50 ans après avoir déclaré son indépendance, que reste-t-il en Guinée-Bissau du rêve de justice sociale et de développement économique d'Amilcar Cabral ?
La Guinée-Bissau célèbre, ce dimanche 24 septembre, le cinquantenaire de son indépendance, déclarée en 1973, après une guerre sanglante contre le Portugal. Une lutte pour l'indépendance menée par Amilcar Cabral, sans doute l'un des révolutionnaires les plus influents d'Afrique.
50 ans après, c'est toutefois la déception qui domine. Des habitants, témoins de la proclamation d'indépendance en 1973 et au micro de Deutsche Welle, se disent déçus du manque de progrès et de développement, de la faiblesse du filet social ou encore des retraites qui ne permettent pas de joindre les deux bouts. Les chiffres sont en effet sans appel : plus de 64 % de la population vit dans la pauvreté.
"Zéro développement"
Manuel Sequeira n'avait que 24 ans en 1973.
"Le gouvernement a rempli le programme minimum, à savoir l'indépendance, et nous avons notre hymne et nos symboles nationaux. Mais pour ce qui est du développement, c'est zéro. Nous n'avons pas atteint l'objectif fixé par Amilcar Cabral", se désole-t-il.
À 74 ans, Manuel Sequeira doit survivre avec une maigre pension qui, selon lui, ne qui permet pas de subvenir à ses besoins quotidiens. "Nous sommes dans une situation très difficile, même en ce qui concerne la pension. En ce moment, un ancien combattant de dernier rang reçoit 40 000 francs CFA [environ 60 euros]. Une personne qui a perdu un bras et une jambe et qui reçoit une telle somme, ce n'est pas possible", explique-t-il.
Quatre coups d'Etat militaires
La Guinée Bissau est marquée par des décennies de mauvaise gouvernance et de corruption.
Avant l'ancien président Jose Mario Vaz en 2019, aucun chef d'Etat élu n'avait réussi à terminer son mandat de cinq ans. Ses prédécesseurs ont soit été renversés par un coup d'Etat militaire soit assassinés.
Le pays a en effet subi quatre putschs depuis son indépendance. L'actuel président Umaro Sissoco Embalo a échappé à une tentative de renversement en 2022.
L'expert en sécurité Adib Saani attribue cette instabilité notamment à la faiblesse des institutions démocratiques. Selon lui, "de nombreux facteurs dans le pays n'encouragent pas la démocratie. La participation de la société civile à ce processus n'est pas aussi bonne qu'elle devrait l'être. Des cas d'abus à l'encontre de ceux qui s'expriment ont été enregistrés et bien documentés."
L'emprise des cartels de la drogue
Les élections législatives de juin dernier ont donné une lueur d'espoir au pays. Le scrutin a été salué par quelque 200 observateurs internationaux qui l'ont qualifié de "libre, transparent et calme".
Mais toute vision de paix et de stabilité reste largement suspendue à l'emprise des cartels de la drogue, qui constituent un obstacle majeur au développement du pays.
Selon l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime, la Guinée-Bissau est l'un des principaux points d'entrée de la cocaïne en provenance d'Amérique du Sud et à destination de l'Europe.
"La Guinée-Bissau est une destination majeure pour ces drogues et un point de transit pour le transport ou le trafic vers d'autres pays de la sous-région. Elle est donc devenue une capitale de la drogue et cela se ressent dans tous les aspects de la société de ce pays", résume Adib Saani.
Pour l'expert, "il est très difficile pour toute institution, qu'il s'agisse de la police, des organisations de défense des droits de l'Homme ou même d'Interpol, de poursuivre les trafiquants, qui sont très bien protégés par le régime".