Les messages d'alerte sur un possible effondrement du tunnel de Soumbédioune ont fait le tour des chaumières, hier. Sur place, les agents envoyés par l'Agence des travaux et gestion des routes ont entrepris des travaux de nettoiement du haut du tunnel bouché par des ordures et des épaves de pirogues.
La brise marine et l'odeur du poisson titillent les narines à quelques mètres de la baie de Soumbédioune. Ce lieu est réputé être un quai de pêche où vendeurs et clients trouvent leurs comptes. De la dorade au rouget en passant par les huitres, crevettes, l'endroit est un carrefour de produits halieutiques.
Il est 15h, difficile de croiser du monde. Seuls quelques vendeurs et les pirogues chatoyantes campent le décor. Les activités économiques débutent à 17h. Entre deux promenades sur la plage, les acheteurs peuvent acquérir des poissons et autres fruits de mer. Mais l'heure est à la pause chez les commerçants. Assis à l'ombre de tables de fortune, ils se reposent après une journée de travail. Cependant, ce calme apparent n'est pas la seule chose qui interpelle le visiteur. L'insalubrité qui règne sur ce lieu de commerce aurait assommé tout acteur écolo.
Les commerçants cohabitent avec la saleté. Des écailles de poissons, des coquillages, des vers de terre jonchent le sol. Ici, il est difficile de circuler sans risquer de marcher sur une flaque d'eau verdâtre. Une odeur âcre pollue l'atmosphère. Il faut avoir l'estomac bien accroché pour traverser ce corridor de pollution. Une situation qui ne semble guère ébranler les riverains. L'habitude est une seconde nature !
Le haut du tunnel situé au carrefour de Soumbédioune n'est pas mieux loti. Cet ouvrage qui fait 300 m de long a été construit à la corniche Ouest pour permettre aux automobilistes d'éviter le carrefour de Soumbédioune, le petit village de pêcheurs. Cette infrastructure a subi les secousses du temps avec des fissures à vue d'oeil. L'eau suinte à travers le pont et ces gouttelettes ont laissé des traces d'humidité sur les murs.
Le haut du tunnel est également devenu un réceptacle d'ordures. Pirogues à l'abandon, sachets en plastique ou encore ferrailles, le décor est peu reluisant.
« Ce n'est pas normal que ce tunnel soit obstrué par les ordures. L'eau de pluie passe par cette voie », théorise Djiby Gueye, habitant de ce village de pêcheur. Ce technicien de surface affirme mordicus que ces fissures sont liées à l'insalubrité.
La thèse de l'insalubrité comme cause des fissures ne tient pas la route selon l'un des prestataires déployés sur place par l'Ageroute. « Cela n'est pas plausible sinon nous aurions retrouvé des flaques d'eau après nettoyage », explique ce dernier, sous couvert de l'anonymat. Ces travailleurs ont déployé une pelleteuse afin d'enlever des ordures du haut du tunnel. En l'espace de quelques heures, le véhicule ne tarde pas à se remplir d'ordures. Des sachets en plastique en passant par les bouteilles et autres pneus usagés, la collecte de déchets est impressionnante.
Cheikh Tidiane Thiam, ingénieur chef de la division ouvrages d'art de Ageroute
« Ce suintement, d'après les investigations, vient de l'occupation anarchique du dessus tunnel »
Des fissures et de l'eau qui suinte ont été constatées au tunnel de Soumbédioune. Quelle en est la cause ?
De l'eau a toujours suinté sur les parois du tunnel de Soumbédioune à l'image de beaucoup de tunnels dans le monde, ce qui est loin d'être une aberration tant que cela reste dans les tolérances normatives. La seule surprise notée cette fois est le suintement de l'eau depuis la dalle de couverture du tunnel, ce qui est anormal pour cette partie du tunnel.
Ce suintement, d'après les investigations menées, vient de l'occupation anarchique au-dessus du tunnel avec des vendeurs de poissons, réparateurs de pirogues, restaurateurs et éleveurs qui ne cessent de déverser toutes sortes d'eaux sur l'ouvrage.
En plus de cela, le tunnel comporte un niveau supérieur fermé des deux côtés avec des rampes. La partie supérieure, pour ce qui est de ses entrées, est encombrée d'ordures et de matériels déposés par les piroguiers qui s'en servent comme magasin. Le problème vient particulièrement de ce niveau car, avec tout ce qui y est déposé, les exutoires des eaux de pluie sont bouchés et l'eau stagnante a fini par percoler et suinter en dessous, entraînant un début de fissuration en partie basse avec des éclats d'enrobage laissant apparaître ponctuellement des armatures.
Comment avez-vous géré la situation à votre niveau ?
Une visite a été effectuée jeudi nuit, à 23h, avec le Gouverneur de Dakar et le Secrétaire général du ministère des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement et de l'Ageroute pour s'enquérir de la situation. Dans la foulée, ce vendredi (hier, Ndlr), une équipe technique de l'Ageroute, accompagnée par le bureau de contrôle technique Apave et Vicas, la société qui assure la gestion et l'entretien du tunnel, ont fait un état des lieux.
Quelles sont les dispositions prises ?
Toutes les occupations sur le tunnel devront être déguerpies pour daller la partie supérieure du tunnel afin d'améliorer son imperméabilité. Le niveau supérieur a été nettoyé et les eaux stagnantes pompées avec un camion hydrocureur. Les deux accès du niveau supérieur ont été dégagés et les évacuations des eaux vont être nettoyées dans la foulée et éventuellement être améliorées pour que pareille situation ne se reproduise. L'entreprise Cde qui avait réalisé le tunnel est mobilisée par l'Ageroute afin de faire les vérifications et une éventuelle opération de mise en sécurité de l'intérieur du tunnel si c'est jugé nécessaire. Dans le moyen terme, une opération de réhabilitation lourde du tunnel (abus de langage) mais techniquement appelée une tranchée couverte, sera effectuée pour renforcer sa durabilité et sa pérennité. Nous en appelons encore une fois au bon sens des usagers et du devoir civique de tous les Sénégalais pour la préservation de l'intérêt général car les activités notées sur le tunnel ne sauraient être maintenues sans entamer la stabilité de l'ouvrage.