L'Organisation mondiale de la santé a donné son feu vert lundi 2 octobre pour l'utilisation d'un second vaccin contre le paludisme, le R21/Matrix-M, efficace à près de 77%. Trois pays africains - le Ghana, le Nigeria et le Burkina Faso (où il a été créé) - avaient déjà autorisé son utilisation.
C'est un vaccin avant tout destiné aux enfants de moins de cinq ans, principales victimes du paludisme. Un vaccin considéré comme « sûr et efficace » par l'OMS, pour un coût annoncé entre 2 et 4 dollars par dose. Ce vaccin est le second validé par l'Organisation mondiale de la santé. En 2021, le RTS-S avait déjà été autorisé.
Le vaccin R21 a été mis au point par des docteurs burkinabè basés dans l'unité clinique de Nanoro, en partenariat avec l'université d'Oxford. Quatre années de recherches ont été nécessaires pour le mettre au point. C'est l'une des raisons qui ont poussé les autorités du Faso à l'autoriser dès le mois de juillet, sans attendre la certification de l'OMS. L'organisation doit désormais valider les modalités de fabrication de ce nouveau vaccin qui sera produit par le laboratoire Serum Institute Of India, géant pharmaceutique capable de produire 200 millions de doses par an. La mise sur le marché de ce vaccin anti-palu R21 est prévue pour 2024.
Entretien avec le professeur Halidou Tinto, directeur régional de l'Institut de recherche en sciences de la santé de Nanoro au Burkina.
RFI : Professeur Halidou Tinto, que représente pour vous la certification de l'OMS pour l'utilisation du vaccin contre le paludisme, le R21/Matrix-M ?
Halidou Tinto : Je dirais que c'est l'accomplissement majeur de ma carrière de chercheur qui a commencé en 1998. Voir cet aboutissement et tout l'impact que cela va avoir sur l'histoire de l'épidémiologie du paludisme - qui va certainement s'inverser dans les années à venir - je ne peux être que fier d'avoir accompli beaucoup de choses pour la communauté africaine.
Nous avons été précurseurs dans les premiers résultats qui ont révolutionné la recherche sur les vaccins antipaludiques, en rapportant en 2021 dans The Lancet [une revue médicale de référence, NDLR] les premiers résultats sur ce vaccin R21 qui avait démontré une efficacité de 77%, une première dans l'histoire de l'humanité en matière de recherches de vaccin sur le paludisme.
Pour vous, ce vaccin va donc permettre d'accélérer l'élimination du paludisme.
Ce vaccin a été créé par l'Université d'Oxford, mais notre mérite dans le processus de développement de ce produit, c'est d'avoir été ceux qui ont testé et démontré pour la première fois que ce vaccin pouvait atteindre un tel niveau d'efficacité avec une sécurité d'usage. Et aujourd'hui, voir l'OMS endosser ces résultats et reconnaître leur pertinence ne peut que nous rendre fiers.
Le défi, pour nous, et le stress, c'était que cela se confirme ailleurs qu'au Burkina Faso. Car cela venait valider justement la qualité du travail que nous avons produit en phase 2. Et fort heureusement, justement en phase 3, où ce vaccin a été testé au Mali, en Tanzanie et au Kenya, la tendance est de confirmer ce que nous avons vu en phase 2 : à savoir que ce vaccin est efficace à 75% avec une sécurité d'usage absolue.
Ce vaccin est destiné avant tout aux enfants, ceux de moins de cinq ans. C'est une petite révolution.
Comme vous le savez, les enfants de moins de cinq ans sont la population la plus à risque du paludisme grave et de décès. Mais il faut dire que la recherche ne s'arrête pas, la recherche se poursuit et nous avons obtenu avec nos partenaires gambiens, un financement du gouvernement anglais pour tester ce vaccin à partir de 2024 dans les populations adolescentes et adultes. Cela va consister à faire une vaccination de masse pour voir si ce vaccin peut être utile au-delà des enfants, ce qui serait une autre révolution dans l'histoire de la recherche sur le paludisme.