Sénégal: 26 Septembre 2002-26 Septembre 2023 - Il y a 21 ans, le « Joola » coulait au large des côtes gambiennes

26 Septembre 2023

Le naufrage du bateau le « Joola », 21 ans déjà. Le 26 septembre 2002, ce ferry qui assurait la liaison entre Dakar et Ziguinchor coulait en faisant près de 2000 morts.

Le 26 septembre 2002, le bateau le « Joola » qui assurait la liaison Dakar-Ziguinchor coulait au large des côtes gambiennes. Un naufrage qui a fait 1.860 morts, selon le bilan officiel. Des Sénégalais, des Français, des Guinéens, des Gambiens, des Maliens... sont disparus dans ce navire. La ville de Ziguinchor avait payé le plus lourd tribut avec près de 1000 décès dont des élèves, des étudiants, des nouveaux bacheliers qui devaient rejoindre l'université de Dakar. Le Sénégal venait ainsi d'enregistrer l'une des plus grandes catastrophes maritimes de l'humanité. Parmi les victimes, des jeunes, des femmes coincés dans la coque du ferry. Des milliers d'orphelins ont été recensés au lendemain de cette catastrophe maritime.

C'est pourquoi, dès 2006, la loi n° 2006-39 du 21 novembre 2006, a institué le statut de pupilles de la nation en vue de doter l'Etat du Sénégal d'un mécanisme structurel et institutionnel de prise en charge des orphelins. Le premier décret conférant le statut des pupilles de la Nation à ses orphelins du « Joola » a été signé en 2010. Toutefois, beaucoup d'enfants orphelins du « Joola » n'ont pas pu bénéficier du statut de pupilles de la Nation, car ils avaient déjà dépassé l'âge limite fixé à 18 ans en raison des retards notés.

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Vingt-et-un ans après le naufrage, le comité d'initiative pour l'érection du mémorial-musée « Le joola » continue de réclamer la tenue d'un procès. Pourtant, en août 2003, l'Etat du Sénégal avait classé « sans suites pénales » le dossier du « Joola ».

Seul le commandant du bateau disparu à bord lors du naufrage est déclaré responsable de cette catastrophe maritime. En conférence de presse, le mercredi 20 septembre 2023, le comité d'initiative pour l'érection du mémorial-musée « Le joola » réclame justice. « Deux décennies après, nous avons le sentiment que les coupables de la plus grande catastrophe maritime du Sénégal ne sont pas punis. Nous sommes révoltés parce que le culte de l'impunité reste largement entretenu voire encouragé », dénonçait Samsidine Aïdara, président dudit comité.

« Nous sommes inquiets parce que cette culture de l'impunité peut, à tout moment, être encore à l'origine de préjudices irréparables à la société sénégalaise », ajoutait-il. Le comité d'initiative exige toujours le renflouement de l'épave du bateau. D'après M. Aïdara, près de 2000 victimes ne doivent pas être laissées délibérément dans une épave au fond de l'océan. « Notre profond désir est de donner une sépulture digne à chaque victime et d'aider les familles à terminer leur deuil », plaide-t-il.

Par ailleurs, le projet mémorial-musée a connu une avancée. A Ziguinchor, vendredi dernier, le Ministre de la Culture et du Patrimoine historique, le Pr Aliou Sow, a annoncé son inauguration un mois après la commémoration des 21 ans du « Joola ». « Le projet de construction du musée a duré huit ans. Aujourd'hui, on est presque arrivé à la fin du processus. Un mois après l'anniversaire du naufrage du bateau "Le Joola", nous allons organiser l'inauguration de ce musée en relation avec les familles des victimes », avait déclaré le Ministre.

DR ALPHA KOUNTA, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L'OFFICE NATIONAL DES PUPILLES DE LA NATION

« Même si le statut de prise en charge s'arrête à 18 ans, nous continuons l'accompagnement »

Le 26 septembre est commémoré le naufrage du bateau « Le Joola » après plus d'une vingtaine d'années. C'est dans ce contexte que l'Office national des pupilles de la nation (Onpn) est né afin d'assurer l'accompagnement, la prise en charge des orphelins déclarés Pupilles de la Nation. Dans cet entretien, le Directeur général revient sur les réalisations de l'Office.

Le naufrage du bateau « Le Joola » au large des côtes gambiennes le 26 septembre 2002 est toujours frais dans les esprits. Qu'est-ce qui est prévu pour la commémoration de cette année ?

Je profite de l'occasion pour prier sur la mémoire des victimes de cette tragédie. C'est justement par rapport à cela que l'État a mis sur place l'Office national des pupilles de la nation. Au-delà du rappel de cette tristesse, la commémoration est beaucoup plus faite par les familles. L'Office apporte son soutien en participant à toutes les manifestations aussi bien à Dakar qu'à Ziguinchor.

Combien d'enfants ont été pris en charge par l'Office national des pupilles de la Nation, 21 ans après ?

Nous avons 720 orphelins du « Joola » pris en charge. Ils ne sont pas les seuls. Ces derniers constituent la deuxième catégorie à savoir la prise en charge des enfants mineurs issus de drames ou catastrophes. C'est également le cas des orphelins lors du chavirement de la pirogue de Bettenty. Ce sont des cas que l'État a décidé de prendre en charge.

Est-ce que ces enfants bénéficient d'une assistance 21 ans après ?

Nous sommes au 21e anniversaire du naufrage et le plus jeune des enfants doit être âgé de 21 ans. L'âge de majorité est 18 ans selon le statut de prise en charge de l'Office. Tous les orphelins issus du « Joola » sont devenus majeurs depuis un certain temps. Même si le statut de prise en charge s'arrête à 18 ans, nous continuons l'accompagnement. Car pupille un jour, pupille toujours. Nous leur apportons notre soutien dans l'insertion professionnelle et leur employabilité. Nous les poussons jusqu'à l'obtention du diplôme pour ceux qui font des études universitaires. Nous avons accompagné 93 pupilles dans le cadre de leur insertion dans le monde professionnel. Nous avons également 22 pupilles qui ont un emploi stable.

Nous voulons faire en sorte que l'âge passe de 18 ans à 21 ans. Cette majorité pose des difficultés. Si la pupille commence ses études universitaires avant 18 ans, l'Office devrait pouvoir l'accompagner jusqu'à l'obtention de son diplôme. Nous ne voyons pas beaucoup de jeunes obtenir le baccalauréat avant 18 ans. Si l'âge de la majorité est à 21 ans, cela donnerait beaucoup plus de chance à la pupille. Nos bacheliers ont entre 20 et 21 ans. Cela va aider à les pousser à poursuivre les études universitaires et créer une émulation.

Une cérémonie de remise d'allocations aux pupilles non-déclarées a été organisée en septembre 2021 à la suite d'une demande de régularisation par le président de la République en février en Conseil des ministres. Est-ce qu'il y a des pupilles du naufrage toujours non-déclarées ?

Nous avons recensé et indemnisé 371 pupilles non-déclarées. Le chef de l'État a mis en place un budget de 106 millions de FCfa pour l'indemnisation des orphelins non-déclarés. Ils sont non-déclarés car la loi qui institue le statut est tombé en 2006. Mais le premier décret est sorti en 2010. Cependant il y a eu une rétroaction. Le président de la République a voulu indemniser celles qui sont non-déclarées.

Une enquête a été faite avec les familles et les associations. Parmi ces 371, les 189 ont reçu de façon effective un virement de ces indemnités. Compte tenu de l'âge, il nous a fallu retrouver ces personnes pour pouvoir faire un calcul à partir de la tragédie jusqu'à l'âge de la majorité. Cela nous a permis de déterminer le montant et le moins élevé est 240.000 FCfa. Ces indemnités vont jusqu'à un million de Fcfa pour d'autres qui étaient beaucoup plus jeunes à l'époque. Il reste 182 orphelins qui ne sont toujours pas retrouvés par l'Office. Aujourd'hui, d'autres se sont signalés et nous avons stabilisé une nouvelle liste de 55 qui ne font pas partie des 371.

Aujourd'hui, quel bilan tirez-vous de la prise en charge de ces pupilles ?

Nous pouvons évoquer les allocations données à ces pupilles pour leur accompagnement. L'allocation était de 20.000 FCfa en 2019. Elle a été ramenée à 50.000 FCfa par le chef de l'État. Près d'un milliard Fcfa a été distribué à ces pupilles. Il y a également des subventions sous forme de bourses scolaires, de récompenses. Nous mettons en avant une émulation chez les apprenants. La Fête de l'Excellence prévue le 19 octobre est une occasion de distinguer les pupilles. Nous avons récompensé près de 500 pupilles l'année dernière. Nous sommes aussi en train de faire une cartographie des différentes pupilles pour voir vraiment les champions, des exemples de réussite pour la jeunesse.

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