Kolda — - L'arbre "Moussa Molo Baldé", un caïlcédrat géant doté de pouvoirs mystiques qui mettaient à l'abri de toute surprise l'ancien résistant à la pénétration française en Haute-Casamance, garde encore sa réputation d'arbre mystique, comme l'attestent les prières organisées par les populations de Kolda (sud) pour les enfants circoncis et les femmes en mal de fécondité.
C'est à Doumassou, un quartier de Kolda situé à proximité du camp militaire Moussa Molo Baldé, que se dresse cet arbre qui en impose par sa taille, son emplacement et sa réputation. Aujoud'hui, sa sacralité ne fait l'objet d'aucun doute.
Selon la tradition orale, c'est à son ombre que Moussa Molo Baldé venait se reposer pendant ses conquêtes. C'est lui-même qui l'aurait rendu mystique, afin de bénéficier de sa protection pendant ses moments de repos, pour éviter ainsi toute surprise venant de ses ennemis pendant notamment ses heures de sommeil.
La même source rapporte que lors de son périple dans le royaume du Fouladou, le chef de guerre et érudit musulman, El hadji Oumar Tall, aurait fait escale sous l'arbre pendant des heures, accompagné d'Alpha Molo Baldé, le père de Moussa Molo.
Des siècles plus tard, les populations continuent à vénérer ce caïlcédrat qui, jadis, protégeait le guerrier peul. L'histoire de cet arbre mythique qui surplombait les habitations du petit village de Kolidado, est liée à celle de Kolda, explique Solo Diané, le chef du quartier de Doumassou qui abrite le caïlcédrat.
"Personne ne sait quand et qui a mis l'arbre sous terre, car il précède la création de Kolda vers 1872", renseigne le notable. C'était d'abord un petit village occupé par des Bambaras venus de l'empire mandingue et Fodé Coulibaly était le premier chef de village, fait-il savoir.
C'est sous cet arbre, dit-il, que les habitants du village venaient faire leurs prières et tenaient des rencontres afin d'être protégés des agissements des colons français.
Par la suite, ils construisirent une mosquée afin d'accomplir leurs cinq prières quotidiennes dans de meilleurs conditions. "Voilà comment depuis lors la tradition est perpétuée par des générations et cela, jusqu'à nos jours", confie Solo Diané.
De "fausses croyances" sur le caïlcédrat géant
Le chef de quartier de Doumassou déplore les "fausses croyances" selon lesquelles un étranger qui fait le tour de l'arbre, ne pourrait plus quitter Kolda. "C'est faux, l'arbre n'a rien de mystique et ne renferme rien qui ressemble à des pratiques occultes", martèle-t-il.
"Les anciens ont beaucoup prié sous cet arbre pour leur protection et ce sont des prières qui y ont été faites que Dieu a acceptées", fait-il valoir.
Selon lui, les populations organisent des prières sur le site lors des préparatifs de l'entrée et de la sortie du bois sacré des circoncis. Il rappelle aussi que "des femmes +dimbas+, qui ont des difficultés de maternité, y organisent des prières qui, souvent, sont exaucées".
Les enfants qui doivent entrer dans le bois sacré font le tour de l'arbre, accompagnés de kankourang, un initié arborant un masque fait d'écorces rouges et de fibres, des "selbés" (encadreurs) et des sages pour invoquer la protection pour eux.
"La veille de l'opération chirurgicale, ils sont conduits vers l'arbre pour y faire sept tours, accompagnés des +selbés+ [les encadreurs] et des anciens afin de demander la protection pour les nouveaux initiés durant leur séjour dans le bois sacré. Vers les années 70 et jusqu'aux années 80, le séjour des enfants dans le bois sacré durait jusqu'à trois mois. Et maintenant, il ne dure que des semaines", regrette Solo Diané.