide destiné aux personnes à mobilité réduite pour leur faciliter les formalités administratives. Maintenant, il peut y arriver qu'un ou deux agents ne puissent pas répondre aux attentes d'un accompagnateur ou d'un malade sur dix mille passages. J'ai dit à mon personnel d'accueil et d'orientation qu »il y a deux choses sur lesquelles je ne badine pas. C'est l'accueil et l'hygiène. Par rapport au service d'accueil des urgences (Sau), même dans certains services d'hôpitaux très développés, ça râle trop. Ce qui veut dire qu'il y a des efforts à faire.
A ce propos, nous sommes dans un processus d'optimisation du Sau. La direction générale des établissements de Santé est en train de mener une politique pour dix structures hospitalières y compris le Samu pour l'optimisation des Sau avec la démarche ligne externe. C'est-à-dire, éviter les goulots d'étranglement au niveau des Sau. Que ces Sau soient assez fluides et que les patients soient traités en fonction de leurs besoins. Dalal Jàmm constituera une structure pilote. Nous avions même anticipé sur cette ligne externe (démarche qualité.
Beaucoup d'usagers épiloguent également sur la cherté des prestations. Ont-ils raison ?
Cherté des prestations à Dalal Jam ? Non, je ne le crois pas. Même si le tarif était fixé à 500 F, il y aurait toujours des gens qui ne seraient pas capables de payer. L'essentiel, c'est de mettre en place un dispositif qui permet à tout malade venu à l'hôpital d'être pris en charge, quel que soit son revenu. C'est ce que nous avons réussi à faire en appliquant des tarifs contenus dans l'arrêté de 2017 qui fixe les tarifs plafonds et les tarifs planchers. Il a été conjointement signé par le ministre de la santé et celui du commerce.
Nous avons aussi un service qui aide les patients démunis. L'année dernière, l'hôpital a pris en charge des patients pour une facture totale de 50 millions de FCfa. Cette année, rien qu'au premier trimestre, nous en sommes à 40 millions de FCfa de prise en charge sociale. En réalité, parlant d'accessibilité financière, l'hôpital ne doit pas seul, sentir cette insolvabilité du patient. Je pense que l'Etat, les bonnes volontés, les Collectivités territoriales dont sont issus ces cas sociaux doivent aussi tout faire pour les aider à se faire prendre en charge.
Ce qui est recherché, c'est l'équilibre entre les cas solvables et les insolvables que nous cherchons et non le profit comme le pensent certains. Pratiquement, toutes les recettes générées par l'hôpital sont destinées à des charges salariales, des charges de médicaments, de pharmacie et des charges hôtelières.
L'hôpital qui est implanté dans la banlieue fait partie des rares structures de santé qui disposent d'une radiothérapie. Est-ce que ce service ne déborde pas en permanence ?
Il y a eu une période de flottement. Les malades qui étaient suivis à l'hôpital Le Dantec nous ont été référés. Il y en avait même des patients qui avaient déjà payé avant qu'ils ne nous soient référés. Nous avons deux accélérateurs linéaires avec une longue liste d'attente qu'on a pu absorber progressivement. Ce sont des équipements très sensibles à l'intensité électrique.
Même si nous avons mis en place un dispositif de suppléance et de sécurité, des problèmes peuvent parfois arriver, par exemple une machine qui tombe en panne. Mais, nous prenons tout cela en compte. Nous avons signé un contrat de maintenance. La demande est très forte. Je précise que les patients que nous recevons ne sont pas tous d'ici.
D'autres nous viennent de l'intérieur du pays et même de la sous-région. Car, à part l'hôpital de Touba, il n'y a que Dalal Jàmm qui fait de la radiothérapie. L'hôpital ne réalise pas d'excédent, car la maintenance à elle seule coûte plus que ce que le service engrange comme recettes. L'hôpital public ne privilégie pas le profit, mais cherche à équilibrer ses comptes, car il a beaucoup de charges financières.
Le service produit plus qu'il ne reçoit en termes de recettes. Les malades du cancer font de la radiothérapie à très bas coût comparativement à ce qui se fait dans la sous-région. En 2018, le Président Macky Sall a fixé le tarif à 150.000 FCfa pour toutes les séances là où, ailleurs, le patient paie entre 700.000 et un million de FCfa.
On constate que l'hôpital se renforce en spécialités médicales. Y-a-t-il lieu de l'ériger en hôpital de niveau 4 ?
Dans les perspectives de la tutelle, il est prévu 2 à 3 hôpitaux de niveau 4. Dalal Jàmm est bien placé pour monter en puissance. Maintenant, nous ne faisons pas de fixation sur le niveau 4. L'hôpital a élaboré son projet d'établissement. Je fais allusion à la procréation médicalement assistée, à la greffe de moelle, à la neurochirurgie, à la chirurgie cardio-vasculaire. Tout cela constitue des éléments qui figurent dans le projet médical qu'il faut concrétiser.
On parle aujourd'hui de Spet Ct, de Gama caméra, de Pep scan, des équipements de traitement du cancer qu'on ne pensait pas avoir il y a cinq ans. Grâce au Chef de l'Etat, d'immenses efforts sont en train d'être faits en termes de relèvement du plateau médical. L'objectif visé en mettant en place l'hôpital Dalal Jàmm était de réduire les évacuations vers l'étranger.
Aujourd'hui, nous nous mettons dans cette dynamique. Nous sommes en train de renforcer le personnel et le plateau technique, de monter un bloc opératoire dernier cri. En gynécologie, on est en train de mettre en place un dispositif qui permet de surveiller toutes les femmes qui travaillent dans la salle d'accouchement. La dialyse fonctionne. Nous aurons un deuxième scanner. C'est dire qu'avec ce qui se faisait avant, il y a de belles perspectives qui s'offrent à l'hôpital Dalal Jàmm et à ses usagers.
Justement en termes de perspectives, qu'avez-vous en ligne de mire ?
Obtenir des équipements, c'est bien. Mais, avoir des gens très bien formés me semble important. C'est la raison pour laquelle, même dans les orientations qu'on a données à notre projet d'établissement, il y a la coopération internationale. Récemment, avec l'Ong Terre d'ophtalmo, nous avons lancé les interventions chirurgicales au niveau de l'ophtalmologie avec la technique de phacoémulsification.
Bientôt, d'autres techniques comme les parties molles extérieures vont être développées. Tout cela entre dans le cadre de la formation de notre personnel. Bientôt un de nos ophtalmologues va séjourner en France. Nous avons aussi signé un partenariat avec le centre hospitalier intercommunal Melan les Mureaux. C'est dans le domaine de la production de produits pharmaceutiques.
A l'heure où je vous parle, le président de la commission médicale d'établissement, qui est en même temps chef du service de la médecine interne, est mis en relation avec sa collègue qui s'occupe du même volet en France. Ils sont en train de travailler sur un projet. Un diplôme est en train d'être mis en place dans ce sens. Dans le cadre d'une prise en charge de la dialyse, nous avons aussi signé une convention avec la clinique Mgen (Mutuelle générale de l'enseignement général) avec l'établissement de soins de suite et de réadaptation.
En principe, au mois d'octobre, nous allons signer une autre convention avec l'hôpital François Quesnay en présence du maire de Mantes La Jolie. Là également, c'est sur deux domaines bien déterminés. A savoir, la gynécologie et l'ophtalmologie. Sans compter le partenariat que nous avons avec le Maroc. L'hôpital va très bientôt réceptionner un appareil d'angiographie pour compléter la gamme de prise en charge des malades au niveau de la cardiologie.
Où en êtes-vous avec le projet d'installation d'une unité de télémédecine ?
Le projet est en marche. Avec nos amis japonais, nous sommes en train d'installer cette unité de télémédecine de soins intensifs avec deux volets : un volet formation avec des anesthésistes-réanimateurs qui ont été formés pendant trois mois. Le second volet est relatif à la mise en place de containers médicalisés pour augmenter la capacité d'accueil au niveau de l'unité de réanimation.
Plus que des équipements, il nous faut un personnel bien formé et ensuite dénicher les bonnes pratiques ailleurs pour les intégrer. Dalal Jàmm continue sa marche vers l'excellence grâce à la confiance des autorités et du personnel. Le tout dans un environnement sain et propice aux soins.
Ce sont sur ces axes là que nous travaillons pour ne pas décevoir les populations. Il y a sept ans de cela, il n'y avait rien à Dalal Jàmm, avec seulement 14 agents. Aucun service ne fonctionnait normalement. Aujourd'hui, la structure a complètement changé pour le plus grand bonheur des usagers
Qu'est-ce qui a été déterminant dans la réalisation de ces performances ?
Bien entendu, il y a la détermination du personnel, l'engagement de la direction et l'appui des autorités, notamment, celui du Président de la République et du ministre de la Santé. C'est tout ce beau monde qui nous a permis de faire de ce géant aux pieds d'argile, un hôpital qui est en train de répondre aux aspirations des populations. Je ne dis pas que tout est rose.
Mais en regardant là d'où nous venons et là où nous sommes, je dis que nous avons réalisé de grosses performances. Il va falloir continuer dans cette lancée et faire de cet établissement un hôpital de référence reconnu au plan international. Ça commence déjà, car nous recevons des malades venant de l'étranger dans le traitement du cancer et pratiquement dans tous les autres services. Et les perspectives sont encore meilleures.