Les relations entre la région et l'Occident dont l'Union européenne (UE) semblent être refroidies depuis que les militaires sont arrivés au pouvoir au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Devant cet état de chose, le président de la commission de l'UE, Josep Borell, pense que l'organisation qu'il dirige devrait « réévaluer » ses stratégies, son approche, ses politiques et ses attentes au Sahel où l'Europe et les Etats-Unis veulent toujours apporter leurs appuis aux questions de sécurité.
Dans le but de réchauffer les relations entre UE/Sahel, les dirigeants européens cherchent les voies et moyens nécessaires pour y parvenir. Les ministres européens des Affaires étrangères se sont penchés sur le sujet le 19 septembre, lors de leur rencontre à New York, aux Etats-Unis. Ils se sont au finish mis d'accord sur un point : la nécessité d'une « nouvelle approche » dans un environnement « bien plus complexe », selon le chef de la diplomatie de l'UE, Josep Borrell. « Nous avons insisté sur l'idée que nous devons avoir des solutions africaines à des problèmes africains », a-t-il rappelé, en référence aux conclusions de cette réunion ministérielle.
Josep Borrell a reconnu qu'en dépit des centaines de millions d'euros dépensés au Sahel, les Européens ont échoué à renforcer la démocratie dans cette région, victime d'une série de coups d'Etat militaires. Il a fait cette remarque en tenant compte de ce qu'au cours des dix dernières années, l'UE a dépensé 600 millions d'euros dans des missions civiles et militaires au Sahel, entraîné quelque 30.000 membres des forces de sécurité au Mali et au Niger, et 18.000 effectifs militaires. « Cela n'a pas servi à consolider des forces armées qui soutiennent le gouvernement démocratique, mais plutôt des forces armées qui les renversent », a-t-il déploré.
Pour le président français, dont le pays a toujours fait de la sécurité au Sahel l'une de ses préoccupations, les interventions militaires européennes dans la région avaient été « des succès », malgré la détérioration des relations avec le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Parlant particulièrement des forces françaises, il a dit : « Si l'on prend de la hauteur, la France a eu raison de s'engager au côté d'États africains pour lutter contre le terrorisme. C'est son honneur et sa responsabilité. Si nous ne nous étions pas engagés avec les opérations Serval puis Barkhane, il n'y aurait, sans doute, plus de Mali, plus de Burkina Faso, je ne suis même pas sûr qu'il y aurait encore le Niger ». Emmanuel Macron s'exprimait dans cet entretien à l'hebdomadaire Le Point.
Une remise en cause de l'ordre international
« Ces interventions françaises, à la demande des États africains, ont été des succès. Elles ont empêché la création de califats à quelques milliers de kilomètres de nos frontières. Il y a, certes, une crise politique dans beaucoup de pays d'Afrique de l'Ouest. Et quand il y a un coup d'État et que la priorité des nouveaux régimes n'est pas de lutter contre le terrorisme, la France n'a pas vocation à rester engagée. C'est, il est vrai, dramatique pour les États concernés », a poursuivi le chef de l'Etat français.
Emmanuel Macron a rappelé la politique de la France pour l'Afrique en général et le Sahel en particulier qu'il porte depuis 2017. « Je crois dans une politique partenariale où la France défend ses intérêts et appuie l'Afrique à réussir. C'est un réel partenariat et pas un condominium sécuritaire », a-t-il assuré, ajoutant que l'objectif est « de sortir de la logique sécuritaire ».
Appuyant son propos sur le coup d'Etat au Niger, le troisième pays du Sahel à devoir y faire face après le Burkina et le Mali, où les militaires au pouvoir ne veulent plus de la présence des forces internationales, Emmanuel Macron en a appelé au sens de responsabilité des Européens. Le contexte international « se complique et fait courir le risque d'un affaiblissement de l'Occident et plus particulièrement de notre Europe », a-t-il averti dans une adresse aux ambassadeurs de France, évoquant l'émergence de nouvelles puissances.
« Il y a une remise en cause progressive de notre ordre international dans lequel l'Occident avait une place prépondérante », a souligné le président français, tout en se refusant au pessimisme. « Ni paternalisme, ni faiblesse, parce que sinon on n'est plus nulle part », a lancé Emmanuel Macron, alors que Paris est confronté à une remise en cause de sa politique en Afrique.