Madagascar: Magazine - TOAMASINA, La Ville aux dix mille POUSSE -POUSSE - Pédaler pour survivre

Contrairement à Tana où ils ont été remplacés par des taxis, les pousse-pousse sont partout à Toamasina.

Les travailleurs pédalent du matin au soir pour nourrir leur famille. Jockers sans-papiers, épuisés, sans assez de clients, routes engorgées...

L'avenir des pousse-pousse dans la ville portuaire semble compromis.

Sans relâche, il pédale dans les avenues de Toamasina, sa ville natale. Marcelin conduit un pousse-pousse depuis 8 ans. À 17 ans, après le divorce de ses parents, il a fallu trouver de l'argent.

Aujourd'hui, c'est encore plus compliqué car il est papa de deux enfants de 4 et 7 ans : « Je commence à 7h et je rentre à la maison à 20h30. Le samedi après-midi, je me repose et le dimanche, je vais à la messe ».

Le jeune homme garde malgré tout sa bonne humeur: « Je suis toujours courageux c'est comme ça que la maladie n'arrive pas. Je garde le sourire devant les clients ». Il réalise également des livraisons quand on l'appelle, pour augmenter ses revenus.

Tout en muscles longilignes, il rêve de réussir à un concours pour devenir peintre ; un rêve, car l'argent qu'il perçoit ne lui permet que de nourrir sa famille et de payer l'école de ses enfants. « Je gagne environ 40 000 ariary par jour, Dieu décide combien de personnes on va transporter dans la journée. Il y a des bagarres pour avoir des clients ».

%

Marcelo, son cousin, est dans la même précarité : « Le pousse-pousse n'est pas à nous, on le loue 6000 ariary par mois à notre patron Hérisoa ».

Ce dernier, 27 ans, a débuté en tant que manoeuvre dans la soudure pour la fabrication de pousse-pousse.

Aujourd'hui, il en possède 60 qu'il loue, en plus de la vente d'environ vingt pousse-pousse neufs par mois.

L'homme, les mains dans le cambouis, devient très réticent dès qu'on lui parle de chiffres... Un pousse-pousse neuf coûte 1 200 000 ariary, trop cher pour les jockers conducteurs. Ils doivent être ramenés au garage tous les soirs quand le travail est terminé.

Quant à ceux qui n'ont pas de papiers, ils doivent payer de vraies-fausses contraventions aux policiers, de la main à la main, pour qu'on les laisse tranquilles.

« Tout le monde peut officialiser sa situation mais dans la réalité, c'est différent », reconnaît José Razafindrakoto, chef du service des véhicules non-motorisés à la mairie. Chaque année, 300 nouveaux pousse-pousse prennent le bitume, pour arriver aujourd'hui au nombre de 10 000 pousse-pousse officiels. D'où un nombre trop grand de véhicules par rapport aux clients. « Ils encombrent les routes et ils gênent ceux qui ont des voitures », déplore Tiana Ramamonjisoa, à la mairie de Toamasina.

Un autre de nos interlocuteurs prévient qu'après les prochaines élections municipales, l'équipe cherchera à diminuer leur nombre.

Selon le maire, Nantenaina Herilala Rakotonirina, c'est l'exode rural qui a fait naître cette activité. « C'est une sorte de chômage déguisé. Des gens pensent qu'avec l'extension du port, le développement des entreprises, il y aura du travail pour tout le monde à Toamasina mais ce n'est pas possible ».

Jean-Michel Randriamial, chef de service des aires de stationnement à la Commune Urbaine de Toamasina précise : « Le premier objectif de la mairie est de régulariser la situation des pousse-pousse. Cela permet de recenser et d'assurer la sécurité pour les usagers qui peuvent être détroussés par des conducteurs non déclarés ».

Contrairement à la capitale, la mise en place de taxis n'est pas encore prévue à Toamasina.

Aussi, malgré la pénibilité de leur quotidien et la faiblesse de leurs revenus, les conducteurs de pousse-pousse continueront encore de pédaler dans les rues de la ville...

Belido : « sortir du tuk-tuk »

Parmi les 6000 tuk-tuk qui pétaradent à travers la ville de Toamasina, on croise celui de Belido un beau jeune homme courageux qui fait son possible pour avoir une vie meilleure.

« Je pense que Dieu m'aidera à changer de vie», espère-t-il.

Belido conduit un tuk-tuk depuis deux ans. Bientôt papa, il habite encore, pour l'instant, chez sa mère, avec sa femme.

« J'étudie aussi l'économie à l'université, je suis en M1, je veux sortir du tuk-tuk et avancer ». Même si ce n'est pas simple, ses parents l'aident pour payer l'université.

Le jeune homme loue le véhicule à son propriétaire 25000 ariary par jour.

« C'est dur de se retirer un salaire mais j'arrive quand même à rassembler entre 5000 et 25000 ariary par jour ». Ses maigres revenus sont amputés par les contraventions qu'il doit payer... à la place de son patron, qui n'a pas déclaré le véhicule. Pourtant, Belido reste positif car, selon lui, « si on n'y croit pas, rien ne peut se réaliser. »

Ce reportage a été réalisé par une étudiante d'Infocom, à l'université de La Réunion, grâce au soutien financier de la Direction des relations internationales et de la Direction de l'orientation, de la formation et de l'insertion professionnelle.

Un groupe de huit apprentis journalistes a effectué un séjour d'une semaine à Tamatave à cet effet.

AllAfrica publie environ 600 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.