La fin du mois de septembre a vu les nouveaux alliés des Etats du Sahel occuper de plus belle les manchettes des médias. Entre les échéances électorales repoussées au Mali, la commémoration de l'an I du MPSR 2 au Burkina et la grande interview du général Tchiani accordée à la télévision nationale du Niger, ils continuent de faire les choux gras de l'actualité. Et l'auditoire ne leur fait pas défaut !
En effet, les déçus et mécontents qui prophétisent une bérézina de ces pouvoirs néo-panafricanistes avec pour conséquence plus de déstabilisation de la région sahélienne, à l'opposé de leurs partisans tout feu tout flamme pour leur volontarisme, sans oublier les sceptiques dans l'immobilisme, qui attendent de voir pour croire au miracle des secondes indépendances, tous sont tout yeux, tout oreilles sur leurs moindres gestes et paroles. Il y a donc un beau monde à crever l'audimat qui écoute ces nouveaux « messies » ou « mahdis » dans leurs prêches.
Le général Abdouramane Tchiani a-t-il alors crevé l'écran de Télé Sahel samedi dernier ? En tout cas dans une grande interview en langues haoussa et djerma, dans un plaidoyer pro domo, il est revenu sur la justification de son coup d'Etat, mettant en avant les paradigmes de la politique de rupture qu'il entend conduire. Et comme il fallait s'y attendre, les stéréotypes souverainistes étaient au rendez-vous : le peuple, par lui et pour lui ; les ressources du Niger pour le Niger ; l'indépendance totale ici et maintenant ; oui à de nouveaux partenariats gagnants-gagnants ; ceux qui mettent des bâtons dans les roues de l'avancée vers l'indépendance du pays doivent se ressaisir, etc.
La France en a eu pour son grade d'ancienne puissance colonisatrice : exit l'ambassadeur Sylvain Itté et bientôt les 1400 soldats français du sol nigérien, même si Niamey n'exclut pas d'ouvrir une nouvelle page des relations avec Paris. En attendant, que le général Tchiani se soit adressé aux Nigériens en langues nationales, pour un premier grand entretien, est un symbole fort de la rupture voulue avec l'ancienne métropole. Mais il reste à savoir si avec le haoussa et le djerma, le président Tchiani ne laisse pas au bord de l'audimat des Nigériens, notamment les Tamasheks, les Peuls et les Touaregs.
Pour la lutte contre le terrorisme, les groupes armés éponymes n'ont qu'à bien se tenir, Django... pardon le général Tchiani arrive ! La guerre va enfin commencer. Et plus tôt elle sera terminée, plus tôt le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie s'en ira du pouvoir, foi du général Tchiani. « Je ne peux pas dire que la transition va durer 5 voire 10 ans. Nous ne sommes pas là pour ça. Nous sommes là pour guider le peuple de sorte que même après nous il fasse le bon choix et non celui de la démocratie du verbiage. »
Vous avez dit démocratie du verbiage ? C'est le crapaud qui sort de la rivière pour dire que le crocodile a mal aux yeux. C'est connu, le général Tchiani a longtemps été un homme du sérail des politiciens qu'il voue aujourd'hui aux gémonies. Après 10 ans aux côtés de l'ancien président Mahamadou Issoufou et 2 autres à servir celui qu'il vient de renverser, on est fondé à dire qu'il sait de quoi il parle, non sans faire remarquer qu'il en a mis du temps pour se rendre compte de ce verbiage, des vols des biens publics, des iniquités et autres injustices sociales qu'il dénonce aujourd'hui. A-t-il été si proche de la rivière sans s'être mouillé la barbe ?
Que vaudront réellement ces symboles et cette volonté de rupture avec le passé affichée par le nouveau président nigérien à l'épreuve des dures réalités de la lutte contre le terrorisme et des aspirations des populations à une bonne gouvernance et à la satisfaction de leurs besoins sociaux de base ? On attend de voir !