NAIROBI — Selon la société civile, les engagements pris lors du premier Sommet africain sur le climat, qui constituera la base des discussions lors de la COP28 plus tard cette année, n'ont pas réussi à répondre de manière adéquate aux défis auxquels sont confrontés les petits exploitants agricoles sur le continent.
Lors du sommet qui s'est tenu à Nairobi au Kenya du 4 au 8 septembre, les dirigeants africains ont appelé la communauté internationale à honorer ses engagements antérieurs consistant à fournir 100 milliards de dollars de financement annuel pour le climat, à éliminer progressivement les combustibles fossiles et à mettre en place un mécanisme pour les pertes et dommages.
La « Déclaration de Nairobi » comprend également des engagements visant à faire progresser l'économie verte de l'Afrique et à développer la production d'énergies renouvelables, ainsi qu'à proposer un nouveau régime fiscal mondial pour financer l'action climatique à grande échelle.
"L'urgence de remédier aux pertes et aux dommages et de configurer des mécanismes financiers appropriés pour la résilience augmente avec chaque événement météorologique extrême et chaque épisode d'insécurité induite par le climat"William Ruto, président du Kenya
Mais des groupes de la société civile, qui organisaient simultanément un « Sommet des peuples sur le climat » dans la capitale kenyane, ont critiqué cette Déclaration pour son manque d'engagements concrets à aider les agriculteurs à devenir plus résilients face au climat.
Nnimmo Bassey, directeur de la Fondation "Health of Mother Earth" au Nigeria, a déclaré à SciDev.Net que « nous sommes particulièrement choqués du fait que malgré que la déclaration reconnaisse que 60 % de la population sont de petits exploitants agricoles, très peu de choses sont dites sur le soutien à leur apporter et rien n'est dit sur le renforcement de la pratique de l'agroécologie qui est une véritable solution climatique.
Enock Chikava, directeur par intérim du développement agricole à la Fondation Bill & Melinda Gates, a déclaré que les petits exploitants agricoles ont le potentiel de sortir des millions de personnes de la pauvreté, de favoriser la sécurité alimentaire, de créer des emplois et d'aider le continent à s'adapter au changement climatique.
Il a ajouté que des investissements à l'échelle mondiale sont nécessaires de toute urgence, mais « investir en Afrique est considéré comme un risque en raison du manque de compréhension du continent ».
« Ce que l'Afrique dit aux pays industrialisés, c'est : "s'il vous plaît, écoutez-nous" », a-t-il précisé.
« Avec la diminution de notre production agricole, nous avons besoin de moyens radicaux pour inverser cette tendance et augmenter la productivité à travers des innovations telles que les semences résistantes à la sécheresse », a expliqué Enock Chikava.
COP28
La Déclaration de Nairobi et l'appel à l'action devraient constituer la base des négociations lors du prochain grand sommet des Nations Unies sur le climat, la COP28, à Dubaï, aux Émirats arabes unis (UEA), en novembre 2023.
A Nairobi, les investisseurs des Émirats arabes unis se sont engagés à acheter 450 millions de dollars de crédits carbone auprès de l'Africa Carbon Markets Initiative (Initiative des marchés du carbone en Afrique), lancée lors de la COP27 en Égypte l'année dernière.
Les dirigeants africains ont déclaré qu'un accès égal à des capitaux commerciaux bon marché, une taxe carbone sur le commerce des combustibles fossiles et un allègement de la dette de l'Afrique accéléreraient la lutte contre le changement climatique.
Le président de la COP28, Sultan Al Jaber, a déclaré que l'Afrique avait reçu 12 % des 250 milliards de dollars américains nécessaires chaque année pour répondre à ses besoins du financement climatique, et que moins de 2 % de ce montant reçu étaient consacrés à l'adaptation.
« Ce n'est ni juste ni équitable... Et c'est une grande opportunité manquée », a martelé Al Jaber lors du sommet.
La déclaration indique que le fonds pour pertes et dommages convenu lors de la COP27 doit être mis en oeuvre pour indemniser les communautés vulnérables pour les dommages irrévocables causés par le changement climatique.
Elle propose également une nouvelle architecture de financement qui permet la restructuration et l'allègement de la dette ainsi que l'élaboration d'une nouvelle charte mondiale du financement climatique par le biais des processus de l'Assemblée générale des Nations Unies et de la COP d'ici 2025.
Les pays africains demandent une remise de dette et des durées de prêt plus longues, y compris un délai de grâce de 10 ans, pour aider le continent à faire face à la crise climatique et à atteindre ses objectifs de développement.
Le président du Kenya, William Ruto, a déclaré lors du sommet que, même si l'empreinte carbone de l'Afrique reste faible, les impacts du changement climatique sur le continent sont « disproportionnellementz élevés.
« L'urgence de remédier aux pertes et aux dommages et de configurer des mécanismes financiers appropriés pour la résilience augmente avec chaque événement météorologique extrême et chaque épisode d'insécurité induite par le climat », a-t-il ajouté.
William Ruto, qui est aussi le président du Comité des chefs d'État et de gouvernement africains sur le changement climatique, a déclaré que le coût de l'adaptation au changement climatique augmentait dans un contexte de hausse du coût de la vie, ajoutant que « [...] le coût du capital de développement pour les économies africaines reste prohibitif ».
Le président de la Banque africaine de développement, Akinwumi Adesina, a exhorté les économies développées à atteindre leur objectif de 100 milliards de dollars par an pour l'action climatique dans les pays en développement et à reconfigurer l'architecture financière pour relever les défis auxquels l'Afrique est confrontée.