Après deux mois d'un bras de fer qui n'en finissait pas de pourrir les relations diplomatiques entre Paris et les tombeurs de Mohamed Bazoum à Niamey, le président français, Emmanuel Macron, a annoncé, le 24 septembre dernier, le rappel de son ambassadeur au Niger ainsi que le retrait des soldats français basés dans ce pays. Lesquels militaires tricolores « vont rentrer de manière ordonnée dans les semaines et les mois qui viennent ».
Une volte-face du numéro un français qui en a surpris plus d'un quand on voit l'intransigeance de Paris qui ne cessait de remettre en cause la légitimité des putschistes du 26 juillet dernier, qui portaient les exigences d'un tel retrait après avoir dénoncé les accords de coopération de défense entre les deux pays. Dans la foulée, le patron de l'Elysée a déclaré la « fin de la coopération militaire avec les autorités de fait du Niger...». La question qui se pose est de savoir si avec cette décision de Paris, on va vers une décrispation voire une décantation de la situation au Niger où la trajectoire de la transition manque encore de lisibilité.
Ce départ exigé des troupes françaises du Niger, est un défi majeur pour la junte militaire
Tant entre l'option militaire envisagée par la CEDEAO et celle diplomatique, le scénario de sortie de crise peine encore à se dessiner clairement. Toujours est-il que c'est une déclaration de l'Elysée qui a été accueillie à Niamey dans l'euphorie populaire et l'enthousiasme de la junte militaire qui crie victoire et voit dans ce retrait des soldats français, un pas supplémentaire vers la souveraineté du Niger. Ce qui est somme toute une bonne chose pour tout pays décidé à prendre résolument son destin en main.
La question qui se pose est de savoir si le Général Abdourahamane Tchiani et ses frères d'armes seront à la hauteur de la souveraineté réclamée. Car, bien plus que d'éconduire Pierre aujourd'hui pour mieux dérouler le tapis rouge à Paul demain, la souveraineté d'un pays a des exigences qui ne se marchandent pas. C'est pourquoi, en restant logiques avec eux-mêmes, les militaires nigériens devraient travailler, au-delà de la France, à s'affranchir de toutes les autres tutelles militaires qui paraissent comme autant d'instruments d'assujettissement ou de vassalisation de nos Etats à des puissances extérieures.
Et puis, dans ce contexte de lutte acharnée contre le terrorisme au Sahel, ce départ exigé des troupes françaises du Niger, est un défi majeur pour la junte militaire qui devra désormais s'assumer entièrement. Toujours est-il que c'est par ces genres d'actes forts et d'affirmation de soi, que passe aussi la souveraineté d'un pays. Mais cela appelle aussi à beaucoup d'engagement et de responsabilités de la part de la junte militaire vis-à-vis du peuple nigérien. Autant dire qu'en se démarquant de ses partenaires occidentaux, et singulièrement la France, le Niger doit absolument trouver sa voie.
C'est à un véritable changement de paradigme que sont appelés aujourd'hui les dirigeants africains
Tout comme tous ces pays africains aujourd'hui à la croisée des chemins, avec cette résurgence des coups d'Etat qui marquent le recul de la démocratie sous nos tropiques. Un retour en force des pronunciamientos que certains dirigeants africains de l'heure, à l'image du guinéen Mamady Doumbouya, justifient par l'échec de ce modèle de gouvernance imposé par l'Occident à l'Afrique, et qui a « du mal à passer et à s'adapter à nos réalités ».
Un discours qui interroge d'autant plus que l'on se demande si derrière ces « vérités » du chef de l'Etat guinéen assenées avec force à la tribune de l'ONU, ne se cache pas une volonté de présenter les coups d'Etat comme l'alternative du moment à l'échec du modèle démocratique occidental en Afrique. Comme si la responsabilité des mascarades électorales n'incombait qu'aux seuls Occidentaux, alors que la responsabilité des Africains eux-mêmes est aussi grandement engagée.
En tout état de cause, avec toutes ces vicissitudes et autres secousses de l'histoire, l'Afrique est aujourd'hui à la croisée des chemins. Et il lui appartient de trouver sa voie en affirmant sa propre identité de gouvernance, loin de la tutelle envahissante et aliénatrice des puissances occidentales, loin du jeu malsain de roublardise des acteurs politiques qui définit très souvent la démocratie sous nos tropiques, loin du bruit fracassant des armes qui conduisent au palais présidentiel.
En un mot comme en mille, c'est à un véritable changement de paradigme que sont appelés aujourd'hui les dirigeants africains, dans leurs rapports à la démocratie. Autrement, on aura beau claironner notre souveraineté, on aura beau vouloir l'affirmer dans des ruptures tonitruantes d'accords avec l'ancien colonisateur, tant que nous ne changerons pas fondamentalement de mentalité, qu'on soit civil ou militaire, dans nos rapports au pouvoir et à la démocratie, les mêmes causes produiront toujours les mêmes effets, les mêmes insuffisances causeront toujours les mêmes troubles dans un cycle d'éternel recommencement. Il est temps d'en prendre conscience. Car, c'est un combat de longue haleine, qui est loin d'être gagné d'avance.