Tunisie: Mohamed Salah Ayari-Conseiller Fiscal, et Membre du Conseil National de la fiscalité à La Presse - «La soutenabilité de la dette ne peut être efficace qu'à travers un plan d'action clair»

Le fardeau de la dette pour l'Afrique
27 Septembre 2023
interview

La dette publique n'a cessé d'augmenter au fil des années. La situation économique et financière était plus que critique durant la décennie écoulée. Sur le marasme économique qui perdure encore, Mohamed Salah Ayari, conseiller fiscal, et membre du Conseil national de la fiscalité, nous donne d'amples éclairages. Interview.

Quelle est la situation de la dette publique extérieure et intérieure en Tunisie?

En réalité, la dette publique n'a cessé d'augmenter au fil des années, pour passer de 21.194 MD selon la loi de finances rectificative de 2022 à 24.392 MD selon les prévisions pour l'année 2023, soit une augmentation de 15,08%. Le total de la dette publique pour l'année 2023 se subdivise en deux parties : la dette extérieure : 14.859 MD et la dette ultérieure : 9.533 MD.

Malgré que les prévisions budgétaires au titre de l'année 2023 soient basées essentiellement sur le crédit auprès du FMI pour le montant de 1,9 Mds $, la Tunisie est arrivée à honorer ses engagements en ce qui concerne les services de la dette extérieure à concurrence de 6655 MD jusqu'au 10 septembre 2023 d'un montant global de 8945 MD, soit 74,3% des services de la dette extérieure.

Concernant la dette intérieure, le ministère des Finances a opté, à l'instar des dernières années, aux emprunts obligataires à concurrence d'un montant global de 2.800 MD pour l'année 2023, en se basant sur quatre tranches à concurrence de 700 MD pour chaque tranche. Bien évidemment, les résultats étaient satisfaisants pour les trois premières tranches avec des montants qui ont dépassé les montants escomptés. Mais à quel prix ?

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Du moment que les sommes prêtées au ministère des Finances ont eu un impact négatif sur la trésorerie des banques, ce qui a impacté automatiquement les crédits qui auraient dû être orientés vers les secteurs productifs afin d'encourager l'investissement et permettre la création de nouveaux postes d'emplois.

Est-il possible de déterminer des indicateurs et des seuils indiquant la limite à ne pas franchir pour l'endettement public ?

Etant donné la situation économique actuelle, qui est difficile et très délicate, et du moment que notre pays n'a pas trouvé encore les remèdes afin de faire les réformes nécessaires afin de voir le bout du tunnel, il serait très difficile de prévoir des indicateurs et des seuils précis, pour atténuer l'effet de l'endettement public.

Mais espérons qu'avec les transferts des Tunisiens à l'étranger, l'augmentation des recettes du secteur du tourisme et la reprise de la production et de l'exportation du phosphate, tout en continuant à réformer le régime fiscal afin de réduire, un tant soit peu, l'effet de l'évasion et de la fraude fiscales, l'endettement public va être atténué au fur et à mesure.

Comment mesurer la soutenabilité de la dette ?

En fait, la question mérite d'être approfondie afin d'étudier toutes les facettes et toutes les raisons de la dette publique mais pour être bref, la soutenabilité de la dette ne peut être réelle et efficace qu'à travers un plan d'action clair et précis, des réformes structurelles audacieuses et une volonté politique très ardue.

Quelle lecture faites-vous de la situation économique de la Tunisie en 2023 ?

La situation économique demeure très précaire en 2023, et ce, en se basant sur des critères édifiants : un taux de croissance très faible qui est fixé à 1,8% selon les prévisions initiales du Budget de l'Etat pour l'année 2023. Un taux de chômage qui demeure élevé et qui se situe actuellement aux alentours de 15,6%. Ceci, sans oublier le taux d'inflation qui a dépassé le seuil de 10% à un certain moment, pour se situer à 9,3% actuellement.

De même, la stagnation des investissements intérieurs et extérieurs étant donné que le climat politique et économique n'est pas très encourageant. Autre critère déterminant concernant l'administration tunisienne, une administration archaïque qui n'a pas pu s'adapter à la révolution technologique et qui est toujours réticente à l'égard de la digitalisation. Finalement, la législation bloque toujours l'investissement et n'a pas su libérer l'initiative privée.

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