Ambassadeur de bonne volonté de l'Onu, Baaba Maal, qui célèbre 38 ans de carrière musicale, a participé activement à plusieurs panels et réunions consacrés au développement, en marge de la 78e session de l'Assemblée générale des Nations unies à New York (19-26 septembre 2023). Il a, par ailleurs, joué devant les leaders mondiaux. En tant que président-fondateur de « Nannk », une organisation internationale axée sur la promotion de la dignité humaine par la création d'opportunités d'emploi vert et de richesses, il apporte une perspective unique sur la contribution de la culture au développement durable. Entretien.
Baaba Maal, vous êtes invité, à la 78e session de l'Assemblée générale des Nations unies. Quel est l'intérêt et l'importance de votre présence ici ?
Je suis invité par le système des Nations unies pour venir participer à cette Assemblée générale bien sûr en tant qu'artiste, mais aussi en tant qu'ambassadeur de bonne volonté de l'Onu et ambassadeur pour la lutte contre la désertification. La Secrétaire générale adjointe Madame Amina Mohamed a vraiment tenu à ce que je sois présent. Elle croit fermement que la culture peut jouer un très grand rôle. Elle milite pour qu'on reconsidère la position de l'Afrique dans le monde, qu'on parle de cette Afrique qui prend sa destinée en main, que l'on ne nous dise pas ce que nous devons faire.
C'est nous qui devons savoir ce que nous devons faire et que l'on nous accompagne. Et c'est ça qui fait que son engagement est à saluer, car elle est très confiante que la culture peut jouer un très grand rôle. Je dois souligner que la première raison de ma venue, c'était pour participer à cette grande rencontre, en marge de l'assemblée générale, intitulée « L'Afrique que l'on ne peut plus arrêter dans la route du développement ». On a utilisé cette occasion pour que je puisse aussi faire une performance musicale en direction des chefs d'État et des chefs de gouvernement et des délégations.
Vous avez donc joué au coeur de l'Assemblée générale dans la grande salle...
Cela a été un très grand combat des Nations unies pour faire de telle sorte qu'il y ait de la musique. Parce qu'on parle de choses très sérieuses, des gens pensent que la musique, objet de divertissement, n'y a pas sa place, mais ma présence c'était pour démontrer autre chose. C'est un déclic, parce qu'on a senti que maintenant, dans le système des Nations unies, on reconsidère à sa juste valeur la place de la culture. J'essaie de pointer du doigt là où les grands dirigeants du monde peuvent prendre des décisions, notamment sur des problèmes qui nous interpellent. J'étais très content et très fier à l'ouverture, entre 11h30 et 12h, qu'on me présente en tant qu'ambassadeur pour m'adresser à cette séance.
Dès le début de votre carrière musicale, vous avez dénommé votre groupe « Daande Leñol » (la voix du peuple -du fleuve), peuple du Sénégal, peuple de l'Afrique et aujourd'hui peuple du monde. Est-ce une prémonition ?
La voix du peuple, ça a commencé avec les Halpulaar, ma communauté que je respecte, mais il faut comprendre que maintenant c'est le peuple du monde. Et ce n'est pas pour rien qu'on a la chance d'être nommé ambassadeur du système des Nations unies où toutes les grandes décisions se prennent et qu'on a la chance aussi d'être introduit devant tous ces grands du monde pour parler du continent africain et pour dire mon opinion au-delà même du continent africain. Dans la chanson que j'ai interprétée, « Baayo », qui parle de la jeunesse et des enfants, je me suis permis de dire que nous n'avons plus besoin de guerre, nous n'avons plus besoin de souffrance, nous n'avons plus besoin de discrimination, nous n'avons plus besoin de violence. Nous avons besoin de construire un avenir rayonnant, lumineux pour les générations à venir. C'est ça que j'ai chanté devant les chefs d'État et les chefs de gouvernement.
Certes, c'est une fierté de chanter devant l'Assemblée générale et de rencontrer les grands du monde, mais comment comptez-vous transformer cette belle opportunité en actions concrètes pour les jeunesses sénégalaises et africaines, notamment à travers votre fondation ?
Vous avez bien fait de dire « Africains ». Charité bien ordonnée commence par soi. J'aimerais bien que les jeunes africains, les jeunes sénégalais surtout sachent que le monde leur appartient. J'aimerais aussi faire savoir à tous ceux qui sont des parents, à toutes ces personnalités qui ont été choisies et qui sont au-devant de la scène sur le plan politique, administratif, économique, etc., de prendre très au sérieux les demandes de la jeunesse et de l'écouter. Parce que cette jeunesse, qui est, par exemple, sur les réseaux sociaux et qui s'exprime sur tout ce qui se passe dans le monde, est vraiment consciente de l'avenir qu'elle veut. Il faut écouter les jeunes, il faut leur tendre l'oreille, il faut essayer de déceler leurs cris, leurs angoisses, leurs aspirations. Lors de ma dernière visite à New York, je suis allé à la rencontre des jeunes qui ont traversé l'Amérique latine, le Brésil, le Nicaragua, etc., pour arriver aux États-Unis afin de m'enquérir de leur situation et leur demander qu'est-ce qu'ils attendent ? Que peut-on faire concrètement pour eux ? C'est aussi très important que nous reconsidérions notre position en tant que parents par rapport à cette jeunesse-là.
Tout récemment, à l'université de Genève, à l'occasion du « Gingembre Littéraire », de grands intellectuels sénégalais et occidentaux ont discuté de « culture et développement ». Baaba Maal, considérez-vous qu'il y a un lien entre la culture et le développement ?
Mais bien sûr ! « La culture est au début et à la fin de tout processus de développement », comme le rappelait le président Léopold Sédar Senghor. C'est une vérité qu'on ne peut pas nier et on vit cela au jour le jour dans tout ce que nous sommes en train de faire et quelqu'un comme moi, avec ma fondation, essaie de le démontrer. Mon orchestre a toujours été là pour faire des concerts au profit des populations et au profit de certaines associations de développement. Ici, à New York, j'ai participé à des séries de panels qui touchent à tous les secteurs de développement, de la culture, au business en général. Je pense qu'il faut mettre le business qui se passe sur le continent africain en avant, c'est ça qui fait que l'Afrique ne sera plus arrêtée dans son élan de développement et j'insiste sur le rôle de la musique. Notamment sur comment elle peut promouvoir toutes ces entreprises, petites, moyennes, grandes que les Africains mettent sur pied pour faire la différence et être leaders dans le monde.