Zimbabwe: Emmerson Mnangagwa ne rompt pas avec le passé et alimente la spirale de la violence et de l'impunité

Emmerson Mnangagwa, président du Zimbabwe, lors d'une réception de bienvenue pour l'ouverture de la soixante-quatorzième session de l'Assemblée générale des Nations unies en 2019. (photo d'illustration)
communiqué de presse
  • Rétrécissement de l'espace civique et intensification de la répression des droits humains et des agressions contre la dissidence pacifique
  • Emmerson Mnangagwa s'aligne sur les pratiques de Robert Mugabe avec une utilisation à mauvais escient de la législation qui devient un instrument de répression
  • Faux espoirs d'un avenir meilleur pour le Zimbabwe avec la poursuite des pratiques de violence, d'oppression et d'impunité de l'ancien régime

Le gouvernement du président Emmerson Mnangagwa, au Zimbabwe, ne tient pas sa promesse d'un changement et d'une rupture avec le terrible bilan en matière de droits humains de Robert Mugabe, a déclaré Amnesty International dans un nouveau rapport publié le 29 septembre. Après une élection entachée par des violations des droits humains, Emmerson Mnangagwa a été réélu au poste de président de la République du Zimbabwe, et un nouveau gouvernement a été annoncé. Le rapport s'intéresse au programme en matière de droits humains d'Emmerson Mnangagwa pour son second mandat, et appelle ce dernier ainsi que son gouvernement à améliorer la situation des droits fondamentaux au Zimbabwe et à donner la priorité à ces droits.

Le rapport Human rights under attack: A review of Zimbabwe's human rights record in the period 2018-2023 montre de façon détaillée que les autorités répriment systématiquement la dissidence pacifique, et qu'il est de plus en plus difficile pour les gens d'exprimer librement leurs opinions. Le rapport pointe également une tendance préoccupante à la militarisation de la police et à une montée de l'utilisation excessive de la force par les forces de l'ordre lors des manifestations.

Amnesty International a constaté que les personnes qui s'expriment publiquement ou qui organisent des mouvements de contestation font souvent l'objet de poursuites judiciaires. Dans certains cas, des proches de protestataires ont été pris pour cible et harcelés dans le but d'intimider ces militant·e·s. Les enlèvements de défenseur·e·s des droits humains et de militant·e·s se multiplient.

« Le gouvernement d'Emmerson Mnangagwa a manqué une occasion sans précédent de réparer les méfaits commis dans le passé, et a au contraire accéléré les mesures de répression des droits humains, a déclaré Khanyo Farisè, directrice adjointe pour l'Afrique australe à Amnesty International.

« La spirale de la violence se perpétuera tant qu'il n'existera pas de véritable volonté politique de défendre les droits humains et de mettre un terme à l'impunité. Le gouvernement zimbabwéen doit prendre de réelles mesures pour faire face aux injustices commises dans le passé afin que l'histoire ne se répète pas. »

La législation comme instrument de répression

Sous le gouvernement de Robert Mugabe, les autorités ont modifié la législation ou adopté de nouvelles lois sous prétexte de préserver la sécurité nationale ou de faciliter l'accès à l'information, pour réprimer les opinions et les groupes dissidents et restreindre l'espace accordé au débat politique. Récemment, les autorités ont eu recours à des pratiques répressives du même type.

En 2002, le gouvernement de Robert Mugabe a adopté la Loi relative à l'accès à l'information et à la protection de la vie privée (LAIPVP), qui a été utilisée à mauvais escient pour contrer l'influence grandissante de groupes d'opposition et d'autres voix dissidentes.

Un peu plus de deux décennies plus tard, en juillet 2023, les autorités ont adopté sous le régime du président Emmerson Mnangagwa la Loi portant modification du Code pénal (Codification et réforme), dite Loi patriotique. Elle suit la même tradition que la LAIPVP et réprime pénalement les actes visant à « porter délibérément atteinte à la souveraineté et aux intérêts nationaux du Zimbabwe ». Les nouvelles dispositions définissent cette infraction de façon imprécise, avec des termes très vagues, ce qui favorise des abus de la part de l'État. Elles prévoient en outre le recours à la peine de mort.

Ces deux lois qui ont été adoptées à l'approche d'une élection ont empêché les gens d'échanger des informations et des idées et de s'exprimer librement.

« Le gouvernement d'Emmerson Mnangagwa continue d'utiliser la loi à mauvais escient pour réprimer les droits humains et toute personne qui ose exprimer une opinion dissidente, a déclaré Khanyo Farisè.

« L'adoption de la modification du Code pénal va forcément avoir un effet dissuasif sur les contestataires en puissance, en particulier en raison des lourdes peines qui sont prévues. »

Citons également au nombre des autres lois qui ont été modifiées ou adoptées par l'actuel gouvernement et qui ont un effet dissuasif sur la société civile, la Loi relative à la cybersécurité et à la protection des données [Chapitre 12:07] (No. 5 de 2021), la Loi relative à la liberté d'information adoptée en 2020 (qui remplace la LAIPVP), la Loi relative au maintien de la paix et de l'ordre [Chapitre 11:23] et le projet de loi portant modification de la Loi relative aux organisations bénévoles privées (H.B. 10, 2021).

En septembre 2022, les autorités ont utilisé la Loi relative à la cybersécurité et à la protection des données pour arrêter deux journalistes. Wisdom Mdzungairi, directeur de publication pour Alpha Media Holdings et rédacteur en chef du journal NewsDay, et Desmond Chingarande, journaliste à NewsDay, ont été arrêtés parce qu'ils auraient communiqué de fausses informations dans l'intention de nuire. Ils ont été convoqués au commissariat central de Harare et interrogés à propos d'un article qu'ils avaient publié sur une entreprise privée dirigée semble-t-il par des personnes ayant des liens avec le gouvernement. Ils ont été inculpés de diffusion de « fausses informations dans l'intention de nuire » et remis en liberté trois heures plus tard, après que leur avocat eut donné l'assurance qu'ils se mettraient à la disposition de la police pour être de nouveau entendus si cela s'avérait nécessaire.

Ces cas illustrent le problème des attaques contre la liberté des médias : au cours de la seule année 2021, au moins 15 journalistes ont signalé avoir été agressés, arrêtés ou placés en détention par des agents des forces de sécurité alors qu'ils ne faisaient que leur travail légitime.

Hopewell Chin'ono, journaliste indépendant et militant anti-corruption, a été intimidé et harcelé par la police à plusieurs reprises. Il a été placé en détention à trois reprises et pendant plus de 80 jours entre juillet 2020 et janvier 2021. Il a subi ce traitement parce qu'il a voulu publier des informations concernant la corruption du gouvernement et défendre le droit de réunion pacifique.

D'autres lois ont également été utilisées pour empêcher des gens d'exprimer publiquement des opinions dissidentes et d'organiser des activités avec d'autres personnes.

En 2022, l'autrice et militante zimbabwéenne Tsitsi Dangarembga et la militante Julie Barnes ont été déclarées coupables d'« incitation à la violence » et condamnées à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis pour avoir participé à une manifestation le 31 juillet 2020. Elles ont cependant fait appel de leur déclaration de culpabilité et de la peine qui leur a été infligée et ont obtenu gain de cause.

Les représailles à caractère politique se sont intensifiées à l'approche des élections générales de 2023, qui ont été marquées par la réélection d'Emmerson Mnangagwa. En janvier, par exemple, 25 membres du parti d'opposition Coalition citoyenne pour le changement (CCC) ont été arrêtés et agressés physiquement parce qu'ils s'étaient réunis dans un lieu privé à Budiriro.

Le 17 mai, six étudiants de l'Université du Zimbabwe - Benjamin Watadza, Emmanuel Chitima, Comfort Mpofu, Lionel Madamombe, Gamuchirai Chaburumunda et Darlington Chigwena - ont été arrêtés après avoir manifesté pacifiquement à Harare.

Amnesty International demande aux autorités du Zimbabwe de protéger et respecter la Constitution de 2013, de se conformer aux obligations internationales du pays en matière de droits humains, et de veiller à ce que les valeurs, les principes et les droits humains qu'ils consacrent soient véritablement respectés, protégés, promus et mis en oeuvre.

L'organisation a également appelé les chefs d'État de la région, notamment à la Communauté de développement de l'Afrique australe et à l'Union africaine, à contribuer à ce que les droits humains soient une réalité pour tous et toutes au Zimbabwe, et la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples à mener une mission d'établissement des faits pour enquêter sur les informations faisant état de violations des droits humains dans le pays. La Commission africaine doit condamner publiquement la répression croissante des droits humains au Zimbabwe et appeler les autorités à respecter leurs obligations au titre de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples.

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