Tunisie: Bizerte - Forum Mondial de la Mer - Du réchauffement climatique à l'ère de « l'ébullition »

24 Septembre 2023

La Méditerranée est une région complexe où convergent de nombreux défis géopolitiques, économiques, environnementaux et sociaux.

Cette complexité contribue à l'idée que la Méditerranée est une « mer en ébullition », car elle est le théâtre de multiples dynamiques et enjeux qui nécessitent une gestion et une coopération internationales pour assurer la stabilité et la prospérité de la région.

C'est à partir de ce constat alarmant qu'une quarantaine d'experts, membres du « think tank » de prospective « Océan 2050 », se sont réunis le 22 septembre à Bizerte, dans le cadre de la 6e édition du Forum mondial de la Mer-Bizerte pour analyser ce phénomène, tenu cette année sur le thème « Océan et Méditerranée : à l'ère de l'ébullition ? ».

L'événement, qui a été marqué par la présence de la ministre de l'Environnement, Leila Chikhaoui Mahdaoui, et de l'ambassadrice de France en Tunisie, Anne Guéguen, était aussi l'occasion pour expliquer pourquoi la Méditerranée est perçue de cette manière et pourquoi elle est devenue le hot spot de la crise climatique.

Une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre s'impose

En juillet 2023, le Secrétaire général de l'Organisation des Nations unies, António Guterres, a annoncé que l'humanité est entrée dans l'«ère de l'ébullition» climatique, une urgence sans égale, qui menace notre planète et particulièrement l'océan.

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Ceci est encore vrai à l'heure où les conséquences du changement climatique constatées, aujourd'hui, telles que la hausse de l'acidité, le réchauffement de l'eau ou le ralentissement de la circulation thermo-haline, risquent de s'accroître dans les décennies à venir.

« Alors que l'été 2023 a participé à une prise de conscience des effets du changement climatique -- malheureusement tardive--, la science ne peut plus être considérée comme une opinion.

Pour ce faire, nous appelons à reconsidérer le rôle des scientifiques dans la société et notamment à mettre en oeuvre et en urgence des solutions fondées sur la science...

Des efforts de conservation et de restauration de la biodiversité seront peu efficaces s'ils ne sont pas précédés et accompagnés par une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre.

Et dans cette lutte pour l'atténuation et l'adaptation au changement climatique, l'océan incarne à la fois le plus grand écosystème menacé de la planète », a indiqué Amel Hamza-Chaffai, spécialiste de l'éco-toxicologie marine.

Face à cette situation inquiétante, Hamza-Chaffai a affirmé que l'intérêt devrait être accordé à une collaboration entre le Sud et le Nord, étant donné que le contexte changeant de nouvelles réalités climatiques requiert des innovations et de nouvelles pratiques dans le domaine de la recherche.

Par conséquent, l'adaptation de la pratique des méthodes de recherche scientifiques aux nouvelles réalités climatiques implique une transformation des paradigmes éducatifs.

« Le progrès scientifique ne peut s'accomplir sans une nouvelle génération de décideurs, formés pour relever ce genre de défis climatiques et environnementaux actuels... Le grand public doit également être informé, éduqué et aussi réconcilié avec la mer sur les enjeux climatiques et marins à travers le concept d'alpha-globalisme pour contribuer à l'existence d'un océan durable en 2050 », a-t-elle encore souligné.

Croiser les regards entre les deux rives de la Méditerranée

Pour sa part, l'ambassadrice de France en Tunisie, Anne Guéguen, qui est intervenue à la clôture des travaux de ce forum, a indiqué que cette rencontre est devenue un rendez-vous annuel attendu pour des échanges utiles entre des acteurs certes différents, mais complémentaires qui se sont mobilisés pour la préservation et la prospérité de notre mer commune.

« Il n'y a pas d'autres voies pour faire face à ce défi majeur que de combiner les outils de la recherche scientifique, ceux de la diplomatie, du droit international, de la technologie, de la société civile et de l'entrepreneuriat.

Pas d'autres voies non plus que de croiser les regards et les analyses entre les deux rives de la Méditerranée pour élaborer et mettre en place des diagnostics partagés et construire, par la suite, des solutions communes...

Cette présence témoigne, également, de la détermination de la France dans cette lutte contre le changement climatique et pour la préservation de la biodiversité qui passent essentiellement par la préservation des océans...

Malheureusement, la Méditerranée se trouve, aujourd'hui, au coeur de l'actualité pour des événements beaucoup plus tragiques, à l'instar du sort des migrants, les catastrophes naturelles qui se multiplient... », a-t-elle dévoilé.

Dans le même sillage, l'ambassadrice a rappelé que la mer Méditerranée est très malmenée avec le changement climatique, la pollution -- en particulier la pollution plastique--, l'urbanisation qui menace son écosystème et ses répercussions négatives sur la biodiversité et la santé des populations des deux rives.

À ce tableau noir s'ajoute le problème de stress hydrique, une préoccupation et une menace commune et croissante pour le Sud et l'Est de la Méditerranée, à l'heure où au moins 200 millions de personnes souffrent, aujourd'hui, d'un manque d'eau dans ce bassin.

« En se tournant vers l'horizon 2050, il y a des projections qui nous disent que le rendement des cultures pourrait chuter de 17% et que près de 20% des espèces marines exploitées pourraient disparaître. Face à ces évolutions et à cette ébullition, tout le monde doit se mobiliser pour la Méditerranée, et plus largement pour les océans sur les plans scientifique, du développement durable et de la diplomatie. Ensemble, nous pouvons faire la différence et créer un avenir plus durable pour notre mer méditerranée », a-t-elle encore précisé.

L'arrivée de « Super Labib »

Prenant ensuite la parole, la ministre de l'Environnement, Leila Chikhaoui Mahdaoui, n'a pas manqué de rappeler que depuis les années 1990, la Tunisie est partie prenante dans tous les accords environnementaux multilatéraux pour contribuer à la durabilité de notre Méditerranée, malgré l'existence de nombreux problèmes environnementaux internes sur lesquels son département, avec toutes les parties concernées, travaille au quotidien.

« On avance certes, mais à quel prix et au prix de quel sacrifice ? C'est principalement à cette question que nous devons répondre. L'année 2023 a été placée sur le thème de la lutte contre la pollution par le plastique, mais la bataille est de longue haleine et beaucoup reste à faire dans ce sens-là », a-t-elle indiqué.

La ministre est, également, revenue sur la mascotte de l'environnement « Labib », le fennec du sud tunisien qui était le héros de programmes de sensibilisation aux questions environnementales durant les années 1990 et 2000.

Dans ce cadre, elle a annoncé que son département est en train de préparer, non pas le retour de l'ancien « Labib », mais l'arrivée du « Super Labib » pour la protection de l'environnement et la lutte contre les sources de pollution.

« Avec un constat alarmant, on pense qu'il nous faut, aujourd'hui, au moins un « Super Labib » pour la Tunisie et pour le monde entier... Ce qui nous manque partout dans le monde, ce ne sont pas les diagnostics ni les solutions. Mais, certes, les moyens financiers destinés aux questions climatiques assez complexes. Nous avons beaucoup de mal à bénéficier de cet argent alors que nous sommes classés parmi les pays les plus vulnérables au changement climatique.

Autre difficulté à laquelle nous devons faire face, c'est la modification de nos comportements et de nos mentalités lorsqu'il s'agit de pratiques sur le terrain. Il est vrai que nous sommes tous contre les déchets plastiques, mais ce matériau nous envahit dans notre quotidien.

Nous avons aussi beaucoup de mal à nous débarrasser des voitures individuelles ou de la climatisation. Nous peinons à changer nos modes de construction alors que ce changement est vital », a-t-elle accentué.

Pour conclure, la ministre a annoncé que son département prépare l'organisation, les 2 et 3 octobre prochain, du forum arabo-africain sur la réduction et la lutte contre les catastrophes via le recours à la science et à la technologie.

« Ceci pour dire que nous sommes entièrement dans la mouvance du recours à la science, sans oublier les solutions fondées sur la nature et surtout en comptant sur le capital humain, le seul qui puisse nous permettre d'avancer. Sur un autre plan, nous sommes aussi engagés dans la formation d'éco-conseillers municipaux, puisqu'il faut agir à l'échelle locale, d'une action qui vise à atteindre les objectifs de développement durable et l'atténuation des effets du changement climatique ainsi que le maintien de la température à des niveaux acceptables, aussi bien pour nous que pour les générations futures ».

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