Les lecteurs réguliers de cette newsletter connaissent bien la relation que j'entretiens avec l'optimisme. C'est la nature même du travail dans le domaine des droits humains, je le crains : les abus sont nombreux, la justice peut sembler rare.
Les progrès, lorsqu'ils interviennent, sont souvent lents, et ils peuvent être imperceptibles si vous êtes pris dans le spectacle quotidien des médias qui mettent en avant l'horreur pour des clics. Pour percevoir les progrès, il faut parfois prendre du recul et regarder à plus long terme.
Il y a quatorze ans, le matin du 28 septembre 2009, plusieurs centaines de membres des forces de sécurité guinéennes ont fait irruption dans un stade de la capitale du pays, Conakry. Ils ont ouvert le feu sur des dizaines de milliers de partisans de l'opposition rassemblés pacifiquement.
La scène était effroyable. Les corps étaient éparpillés sur le terrain, écrasés contre des grilles entrouvertes, suspendus aux murs et empilés à l'extérieur des vestiaires. Les forces de sécurité ont violé et agressé sexuellement des dizaines de femmes. En fin d'après-midi, au moins 150 Guinéens étaient morts ou mourants.
Après les violences, les forces de sécurité ont organisé une opération de camouflage, bouclant le stade et les morgues, et enterrant de nombreux corps dans des fosses communes. Les forces de sécurité se sont également déployées dans les quartiers où vivaient les partisans de l'opposition et ont commis de nouvelles exactions, notamment des meurtres, des viols et des pillages. Elles ont arrêté de nombreux autres partisans de l'opposition et en ont torturé beaucoup d'autres.
Ces crimes contre l'humanité ne sont pas le fait d'un groupe de soldats solitaires et indisciplinés. Ils étaient prémédités et organisés.
Il y a un an, le procès du massacre du stade s'est ouvert devant un tribunal national, avec onze hommes accusés, dont un ancien Président et des ministres du gouvernement. Ils sont accusés d'une série de crimes de droit commun en vertu du droit guinéen. Ils ont tous plaidé non coupable pour l'ensemble des chefs d'accusation.
Mais le plus important est peut-être qu'au cours de l'année écoulée, plus de 50 victimes ont été entendues au cours du procès.
On ne saurait trop insister sur l'importance de ce fait. Ce procès est le premier de ce type impliquant des violations des droits humains de cette ampleur en Guinée. Il s'agit d'un rare exemple actuel de responsabilité nationale pour des atrocités impliquant des suspects de haut niveau.
Certes, il serait facile de dire que tout cela arrive 14 ans trop tard. Cependant, le fait que ce procès ait lieu constitue une avancée majeure dans la quête de justice pour les victimes et leurs familles. Qui plus est, les débats sont retransmis en direct. C'est tout simplement historique - un moment national marquant pour le peuple de Guinée.
Un avocat guinéen a déclaré à Human Rights Watch : « Malheureusement, nous avons été une société qui acceptait les crimes. Nous commençons à accorder de l'importance aux voix des victimes, avec un nouveau modèle de citoyens qui refusent ces types de crimes et l'impunité. »
Ce procès devrait être une source d'inspiration pour d'autres personnes dans le monde. Oui, la justice pour les violations des droits humains peut sembler rare, mais des progrès sont possibles lorsque les gens l'exigent et poussent les autorités à agir.
Directeur des relations médias en Europe