Afrique: Discours du Burkina Faso, du Mali, de la Guinée à la tribune de l'ONU - Des vérités crues, mais pour quels résultats ?

24 Septembre 2023
analyse

Le ministre burkinabè de la Fonction publique et celui des Affaires étrangères du Mali se sont succédé samedi dernier à la tribune des Nations unies pour parler des grands sujets qui agitent le monde, et particulièrement leurs pays respectifs qui sont en guerre contre des groupes armés terroristes depuis une dizaine d'années.

Ils se sont servis de cette vitrine pour livrer de longs réquisitoires contre la communauté internationale, en dirigeant leurs diatribes à mots plus ou moins voilés contre la solidarité à géométrie variable de certaines puissances occidentales, promptes à soutenir militairement l'Ukraine en guerre contre la Russie, mais rechignant à leur livrer des armes qu'ils ont pourtant achetées à prix d'or pour "casser les couilles" des terroristes.

Avant même leur tour de parole, on savait que les discours de ces deux grandes gueules des gouvernements burkinabè et malien, allaient cristalliser les attentions, avec leur tonalité volontairement offensive pour ne pas dire provocatrice, à l'égard de tous ceux qui considèrent à tort ou à raison leur accession au pouvoir par des coups d'Etat, comme un véritable revers pour la dynamique démocratique enclenchée depuis le début des années 90.

Le salut des Etats africains et notamment du Sahel, réside dans la prise en main de leur destin

Le représentant du Burkina Faso, le ministre d'Etat Bassolma Bazié, a vertement critiqué « la haute hypocrisie diplomatique » dans les relations internationales, en prenant des exemples comme celui de la Libye qui a été désintégrée par les Occidentaux en 2011 et qui est aujourd'hui endeuillée par une catastrophe naturelle.

Bassolma Bazié a fustigé les sanglots crocodiliens et la solidarité de façade de ceux qui ont contribué à mettre la Libye à terre, et a taclé au passage le paternalisme rampant et sournois de la France qui considère toujours les pays francophones comme son arrière-cour, plus de soixante ans après les indépendances formelles.

Son ingérence nocive dans la vie politique de certains pays qui veulent s'affranchir de sa tutelle, et son indifférence pour ne pas dire son incurie vis-à-vis de ceux qui acceptent de rester sous son joug, ont fini de convaincre le truculent ministre burkinabè que le salut des Etats africains et notamment du Sahel, réside dans la prise en main de leur destin à travers des alliances comme celle signée récemment entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger.

Il a été rejoint dans cette rhétorique anti-française et anti-occidentale par le ministre des Affaires étrangères du Mali, Abdoulaye Diop, qui a pointé du doigt la responsabilité de la communauté internationale dans le désastre humanitaire qui se déroule au Mali, en raison de son laxisme ou même de sa complicité avec les groupes armés terroristes.

Les représentants du Burkina et du Mali n'ont pas eu de mots assez durs pour dénoncer la révocation du, représentant permanent du Niger auprès des Nations unies, qui devait prendre la parole au nom de son pays, en sa qualité de ministre des Affaires étrangères.

Comme pour faire écho aux mêmes récriminations, le gouvernement de transition nigérien a lui aussi volé dans les plumes du secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, dont la « perfidie » a empêché le ministre Bakary Yaou Sangaré de porter haut la voix du Niger.

Nos dirigeants doivent avoir la pleine conscience que nous sommes en partie responsables de nos problèmes

En clair, c'est une solidarité entre putschistes qui ont profité de ce rendez-vous annuel de l'Assemblée générale des Nations unies, pour se livrer à des opérations de charme et de relations publiques destinées principalement à leurs concitoyens qui les ont religieusement suivis pendant qu'ils prêchaient devant un parterre aux ¾ vide.

Le Mali, le Burkina et le Niger étant mis au ban de la communauté internationale depuis que les militaires ont fait irruption sur la scène politique dans ces trois pays, il était de bon ton, pour leurs représentants, de profiter de cette 78e session pour dire tout le mal qu'ils pensent des sanctions qui leur ont été imposées, alors que certains pays qui les condamnent sont loin d'être des parangons de la démocratie. Sur ce volet précisément, c'est un autre putschiste et président de la Guinée-Conakry, Mamadi Doumbouya en l'occurrence, qui a été le plus prolixe, en considérant la démocratie telle que pratiquée actuellement dans nos pays, comme inadaptée aux réalités africaines et que « ce modèle a surtout contribué à entretenir un système d'exploitation et de pillage de nos ressources par les autres et une corruption très active de nos élites ».

Le président guinéen, tout comme les ministres burkinabè et malien, a certes dit des vérités de manière crue et drue, mais pour quels résultats tangibles ou pour quels impacts sur la situation politique et économique de leurs pays respectifs, et sur la conduite du monde par les puissances occidentales ?

On peut légitimement se demander en effet s'ils n'ont pas « dja foul » à la tribune de l'ONU pour pas grand-chose, dans une salle clairsemée. D'autant que certains observateurs et analystes estiment que les discours qu'ils y ont psalmodiés, cachent mal aussi et surtout, des velléités de conservation du pouvoir, envers et contre tout.

Il est trop facile de croire à Jean Paul Sartre, quand il dit que l'enfer c'est les autres, mais nos dirigeants doivent avoir la pleine conscience que nous sommes aussi, en partie, responsables de nos problèmes internes.

Quant aux Occidentaux et autres, ils peuvent toujours continuer à surfer sur notre incapacité congénitale à nous remettre en cause et à changer radicalement de cap, pour continuer à nous exploiter et à nous instrumentaliser à leur guise.

Et ce n'est surtout pas l'ONU, ce « machin » qui n'a plus de pouvoir réel depuis qu'elle a été paralysée par la Russie après le déclenchement de la guerre entre cette dernière et l'Ukraine, qui viendra nous aider à mettre fin à la kyrielle de problèmes qui minent certains pays africains, notamment ceux pour qui le coup d'Etat est désormais une alternative salutaire à la démocratie occidentale et à ses effets pervers.

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