Il y va de la sécurité des habitants des zones à haut risque sismique
Le séisme qui a secoué le Maroc dans la nuit du vendredi 9 septembre a été une douloureuse piqûre de rappel de la vulnérabilité de certaines constructions aux tremblements de terre.
En effet, les séismes ne sont pas directement liés aux décès de milliers de gens mais ce sont plutôt les bâtiments non conformes aux normes de réglementation sismique qui constituent une menace mortelle. «Les bâtiments dépourvus de réglementation et de soutien structurel sont des tueurs potentiels dans les zones à haut risque sismique», explique José A. Peláez, professeur de géophysique qui a mené des recherches sur l'activité sismique au Maroc.
«Au fur et à mesure que l'on en apprend davantage sur la géologie des tremblements de terre et sur leur impact sur les bâtiments, les codes de construction doivent être mis à jour régulièrement.
C'est le meilleur moyen de se protéger contre ces phénomènes catastrophiques.
Les responsables de l'aménagement du territoire doivent le savoir et en tenir compte», explique-t-il dans un article publié sur «TheConversation.com», plateforme dédiée à la diffusion de recherches et d'opinions d'académiques.
Le Maroc n'avait pas connu de séisme aussi meurtrier depuis soixante ans.
C'est notamment dû au type de constructions qu'on trouve dans la région du Haut-Atlas où s'est situé l'épicentre.
Ces bâtiments ont été construits selon des techniques traditionnelles comme le pisé ou l'adobe, et n'ont pas été renforcés depuis.
Ces techniques n'utilisent quasiment que des matériaux locaux, qu'on peut trouver facilement.
De plus, les maisons en pisé ou en adobe sont très bien isolées thermiquement, protégeant les habitants de la chaleur en été comme du froid en hiver.
Mais en cas de séisme, ces bâtiments s'effondrent comme un château de cartes.
Pour Said Belkacem, ingénieur BTP franco-marocain, «dans les zones à haut risque sismique, la sécurité des habitants dépend largement de la qualité de la construction et de la mise en place de réglementations strictes». «Cependant, explique-t-il, avoir des réglementations sismiques en place ne suffit pas.
L'application stricte de ces normes est tout aussi cruciale». «Malheureusement, dans de nombreuses régions du Maroc, le respect de ces réglementations reste insuffisant.
Des facteurs tels que la corruption, le manque de sensibilisation et de contrôles adéquats peuvent entraîner la construction de bâtiments non conformes», précise le spécialiste.
Selon lui, «la première étape cruciale pour atténuer l'impact des tremblements de terre consiste à comprendre les risques sismiques qui menacent une région donnée.
Cela implique de mener des études approfondies pour évaluer la probabilité et l'intensité des secousses sismiques qui peuvent se produire».
«Ces études prennent en compte divers facteurs, tels que les caractéristiques du sol, la propagation des ondes sismiques et l'amplification du mouvement du sol lors d'un séisme», nous explique-t-il, avant de citer des modèles qui ont bel et bien démontré leur succès : «dans des régions du monde exposées aux tremblements de terre, comme le Japon et la Californie, les réglementations strictes en matière de construction ont fait leurs preuves.
Ces zones ont réussi à minimiser les pertes en vies humaines et les dommages matériels grâce à des codes de construction sévères et à des technologies de pointe.
Par exemple, les bâtiments japonais sont conçus pour absorber les secousses et sont équipés de systèmes d'alerte précoce pour permettre aux gens de se mettre à l'abri en cas de tremblement de terre imminent».
Pour le cofondateur de l'ONG Architectes de l'urgence, Patrick Coulombel, «la région du Maroc où a eu lieu le séisme est bien une zone sismique identifiée mais les tremblements de terre y sont rares». «La population a donc tendance à oublier ce risque.
Et les constructions ne sont pas adaptées», précise-t-il dans une déclaration à nos confrères de Franceinfo. «Pour le faire, il faudrait d'abord renforcer les maisons en pisé ou en adobe à l'aide d'ossatures en bois, en acier ou même en ciment.
Une technique qu'«Architectes de l'urgence » a utilisé au Pakistan notamment, après le séisme de 2005. Autre mesure de sécurité : identifier les zones de failles sismiques, visibles grâce à des fissures, des craquellements du sol et interdire la construction de bâtiments à moins d'une centaine de mètres de ces zones», souligne-t-il.
Il est donc évident que la combinaison d'études fiables sur les risques sismiques et de codes de construction adaptés est le moyen le plus efficace de faire face aux répercussions des tremblements de terre.
Cela nécessite une collaboration étroite entre les scientifiques, les ingénieurs et les gouvernements pour garantir un avenir plus résistant aux séismes. Notre sécurité en dépend.