Burkina Faso: 78e Assemblée générale de l'ONU - Bassolma Bazié dit ses « gbè » aux « Blancs »

Il l'avait promis, il l'a fait : « Nous allons incessamment aller au niveau international. Parce que quand on parle au Burkina, on croit que c'est parce qu'on est assis dans notre propre quartier qu'on parle. Nous allons porter la voix du président du pays en son nom. On va aller dans leur propre terroir, aux Etats-Unis et en Europe. On va leur dire ça face à face. »

A la 78e Assemblée générale de l'ONU, Bassolma Bazié, le ministre d'Etat, ministre de la Fonction publique, du Travail et de la Protection sociale, a fait revivre le président Thomas Sankara, président du Conseil national de la révolution, d'août 1983 à octobre 1987. En effet, son discours à la tribune des Nations unies samedi dernier, véritable élégie aux héros des luttes anticoloniales et pour une véritable émancipation des pays africains et des peuples noirs, n'est pas sans rappeler celui de Thomas Sankara, 39 ans plus tôt à la même tribune. De fait, bien applaudi à la fin d'une allocution bien documentée, bien déclamée, l'ancien leader syndicaliste, en passe de réussir sa reconversion en homme d'Etat au franc parler dérangeant, a porté haut le message présidentiel, au nom du peuple burkinabè.

A analyser cette allocution, on se rend bien compte que le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), version Ibrahim Traoré, a vraiment mis le cap vers la rupture d'avec la politique de la vassalisation diplomatique du Burkina. Celle qui consiste à ne pas déplacer les virgules, même quand elles sont mal placées, rendant inaudibles les différences politiques, philosophiques et morales ou les divergences d'intérêts économiques et géostratégiques. Bassolma Bazié, à la suite du capitaine Ibrahim Traoré, à l'ouverture du dernier sommet Russie/Afrique, a confirmé le « Burkina is back » au front de l'offensive des panafricanistes qui ne veulent plus s'en laisser compter « dans un monde sens dessus-dessous, (avec) des cadavres (qui) jonchent les plages où des milliardaires se prélassent ». Une telle situation interpelle « l'ONU (qui) doit assumer ses fonctions ...conformément aux principes de la Charte... avec le courage de lutter contre les inégalités », a asséné Bassolma Bazié citant à la fois, Antonio Guterres le secrétaire général de l'ONU, Joe Biden, le président américain, et Inacio Da Silva, le président brésilien, qui l'ont précédé à la tribune de cette Assemblée générale de l'organisation mondiale.

Le porte-parole du Burkina aurait voulu indiquer qu'il ne donne pas dans le verbiage panafricaniste, en dénonçant les injustices et les iniquités du monde actuel qu'il ne s'y prendrait pas autrement qu'en prenant aux mots l'administrateur en chef des Nations unies et le chef de l'exécutif de la première puissance mondiale. Même si le ministre Bassolma Bazié a trouvé chaussure à son pied avec un discours à la tonalité contestatrice, accusatrice, revendicative au nom des peuples du Sahel, particulièrement ceux du Burkina, du Mali et du Niger et plus généralement au nom de ceux du Sud Global, il n'a pas « fantasmé » des poncifs de l'« alliance baroque entre les prétendus panafricanistes et les néo-impérialistes », pour reprendre des termes d'Emmanuel Macron. Non, il a dit les « gbè », traduisez « vérités crues », du gouvernement burkinabè aux « Blancs », pris ici dans le sens de forces exploiteuses, asservissantes des populations africaines. Du reste la Guinée, le Togo, le Mali, la Centrafrique ont délivré à cette tribune des discours au contenu similaire.

Mais pour rester sur le cas du Burkina, le message de son porte-parole est un écho retentissant du raz-le-bol des déplacés internes, des forces de défense et de sécurité, des volontaires pour la défense de la patrie qui, dans le pays souffrent le plus le martyre d'un Sahel déstabilisé depuis 10 longues années, sous le regard insuffisamment compatissant des puissances occidentales.

Au demeurant, ce n'est pas un fait du hasard, si à défaut du président de la Transition en personne, ce n'est ni son Premier ministre, ni son ministre des Affaires étrangères qui a porté la voix du Burkina, mais plutôt Bassolma Bazié. L'homme est habitué à haranguer les foules avec le verbe haut. Ce samedi, dans le mythique palais de verre de New York, il a comme touché le Graal de porte-voix des sans voix des travailleurs et des peuples opprimés. Il peut donc souffler, respirer, être soulagé... si et seulement si après le fort claquement des mots suit l'éclat des actes politiques. Car hélas, l'histoire du Burkina nous enseigne que cela n'est pas gagné d'avance. Bien de tigres dans nos savanes, ont beaucoup proclamé leur tigritude mais tué si peu de proies. Au capitaine Traoré et au MPSR II de nous démentir !

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