Madagascar: Économie agricole - Plus de trente millions d'hectares à exploiter

Grâce à sa vaste superficie, sa population majoritairement rurale, ses ressources naturelles et sa position géostratégique, Madagascar rassemble les atouts nécessaires pour construire une économie agricole florissante.

Les observateurs sont unanimes sur le fait que l'économie agricole de la Grande ile, qui représente près de 30% de son PIB actuellement, a un fort potentiel d'expansion. « L'émergence agricole de Madagascar a toutes les chances d'aboutir. Le pays a une importante population agricole, une source de main-d'oeuvre abondante et compétente, avec une longue tradition en agriculture, élevage et pêche. A l'image de la moyenne nationale, plus de la moitié de ces ruraux sont des actifs potentiels », rappelle Jean-Jacques Hubert, spécialiste en développement rural venu à Madagascar dans le cadre de la Foire internationale de l'agriculture (FIA).

En outre, au moins la moitié des 60 millions d'hectares de superficie totale de la Grande ile peuvent accueillir des activités agricoles potentiellement rentables et 18 millions d'hectares sont disponibles. Une superficie qui dépasse largement la masse terrestre de toutes les autres iles de la zone COI (Commission de l'océan Indien). C'est de ce constat que l'on a toujours soutenu que Madagascar doit être naturellement le grenier de l'océan Indien. Dans plusieurs régions du pays, une large gamme de produits tropicaux et tempérés est produite grâce à la diversité des conditions pédoclimatiques et à l'existence de ressources en eau pour l'irrigation et la production d'énergie (2 000 km de rivières).

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À l'heure actuelle, Madagascar produit entre 3 et 4 millions de tonnes de riz, soit plus que le reste des pays de la SADC combinés. Et malgré le fait qu'il n'arrive pas encore à satisfaire ses besoins, l'ile est classée troisième producteur rizicole en Afrique. Plus d'un million de tonnes de céréales et d'autres féculents (maïs, pomme de terre, manioc, légumineuses) et des dizaines de milliers de tonnes de fruits et légumes, avec l'une des gammes les plus larges dans le monde, des fèves tempérées, en passant par les pommes, poires et les baies de fruits tropicaux jusqu'aux divers types de piments, sont produites chaque année. Sans oublier les litchis (70% de part de marché ), la vanille (1er exportateur mondial), le café, le thé, le cacao, les épices et les huiles essentielles.

En outre, le pays dispose d'un cheptel évalué à 8 millions de bovins, plus de 3 millions d'ovins, caprins et porcins, et 30 millions de volailles. Des chiffres qui font qu'il est l'un des premiers pays d'Afrique en matière d'importance des troupeaux d'animaux d'élevage. Son expertise est également reconnue dans la préparation de la viande de canard/foie gras et les viandes exotiques (autruche, crocodile) ainsi que sa production de miel et divers autres produits apicoles.

Ses potentialités dans la pêche et l'aquaculture sont également très importantes avec une Zone économique exclusive couvrant 115 millions d'hectares et un vaste plateau continental d'environ 12 millions d'hectares, riche en ressources ichtyologiques. Ses 5 600 km de littoral, ses 300 000 hectares de mangroves, dont 50 000 hectares sont des tannes, et ses 30 000 hectares aménageables pour la crevetticulture, sont autant d'atouts pour attirer les investisseurs dans l'agribusiness et l'économie bleue. On pourrait aussi ajouter les 160 000 hectares de plans d'eau naturels favorables à la pisciculture en cage ou en enclos, les 150 000 hectares de rizières irriguées, dont 34 000 hectares propices à la rizipisciculture, et les 20 000 hectares de surfaces à bonne maîtrise d'eau aménageables en étangs.

Des productions à transformer

Malgré les terres exploitables, les dizaines d'années d'expériences agricoles et les multiples avantages, Madagascar n'est pas encore le pays où l'économie agricole est présentée en exemple. D'après les spécialistes, Madagascar doit pouvoir baser son secteur primaire sur l'agribusiness, un concept économique qui prend en compte l'ensemble des opérations impliquées dans la fabrication et la distribution de produits agricoles. On distingue des opérations de production, de stockage, de traitement, de distribution et de transformation de matières premières agricoles.

Ainsi, pour que Madagascar puisse faire de son secteur de l'agriculture l'un des principaux piliers de sa stratégie de croissance économique, il doit surmonter un certain nombre de lacunes, notamment sur le plan infrastructurel et au niveau de son tissu productif qui est encore loin de pouvoir répondre aux besoins énormes en matière de transformation des produits agricoles.

C'est dans ce cadre que le ministère en charge de l'Industrialisation, du commerce et de la consommation (MICC), dirigé par Edgard Razafindravahy, a lancé différentes initiatives. En effet, il n'est plus question de seulement cultiver, il faut aussi pouvoir transformer et répondre aux attentes du marché national et international. De leur côté, les opérateurs économiques ont déjà montré leur disposition à miser davantage sur ce secteur. Plusieurs entreprises ont ouvert la voie et sont parvenues à sortir leur épingle du jeu. Mais les enjeux sont si énormes qu'il faut au moins décupler les initiatives pour que les résultats puissent être ressentis au niveau de la croissance économique et du quotidien de la population.

Toutefois, Madagascar doit aussi avoir les moyens de ses ambitions. Les autorités doivent pouvoir directement ou indirectement mobiliser les ressources financières, qui se chiffrent à plusieurs milliards de dollars, pour transformer radicalement le monde agricole du pays. De nombreux projets, souvent appuyés par les bailleurs de fonds, ont déjà été mis en oeuvre à l'instar de la distribution de titres verts. Pour sa part, le MICC a partagé aux entreprises nationales sa volonté d'apporter un appui financier pour assurer le volet transformation du dispositif intégré à mettre en place.

On remarque, en outre, que la politique de l'État en matière de développement agricole et de transformation va vers le sens du consensus : « Si l'on veut que l'agriculture soit le principal secteur qui stimule la croissance économique, il faut aussi que les investissements aillent au-delà de l'amélioration de la productivité agricole et portent sur le développement de

l'agribusiness et des agro-industries », fait-on savoir. Cette approche va tirer des forces économiques, sociales et politiques positives qui accordent un nouvel élan à la croissance et au développement, à savoir le potentiel que représentent les marchés agroalimentaires nationaux, régionaux et internationaux, les possibilités de substitution des importations de produits alimentaires à forte valeur ajoutée.

Le pari de l'agribusiness

Si l'objectif à long terme est de faire de Madagascar une référence mondiale en matière de production et de transformation de denrées agricoles, à l'exemple du Brésil, l'autre combat, qui est plus urgent, est de miser sur l'agribusiness pour assurer la sécurité alimentaire. Si, pratiquement, toutes les régions de l'ile sont touchées par ce fléau, c'est le Sud de Madagascar qui est le plus durement frappé.

Selon le ministère de l'Agriculture et de l'élevage, des programmes d'envergure sont en cours dans différentes régions. Il s'agit, selon ce département, d'unir les forces afin de mettre en place une stratégie durable pour booster l'économie agricole et lutter contre l'insécurité alimentaire. Cette stratégie consiste à définir une matrice d'intervention en coordonnant les activités de développement des régions concernées avec celles des différents projets sous tutelle du ministère.

Il s'agit également de renforcer les bases productives et d'exploiter les filières de spécialisation de chaque région, selon le principe « One district, one product » à partir de la cartographie de potentialité qui sera élaborée par chaque région. À court terme, les deux ministères, avec les partenaires techniques, prévoient, par exemple, pour la région Androy, la mise en place d'une unité d'huilerie d'arachides, d'une unité de laiterie de lait de chèvre, d'une unité de transformation de manioc en Gari et en farine de manioc. Ils envisagent aussi la valorisation de fruits de cactus. Dans le volet sécurité alimentaire, un projet de banque alimentaire et de semence de mil et de sorgho a été lancé afin de subvenir aux besoins de la population durant les cycles de sécheresse.

Le grand projet d'aménagement agricole, mis en route par l'État qui concerne le périmètre du Bas-Mangoky. Il se réalise notamment dans le cadre d'un projet d'exploitation de près de 60 000 hectares de terrains, dans la région en vue de cultiver à grande échelle différentes spéculations.

Parmi les produits attendus, citons le riz,le maïs, le blé, le soja, l'arachide et le pois du cap.

Nombre de terrains concernés par ce programme qui contribuera à éliminer l'insécurité alimentaire dans le Sud, doivent encore être aménagés. Ce qui nécessitera des investissements conséquents. Mais le jeu en vaut la chandelle, si l'on se réfère aux prévisions de production annuelle de 350 000 tonnes pour le riz, de 200 000 tonnes pour le maïs et de 150 000 tonnes pour le blé au démarrage. Pour les autres spéculations, les prévisions de productions de soja, de pois du cap et d'arachide sont respectivement de 300 000 tonnes, 20 000 tonnes et 30 000 tonnes chaque année. A noter que le projet, qui programme une phase d'essai, estime que l'État s'engage à acheter la production à un prix abordable. La production alimentera le marché local afin de répondre à une demande en constante croissance et pour maitriser les prix. Le surplus de production sera, en revanche, écoulé sur le marché international.

Agriculture

Cap sur l'innovation

Développement de l'économie agricole doit aussi rimer avec innovation. Sur ce point, il est important de rattraper les retards accumulés ces derniers temps. On remarquera, cependant, que les

responsables sont bien conscients de cette nécessité. Pour preuve, le choix de promouvoir l'agrégation agricole en tant que pilier de la stratégie de développement de l'agribusiness. L'agrégation est une forme évoluée de l'agriculture contractuelle, déjà mise en pratique dans le pays, depuis plusieurs années. Le principe reste le même : les entreprises avancent les semences, les engrais et le matériel et encadrent les paysans. Il faut, cependant, constater que Madagascar doit encore déployer de gros efforts pour s'arrimer aux standards internationaux en matière d'agro-technologie. Sur ce point, la Grande ile souffre des mêmes lacunes que les autres pays du continent africain. Selon une enquête menée récemment par Heifer International, malgré un large éventail d'innovations agro-technologiques susceptibles de propulser les agriculteurs africains vers la rentabilité, seuls 23% des jeunes travaillant dans l'agriculture utilisent une forme quelconque de technologie agricole, révélant un manque de financement et de formation.

Le rapport fournit les témoignages de près de 30 000 jeunes africains et un suivi de centaines d'agriculteurs et d'organisations agricoles. Il souligne la nécessité de nouveaux investissements afin de promouvoir l'accès à des innovations susceptibles d'encourager les agriculteurs, notamment les jeunes désintéressés aujourd'hui par l'agriculture, à reconsidérer les opportunités offertes par la filière, compte tenu notamment de la nécessité de générer des emplois et de réparer les systèmes alimentaires, mis à mal par la pandémie et aggravés par le changement climatique.« Alors que le continent possède une jeune population florissante, le secteur agricole africain doit investir dans des innovations agro-technologiques et encourager les jeunes à lancer des initiatives liées à l'agriculture, essentielles pour la revitalisation du système alimentaire africain », constate Adesuwa Ifedi, vice-présidente principale des programmes africains chez Heifer International. « Mais comme le révèle ce rapport, l'Afrique ne fournit ni le financement ni la formation nécessaire pour s'assurer que ses jeunes aient un accès facile aux outils de haute technologie agricole qui transforment la production alimentaire dans le monde entier, notamment des drones, des capteurs de sol de précision et des services numériques aux agriculteurs. »

VERBATIM

Issa Sanogo, coordonnateur résident des Nations Unies à Madagascar

« Le développement de l'économie agricole doit tenir compte du concept de durabilité. Raison pour laquelle l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), par exemple, distribue dans les régions de Madagascar des semences résistantes à la sécheresse, des outils et une formation sur les pratiques agricoles intelligentes face au climat. L'intervention de la FAO vise notamment à renforcer la capacité des ménages vulnérables grâce à des pratiques agricoles durables. Outre cette initiative, cet organisme onusien a mis en place un système d'irrigation goutte à goutte à énergie solaire. »

Tahiana Razanamahefa,

directrice de la Communication et des relations publiques du groupe STOI

« Les entreprises ont besoin de cadre légal clair et attractif pour mieux contribuer au développement de l'économie agricole. C'est pour cela que nous saluons l'adoption de la loi sur l'agrégation agricole qui régit les conventions de partenariat entre l'agrégateur, qui est le secteur privé, et l'agrégé qui est le groupement de producteurs. Elle définit également les obligations de chaque partie. »

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