Ces Gasy cultivent décidément une formidable auto-dérision qui leur a épargné un «rotaka», chaque année, chaque mois, chaque semaine.
Plutôt que «seulement» 1972, 1991, 2002, 2009, 2018 et 2023.
Puisque le pouvoir d'achat a été divisé par 100 en quarante ans, alors que se multiplient les biens mal acquis.
Que l'inflation oblige à se rationner, tandis que l'argent de l'or clandestin ou du bois de trafic embourgeoise la kleptocratie au pouvoir.
Et que la population doit se contenter d'hôpitaux, d'écoles ou d'un service public du tiers-monde, cependant que les experts de la mal-gouvernance s'exportent volontiers en Andafy pour le moindre bôbô ou pour s'inscrire en maternelle.
Il y a plusieurs fois de quoi faire exploser la cocotte-minute («mipoaka ny sarom-bilany») n'était-ce un sens particulier de l'humour. Ou quand les Gasy semblent ne pas prendre trop au sérieux leur déclassement, prélude pourtant au grand remplacement.
Sauf que les moqueries se font d'autant plus assassines que le ridicule ne tue vraiment pas.
Ici, les bouffonneries font rire, jaune.
Que ce soit pour l'oeil d'un cyclone, la confusion de 50.000 personnes avec 10.000 Ariary, ou une fouille manu militari pour débusquer un dangereux chou-fleur.
Ailleurs, une promesse électorale non tenue serait sanctionnée dans les sondages ; ici, on en fait un feuilleton de blagues. «Aleo halan'Andriana, toy izay halam-bahoaka», dit le proverbe.
Autant s'aliéner le roi qu'être mal vu par la population.
Si un roi a besoin d'un bouffon pour s'esclaffer à s'entendre pourtant dire «roi des cons» (c'est dans Prévert), la population invente les quolibets de la mise à l'Index et consacre le grotesque suprême.
Si on pardonne tout à un comique (dixit Fernandel), le «vavam-bahoaka» d'ici prononce des peines d'hilarité générale, à mourir de rire.