Congo-Kinshasa: Le Professeur émérite Jean-Marie Mutamba Makombo décrypte l'ouvrage «Une vie de combats (Mémoires)» de Sylvestre Mudingayi

*L'endroit était bien choisi pour ce genre de cérémonie. C'est dans le magnifique cadre Maïsha, en face de l'hôpital Médecins de Nuit, sur avenue du Livre à la Gombe que le Professeur émérite Jean-Marie Mutamba Makombo a procédé à la présentation du livre «Une vie de combats (Mémoires)» écrit par Sylvestre Mudingayi. Dans cette plongée littéraire (texte de présentation), l'on découvre des magnifiques choses. Voici ce que cet éminent orateur en dit dès la première page : « Dès que le livre est tombé entre mes mains, je me suis dépêché de le lire. J'étais curieux de découvrir le texte parce que début janvier 1979, il y a plus de 44 ans, le président honoraire du Sénat, Sylvestre Mudingayi, avait accordé au jeune professeur que j'étais deux interviews pour étoffer ma thèse sur les Evolués que je venais de défendre neuf mois auparavant. »

La suite est encore plus captivante : «Le souvenir que je garde de ce grand homme, c'est le respect de l'heure. Il m'a fait des remarques lorsque je suis arrivé à sa résidence du Quartier Palais de Marbre avec un petit retard. L'autre souvenir, c'est qu'il portait la cravate en pleine saison du M.P.R. C'était avant les Treize Parlementaires. Vous comprendrez que lorsque le petit-fils Sylvestre Ntumba Mudingayi m'a sollicité pour présenter les Mémoires de son grand-père, je ne pouvais pas me débiner. » L'épisode de la cravate en pleine dictature mobutienne illustre parfaitement la bravoure de même que la forte personnalité de cet illustre personnage mis en lumière à travers ses mémoires.

Jean-Marie Mutamba Makombo a rappelé à l'assistance la façon dont cet ouvrage est tombé entre ses mains. Cette heureuse rencontre, il la doit aux «Retrouvailles téléphoniques » avec un ami, collègue professeur, écrivain et éditeur, en l'occurrence, Charles Djungu Simba. C'est ce dernier qui a publié «Les Mémoires de Sylvestre Mudingayi» aux éditions du Pangolin à Bruxelles. L'orateur s'est remémoré la belle époque du Club O (Opinion) au cours de laquelle il porta les galons de Membre de l'Association des Critiques Littéraires de Kinshasa. Ce professeur émérite a, d'entrée de jeu, martelé que la séance de présentation d'un livre n'est pas une séance académique. C'est quoi alors ? Selon lui, présenter un livre c'est montrer l'intérêt du livre, et dire pourquoi ce livre doit être recherché et lu. Mais, il souligne que la relation des faits doit toujours être soumise à la critique historique.

«Comment le petit-fils a-t-il écrit ce livre ? » A cette question, il répond que Sylvestre Ntumba Mudingayi leur a confié avoir transcrit les enregistrements des entretiens qu'il a eus avec son grand-père, et les a ajoutés au contenu de deux longs textes de conférence laissés par l'intéressé. Abondamment illustré, cet ouvrage se scinde en 12 sections, à savoir : Avant-propos ; Le Fils du Chef ; le Blanc et l'Indigène ; L'émancipation à travers le monde associatif ; Mon combat pour une école officielle laïque, L'effervescence politique ; La Marche vers l'Indépendance ; Le Grand Déménagement ; L'Attaque de Luputa ; Mon retour à la politique ; La retraite politique ; et Oraison Funèbre.

Parcourant ce livre, le Professeur Makombo y ressort le concept-clé «Evolués». Il les situe comme suit : «Les évolués appartiennent à la génération de ceux qui sont nés entre 1905 et 1929. Ils viennent après la génération de ceux qui ont établi les premiers contacts avec les Européens (1880-1904) et avant la génération des premiers universitaires (1930-1954). Les évolués ont profité de la multiplication des écoles : création des écoles normales, moyennes et professionnelles... » Né en 1912, Sylvestre Mudingayi a donc fait partie des «Evolués».

Après ses loyaux services successivement au Service des Finances du District de Sankuru puis de Léopoldville, ce digne fils du Congo a fait carrière à la Banque du Congo Belge, de 1932 à 1967. Ce compatriote a marqué les esprits à Lusambo. En 1953, il a fait partie des 15 Congolais qui ont visité la Belgique suite au voeu formulé pour voir les Belges au travail.

«Pourquoi les évolués ont demandé l'Indépendance ? » s'interroge le Professeur Makombo. A l'époque, il existait une forme d'apartheid. « Les seuls rapports existant entre blancs et noirs étaient les relations de travail. Au bureau, les blancs ne se donnaient pas la peine d'appeler les employés par leur nom. Ils avaient tous le même nom : CLERC ! Les ordres étaient secs et à exécuter sans manquement, sinon la chicotte. Le Congolais considérait le blanc comme un être parfait. Il était tout et possédait tout, « un dieu quoi ! »... Le blanc, par contre, voyait en l'indigène un petit enfant à qui l'on pouvait tout imposer, tout inculquer : bête comme tout, incapable de réfléchir. » C'était cela le contexte de la période coloniale.

Mais en 1956, le groupe de Conscience Africaine de l'Abbé Malula fait bouger les lignes. Dans ses mémoires, Sylvestre Mudingayi révèle : «Les Belges s'entêtaient. Ils ne pensaient pas que nous pouvions devenir indépendants un jour. Nous, les cercles des évolués, on ne visait que l'égalité avec les blancs. » Tout est donc parti de là.

Comme présentateur de «Une vie de combats (Mémoires)», le Professeur Makombo a relevé les combats menés par Sylvestre Mudingayi. Ce dernier avait cultivé l'anticléricalisme. Il était devenu «opposant de la religion catholique» parce qu'il était révolté du renvoi des enfants protestants de l'école pour des raisons confessionnelles. C'était son principal combat. Quant aux autres combats, tout lecteur peut le découvrir dans cet ouvrage fort intéressant «Une vie de combats (Mémoires)».

 

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